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Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

Publié le jeudi 27 août 2009 à 01h50min

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Philippe Ouédraogo

Philippe Ouédraogo, secrétaire général du Parti africain de l’indépendance (PAI) donne, dans cette interview, sa lecture de la situation politique nationale marquée cette année 2009 par le forum sur l’alternance politique et la sortie médiatique de Salif Diallo.

Fasozine.com : Dans sa dernière sortie médiatique, Salif Diallo, ancien 1er vice-président du Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP), a suggéré l’adoption du régime parlementaire au Burkina. Quelle est la position du Parti africain de l’indépendance (PAI) face à cette proposition ?

Philippe Ouédraogo :Pour nous, le problème majeur n’est pas la refondation des institutions, c’est-à-dire la transformation du régime actuel en régime parlementaire comme il le préconise. Il s’agit, selon nous, d’instaurer une véritable démocratie qui donne des droits égaux à tous les citoyens, qui respecte la souveraineté du peuple et qui autorise chaque citoyen à jouir de ses droits, tels que définis dans la Constitution. Lors de la dernière élection présidentielle, nous avions dénoncé cette espèce d’hypertrophie du pouvoir présidentiel au sein de l’exécutif, qui faisait que tout était occulté par la présence du président Blaise Compaoré qui, manifestement, décidait de tout, intervenait sur tout et présidait à tout. Nous pensons que c’est la manière dont le président conçoit la politique et sa place au sein de l’exécutif qui pose problème. Ce n’est pas la répartition des pouvoirs, telle que définie dans la constitution, qui est en mal. Nous plaidons pour une vraie démocratie au Burkina et souhaitons que le parti au pouvoir cesse d’accaparer tout, de manipuler tout et de bâtir sa politique sur un seul axe : la conservation du pouvoir.

Certaines institutions mises en place ne répondent pas aux aspirations du peuple. Il s’agit notamment de l’Assemblée nationale et d’autres institutions à la tête desquelles ne sont nommés que des gens acquis à la cause du pouvoir en place. Toutes ces pratiques doivent changer dans le cadre du rétablissement d’une véritable démocratie. C’est ce que nous considérons comme prioritaire.

Salif Diallo, avant d’être nommé ambassadeur du Burkina en Autriche, était le numéro deux du régime. Il était l’homme de confiance du président. Presque toute la politique et la gestion des affaires sous l’égide du CDP se faisaient selon ses inspirations.

Lors du congrès du CDP, tenu du 23 au 25 juillet 2009, Salif Diallo a été suspendu des instances dirigeantes du parti. Quel commentaire cela vous inspire ?

C’est un problème intra CDP. Il est loisible à tout citoyen d’exprimer ses idées et de proposer des changements dans la marche générale de l’Etat et de la politique du pays. C’est ce que Salif Diallo a fait. C’est son droit. Normalement, il ne devrait pas avoir des sanctions ou des réactions particulières à son encontre. Mais sachant que tout le CDP est organisé de sorte à conserver le pouvoir et servir Blaise Compaoré, il est évident que les propos de Salif Diallo ne pouvaient qu’être très mal perçus, parce qu’il a demandé que l’on change la façon dont l’Etat est organisé, sans prendre l’avis du président Blaise Compaoré et du CDP. Il a également critiqué la manière dont l’Etat est géré. C’est d’ailleurs pourquoi il a proposé l’instauration d’un régime parlementaire. Cette critique porte sur la patrimonialisation du pouvoir. Ce qui désigne la mainmise d’un clan familial sur la vie politique, les pouvoirs et les richesses du pays..

Ces dernières années, nous voyons bien que des gens issus de la famille du président sont impliqués dans la gestion de la vie politique. Le fait d’appartenir à la famille du président ne peut pas être un critère pour occuper des postes de responsabilité. Et pourtant c’est le cas aujourd’hui. La critique de Salif sur la patrimonialisation est fondée.

Certains pensent que la sortie de Salif Diallo a été préparée par le président ou par ses proches. Est-ce que vous y croyez ?

Lorsqu’on considère l’organisation générale du pouvoir, les marges de liberté dont jouissent les dirigeants, on peut s’étonner que Salif Diallo prenne une telle initiative sans consulter le président Blaise Compaoré. Personnellement, je ne crois pas à la thèse selon laquelle cette interview a été commanditée. Il s’agit d’un citoyen, membre du parti majoritaire qui est traversé par des intrigues et organisé en clans, qui a été relégué au second plan. Il a du mal à admettre cette relégation. C’est donc une manière pour lui d’exprimer son mécontentement. Il dit les choses telles qu’il les a vécues. Etant du sérail, il sait comment les choses se passent. Il sait que le fonctionnement de l’Etat n’est pas bon. Salif sait que c’est le clan familial du président qui domine la situation aujourd’hui. Et pour changer la situation, il a fait des propositions.

