LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Les “bras cassés” de l’administration publique

Publié le lundi 31 août 2009 à 03h15min

PARTAGER :                          

Des cadres burkinabè enlevés de leurs postes ne parviennent pas à faire leur, cette phrase courageuse du général Kwamé Lougué, ex-ministre de la Défense à son installation au poste de Secrétaire général à la Défense nationale : « Il n’y a de garage que pour celui qui veut se garer ». Après avoir occupé de hautes fonctions dans l’administration, ils contractent une dépression dès qu’un conseil de ministres ou un remaniement décide autrement de leur sort. Ces ex-hauts fonctionnaires refusent d’admettre leur nouvelle situation. Ils remuent ciel et terre, oubliant que le fauteuil moelleux qu’ils se sont mis à regretter tant, a appartenu à d’autres personnes.

De plus en plus, des anciens ministres, directeurs généraux, directeurs … sont en vadrouille dans le pays. Ils se fraient volontiers un passage à vide. Certains se disent « en réserve de la République », d’autres s’octroient les pleins pouvoirs pour se mettre volontairement en disponibilité illégale. Absentéistes ou invisibles dans leur nouveau lieu d’affectation. Tout aussi inactifs, « ces bras cassés » continuent de bénéficier de la manne mensuelle de l’Etat. C’est une tradition bien burkinabè de ne plus retourner à sa case départ, une fois que l’on n’est plus au perchoir. Le gouvernement devrait maintenant évaluer le poids et l’entrave de cette “oisiveté passive” sur le rendement des agents et la qualité du service public. Parce que cette observation s’inscrit dans une réalité globale selon laquelle c’est une minorité d’agents publics qui travaille pendant que la majorité que l’Etat emploie vaque à ses propres occupations ou se repose.

Elle est aujourd’hui pesante sur le département de la Fonction publique, les inspections générales de services et les directions des ressources humaines des ministères. En attendant de forcer un « atterrissage doré » pour ces serviteurs de l’Etat, la recherche de l’issue savoureuse peut durer le temps qu’il faut, au détriment du service et des finances publics. Cette situation perdure et devient un fardeau pour l’Etat. Elle se nourrit de la faiblesse des patrons de ces anciens “gourous”, craignant leur capacité relationnelle de nuisance et la probabilité de leur retour aux affaires. Et la démission tolérée des postes continue de gruger le budget national. Or, il suffit qu’un petit fonctionnaire abandonne son poste pour quelques jours et pour quelques raisons que ce soit pour qu’une salve de menaces de son licenciement soit publiée dans les journaux et diffusée à la radio. Les anciens grands sont innocemment protégés bien au-delà des textes règlementaires qui autorisent le maintien des indemnités de ceux-ci jusqu’à une certaine période. Autant le billetage a déjà permis de démasquer des fonctionnaires fictifs, autant un audit des agents actifs aiderait à déceler et à mettre au garage, une fois pour toute, les travailleurs capricieux, mécontents de leur nouveau statut de débarqués.

Cela permettrait à la Fonction publique de dégager davantage de places pour le recrutement de nombreux chômeurs errants dont 351 000 se sont rués sur les 7 000 emplois publics mis en jeu cette année. Il est aussi vrai que, fuyant ses responsabilités, l’Administration a traumatisé des cadres, remerciés comme si leur action n’a pas profité au service public. Certains ont appris leur relèvement à la radio et se remettent difficilement de ce choc psychologique. Le langage si moqueur “on l’a décagnoté”, traduit éloquemment cette attitude “ingrate”, plongeant de vaillants serviteurs dans un regret profond. La promesse tant attendue du Premier ministre de recourir à des appels à candidatures pour certains postes de responsabilité assortis de mandats et d’objectifs bien déterminés, pourrait être une alternative pour mettre fin aux nominations à l’emporte-pièce que chaque conseil de ministres vient reconsidérer. Une telle innovation dans les emplois aux hautes fonctions amènera, à coup sûr, des mentors à admettre que le choix porté sur eux à un moment donné, participe de la logique « d’ajouter la pierre à la pierre » dans le processus de la construction de la nation.

Le seul fait que l’on ait été appelé à une haute fonction, même pour une fois dans sa vie parmi les quatorze millions de Burkinabè, doit constituer une source infinie de fierté et de satisfaction. Vouloir s’y accrocher comme une roussette à une branche, ne peut qu’engendrer un coup de gong inoubliable. Après tout, personne n’est né pour être ministre ou directeur général. Une nomination doit être comprise comme une marque de confiance de sa hiérarchie et une occasion d’exprimer sa compétence pour un instant. Des “débarqués” ayant fait montre de compétences et de qualités managériales reconnues par tous, ont vite été rappelés sur de grands chantiers. Les besoins de développement et l’exigence de “l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”, ont fini par dissiper les considérations parfois subjectives à base de leur relèvement et imposer leur choix. Il n’y a donc pas lieu de s’en prendre au ciel quand son heure vient à passer.

Bien que cet épisode de la vie soit difficilement supportable, il n’en demeure pas moins vrai qu’il étoffe le curriculum vitae pour d’autres postes plus prestigieux et plus “juteux”. Pour peu que le relèvement des fonctionnaires appelés aux hautes fonctions se fasse sans humiliation, pour peu que ceux-ci bénéficient de toute la considération due à leur rang dans les nouvelles structures d’accueil, pour peu que les anciens grands se ressaisissent et acceptent leurs nouvelles fonctions dans l’administration, cette catégorie de travailleurs constituerait une véritable mine en terme de conseils et de renforcement des capacités pour une Fonction publique en quête de bonne gouvernance et de modernisation.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.frr)

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 31 août 2009 à 15:19, par Pacco En réponse à : Les “bras cassés” de l’administration publique

    Il faut le dire à BC&Co, c’est ce qui leur fait peur au point de ne pas vouloir le changement !

  • Le 31 août 2009 à 16:11, par Timir En réponse à : Les “bras cassés” de l’administration publique

    j’ai bien parcouru l’article qui retrace bien la réalité au pays des hommes intègres. cette situation est beaucoup plus ressentei par certains quand ils se rendent compte que malgré mauvaise gestion de certains, il évoluent de poste en poste cassant ainsi "les bras de l’administration". Moi je suis dans une institut au sud-ouest du burkina. En 2007 lors de la passation de service de notre Agent comptable on n’a pas pu faire la situation de sa gestion et malgré cela son administration continu de lui confier des responsabilités. Est-ce pour casser les bras des honnêtes agents ou sont t ils en quête permanente de l’excellence ?

    • Le 1er septembre 2009 à 15:57 En réponse à : Les “bras cassés” de l’administration publique

      En parcourant les articles ce matin je n’ai pu m’empêcher de réagir à cet article. A l’époque moi j’étais étudiant à l’institut et en fin 2006 nous avons du marcher sur le Trésor public soit pour réclamer nos reçu de paiement de frais de scolarité soit pour une histoire de chèque disparut. vivement que la gestion de ces structures soit assainie. nous espérons bien que cela ne va pas tarder et que nous aurons un nouveau agent comptable à gaoua comme de par le passé.

  • Le 31 août 2009 à 16:19 En réponse à : Les “bras cassés” de l’administration publique

    Bravo, mon grand.

    Bassole, USA

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?