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Guinée : pour une solution à la tunisienne

Publié le vendredi 14 novembre 2003 à 18h16min

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Guinée : pour une solution à la tunisienne

Qui des deux, Lansana Conté, une épave politique, et la
Guinée, cimetière socio-économique, survivra à l’autre ? Une
solution à la tunisienne conviendrait à ce pays.

Encore qu’ à la
décharge de Bourguiba, celui-ci, par certains côtés, a conféré
une certaine fierté à son pays. La Guinée, assurément, est un
condensé de tout ce que l’Afrique peut sécréter comme laideurs.

Voilà, en effet, un président presque biologiquement mort, qui
ne s’en cache d’ailleurs pas (ayant parfois eu à renvoyer des
visiteurs de marque) et qui, à la veille de l’élection présidentielle,
trouve miraculeusement la lucidité et les ressources
nécessaires pour ameuter ses troupes, non pas pour des
séances de prières ou de lamentations, mais pour convaincre
que l’heure n’est pas encore à l’abandon du navire, que sans lui
et qu’après lui, la Guinée serait perdue. Pour ce faire, Lansana
Conté fait subir une opération chirurgicale à ciel ouvert, sans
anesthésie, à la constitution, par une assemblée nationale
moutonne et à sa dévotion. Pourtant, les clauses de cette
constitution sont d’une limpidité incontestable.

Celui qui règne
sans partage depuis 1984 sur la Guinée est atteint par la limite
d’âge. On peut même pousser l’impudeur en affirmant qu’il est
atteint par la limite de la longévité. Qu’à cela ne tienne. Le
vieillard de Conakry peut compter sur un Conseil constitutionnel
inféodé et aux ordres, pour invalider la candidature des
prétendants sérieux, capables d’ébranler les fondements de
son pouvoir impopulaire, assis sur un volcan social, et ne retenir
qu’un candidat sans relief pour servir de faire-valoir, de vernis à
l’exigence d’élections pluralistes et faire plaisir aux observateurs
étrangers (ces afro-touristes) des élections en Afrique et qui
rendent invariablement le même verdict : scrutin globalement
satisfaisant.

En somme, un candidat tellement nécessiteux,
incapable de payer sa caution et qui sera, plus tard, payé au
centuple de ses bienfaits d’accompagnant. Lansana Conté peut
enfin compter sur ses indécrottables courtisans qui, ayant
passé le temps à mentir au chef, craignent de se retrouver
brutalement orphelins et de devoir rendre compte un jour d’avoir
rendu leur protégé aveugle et insensible à la détresse de ces
laissés-pour-compte qui en sont venus à regretter le régime de
Sékou Touré.

Enfin, pour défendre et parfaire ce cirque électoral, il fallait
trouver à Lansana Conté un clown, un toubib, en fait un
brancardier sans états d’âme, foulant au pied l’éthique de ce
noble métier, qui jure par tous les dieux que le président est
apte à affronter, pour les cinq années à venir, les charges de
son mandat présidentiel. Ceux qui trouvent indécent qu’on
brandisse la maladie du chef de l’Etat comme thème de
campagne, sont les vrais ennemis du peuple guinéen. Le code
électoral guinéen qui exige de tout candidat un certificat médical
n’a pas été rédigé par des imbéciles.

Dans un livre retentissant
publié sous le titre "ces grands malades qui nous gouvernent",
l’auteur dont je ne retiens plus le nom, expliquait que la plupart
des catastrophes politiques et militaires qui ont frappé
l’humanité était le fait de dirigeants qui ne jouissaient pas de
leurs facultés physiques et mentales. Dans certains pays qui
détiennent l’arme nucléaire, la santé des chefs d’Etat est
constamment scannée pour leur éviter certaines dérives en cas
de malaise.

Avec le respect qu’on doit à la vie humaine en
Afrique, il faut reconnaître qu’il y a des responsables qui, par leur
comportement débile, peuvent nous entraîner, dans un scénario
catastrophe. A telle enseigne que certains ne sont pas loin de
souhaiter que la nature ait raison sur ces dinosaures qui
résistent à l’usure de leurs pratiques antidémocratiques. C’est
vrai que, de plus en plus, cette race de pères de la Nation est
une espèce en voie d’extinction. Est-ce pour autant que les
Africains doivent attendre, avec fatalisme, cette irréversible
échéance ?

En parcourant l’histoire de l’Afrique, on se rend
compte que même nos empereurs n’ont pas battu le record de
longévité de nos dictateurs d’aujourd’hui. Encore qu’à l’époque,
des mécanismes prévoyant l’alternance existaient bel et bien.
On a même vu de puissants empereurs quitter leur trône
souvent par un coup de force. En attendant, l’Afrique et les
Africains vont devoir encore compter avec des régimes
gérontocratiques, dictatoriaux et totalitaires parce qu’ils ont face
d’eux des opposants et des intellectuels collabos qui ont
contribué à consolider les pouvoirs en place. Ceux que Frantz
Fanon a appelés les "intellectuels colonisés". Tant pis pour ceux
qui n’ont pas compris la logique des intellectuels africains.

N’ont-ils pas été abreuvés à la source de l’idéologie de la soif de
dominer ? Ils ont été formés à l’école du Blanc pour se
substituer à lui et pour dominer, pardon domestiquer leurs
frères indigènes. Ils sont devenus alors des collaborateurs
rampants devant les chefs d’Etat. De temps en temps, en
accord avec leurs maîtres, ils tiennent des propos incendiaires
dans les colonnes des journaux pour se faire bonne
conscience. Loin des préoccupations domestiques des
citoyens, reclus dans leur confort matériel, n’ayant plus aucune
base arrière, compromis, ils ne sont plus que des caisses de
résonance du roi et prêts à toutes les sales besognes.

Comme
on le constate, les populations, abandonnées à elles-mêmes,
ne peuvent plus compter, ni sur les syndicats infiltrés et
politisés, ni sur la société civile relativement jeune et mal
structurée, encore moins sur les maîtres d’hier et d’aujourd’hui
de l’Afrique qui s’empressent de féliciter par anticipation des
présidents mal élus. Prétendument à cheval sur le respect des
règles de la démocratie, mais dans la pratique, de connivence
avec les détenteurs des pouvoirs illégitimes, les ex-puissances
colonisatrices, très au parfum des signes avant-coureurs
d’élections mal préparées, se comportent par la suite en
pompiers volontairement retardataires, ne laissant aux Africains
que la seule consolation de broyer leur chagrin.

"Le Fou"
Le Pays

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