Zéphirin Diabré avait donné un coup de pied dans la fourmilière en organisant du 1er au 3 mai 2009 un forum sur l’alternance. Quelle est la position du PAI sur cette question de l’alternance ?

La question de l’alternance n’est pas nouvelle pour les partis de l’opposition véritable. Nous avons estimé que pour changer la politique du pays, il faut donner la possibilité à d’autres hommes d’exercer les fonctions de président et de membres du gouvernement afin de mettre en place une nouvelle politique. Il ne s’agit pas de mettre d’autres hommes qui vont poursuivre la même politique. Les partis de l’opposition, réunis au sein du Groupe du 14-février et du groupe Alternance 2005, s’étaient organisés pour travailler à ce que cette alternance devienne une réalité. Malheureusement, à cause des faiblesses des partis politiques de l‘opposition, nous n’avons pas pu mettre en place ce mouvement politique dont l’action aurait conduit à l’alternance.

En outre, les élections n’ont jamais été transparentes au Burkina Faso, parce la politique actuelle est bâtie de sorte à conserver le pouvoir entre les mains du président Blaise Compaoré.

L’indépendance de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est quasiment inexistante. Elle est constituée, en majorité, par des représentants du parti au pouvoir. Pour les votes, nous avons demandé que l’on n’autorise que les pièces non falsifiables. Mais le gouvernement a toujours traîné les pieds, prétextant le manque de moyens. Alors que le même Blaise Compaoré, dans les crises où il est facilitateur des négociations, recommande ces documents infalsifiables.

Les trois années à venir seront des années charnières pour les partis politiques au regard des élections qui se profilent à l’horizon. Comment est-ce que le PAI prépare ces élections ?

Le PAI, étant un parti burkinabè de l’opposition, soumis à ce contexte politique mouvementé, vit aussi ces secousses. Le calendrier électoral a été établi de sorte que les trois élections, à savoir la présidentielle, municipales et législatives, se suivent. Ces élections sont ruineuses pour les partis politiques qui n’ont pas de sources de financement. Le PAI milite pour que l’opposition véritable ait un seul candidat. Pour cela, nous ne disons pas à priori que le PAI présentera un candidat. Nous allons simplement militer avec d’autres partis de l’opposition qui voudraient présenter un seul candidat. Mais il faudra d’abord discuter du programme de gouvernement que nous allons proposer au peuple et définir les voies et moyens afin que celui qui sera retenu pour représenter cette coalition des partis puisse battre campagne.

Les élections municipales sont très importantes pour nous parce qu’il s’agit d’être présents sur l’ensemble des collectivités territoriales. A la dernière élection présidentielle, nous nous sommes présentés sur les listes du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS), à cause d’un problème juridico administratif. Les résultats n’étaient pas brillants parce que nous nous sommes classés 3e. Nous pensons que c’est largement insuffisant. Cette fois, nous serons présents partout.

Notre ambition pour les législatives est d’avoir plusieurs députés, car nous voulons être plus présents à l’Assemblée afin de pouvoir démontrer que la politique mise en place n’est pas bonne. Mais cela implique que les élections soient transparentes.

Où en êtes-vous avec le contentieux juridique qui vous oppose à Soumane Touré ?

Nous sommes dans une situation un peu bizarre. Lorsque nous avons porté notre différend, en février 2000, devant le tribunal administratif, pour montrer que nous sommes victimes d’une injustice de la part du gouvernement qui a reconnu le groupe de Touré Soumane, nous avons obtenu un jugement au bout de six mois. La justice a annulé la décision du gouvernement prise en faveur de Soumane Touré. Le temps passant, il a fallu inexplicablement un temps plus long pour obtenir une décision de justice. C’est le 30 juin 2005 que le tribunal administratif de Ouagadougou, après que nous l’ayons saisi, a annulé le 2e arrêté du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) qui donnait raison au groupe de Touré Soumane.

Et c’est seulement le 11 novembre 2008 que le Conseil d’Etat nous a appelés pour un jugement qui devait avoir lieu sur un appel que le MATD a déposé contre le jugement du 30 juin 2005. C’est quand nous sommes arrivés au lieu de la convocation que nous avons appris que deux semaines après l’appel déposé par le MATD, Touré Soumane a aussi déposé un appel contre le même jugement du 30 juin 2005. Mais ce jour, on nous fait comprendre qu’on avait oublié de prendre en compte la plainte de Touré Soumane. Et j’ajoute que c’est le même avocat qui défend et Touré Soumane et le MATD. Et parce qu’on n’avait pas pris en compte la plainte de Touré Soumane le jugement a été reporté. Nous sommes aujourd’hui le 25 août 2009, près d’un an après, nous n’avons toujours pas été appelés. C’est donc une affaire à suivre.

« Les présidents de toutes les institutions sont nommés par le président Blaise Compaoré », vous l’avez dit. Pourtant, vous avez été président du Conseil économique et social (CES).

N’est-ce pas là un signe que vous avez flirté à un moment donné avec le régime en place ?

Si. En 1991, peu avant l’adoption de la Constitution, nous avions décidé de contracter une alliance avec, à l’époque, l’Organisation pour la démocratie populaire/ mouvement du travail (ODP/MT, qui deviendra par la suite le CDP, après une fusion avec d’autres partis, NDLR) jusqu’en 1994. Mais nous avons déploré très rapidement que pendant le temps de notre alliance, nous n’avons pas été associés à la gestion des affaires. Nous avions beaucoup de motifs de critique sur la manière dont les choses étaient gérées.

Cette manière de faire n’a pas plu à beaucoup de gens. Et à la fin de 1994, nous n’avions plus de relations avec les autres éléments du pouvoir. Malgré cette situation confuse, nous sommes restés dans l’alliance et au même moment nous nous posions la question de l’intérêt de maintenir l’alliance qui nous enlevait toute possibilité d’intervention dans la gestion des affaires.. A la suite de ces critiques, le président Blaise Compaoré a décidé de me nommer président du Conseil économique et social (CES). Mais la situation était devenue très inconfortable parce que nous n’approuvions plus la gestion des affaires, nous n’avions plus de relations avec les cadres de l’ODP/MT. Et en 1996, lors d’une de nos rencontres, nous avons décidé de mettre fin à notre collaboration. Et il se trouvait qu’au même moment, on avait mis fin à mes fonctions de président du CES. Cela me libérait et m’offrait une plus grande possibilité de m’exprimer. C’est ainsi que s’est passée notre collaboration avec le régime en place.

Jacques Théodore Balima

Fasozine

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Vos commentaires

  • Le 27 août 2009 à 18:00, par Paris Rawa En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

    Je ne comprends pas très bien la logique de ce Monsieur Philippe Ouédraogo, et encore moins sa stratégie politique.

    Il affirme que la priorité pour leur parti est la refondation des institutions, et il semble négliger l’urgence de l’alternance. Pourtant, il fait bien le constat que le principal problème tient à une personne : "Nous pensons que c’est la manière dont le président conçoit la politique et sa place au sein de l’exécutif qui pose problème. Ce n’est pas la répartition des pouvoirs, telle que définie dans la constitution, qui est en mal". Pourquoi donc n’attribue-t-il pas la priorité à l’alternance, d’autant plus que le calendrier électoral burkinabè est chargé pour les trois prochaines années ? Comment pourrait-on "refonder" ou "réformer" convenablement les institutions en même temps qu’on organise ce cycle électoral. Du point de vue de la stratégie et de l’efficacité, ne vaudrait-il pas mieux faire une chose après l’autre ; et de préférence l’alternance d’abord, pour qu’ensuite les réformes éventuelles ne subissent pas trop les manipulations politiciennes que l’on reproche aux hommes et au parti au pouvoir ?

    Par ailleurs, n’est-il pas dangereux, de vouloir utiliser la reformes des règles institutionnelles pour écarter du pouvoir des personnes qu’on estime gênantes ? Remarquez que c’est ainsi qu’en Cote d’Ivoire on avait commencé : au nom d’une certaine "ivoirité", on a introduit certaines dispositions dans la constitution, dans l’unique but d’empêcher la candidature de ceux qui ne semblaient pas "assez ivoiriens". A mon avis, nous avons des bonnes institutions, mêmes si elles ne sont pas parfaites. C’est une très mauvaise option de vouloir les modifier, dans le seul but de faire partir Blaise, ou de limiter son pouvoir. Si on ose le faire, on se rendra compte, après son départ, ou sa "neutralisation" constitutionnelle, que la nouvelle répartition des pouvoirs (parlementarisme ou autre) qui lui aurait été nuisible, restera nuisible pour son successeur ou ses collaborateurs (bons ou mauvais) et donc nuisible pour la gouvernance de l’État. Ce n’est pas avec des institutions rendues bancales que l’on rendra bons les gouvernants qui sont mauvais ou inefficaces.

    Il n’est guère pertinent de monter des institutions paralysantes pour neutraliser un président défaillant, il faut changer de président : c’est l’alternance et non la réforme.

  • Le 27 août 2009 à 18:25, par Paris Rawa En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

    AUTANT POUR MOI :

    Ma réaction précédente est due à une mauvaise lecture de ma part, de la phrase suivante de Monsieur Philippe Ouédraogo : "Pour nous, le problème majeur n’est pas la refondation des institutions, c’est-à-dire la transformation du régime actuel en régime parlementaire comme il le préconise". Je partage cet avis, mais j’avais compris le contraire ; une erreur de lecture confortée par le fait que plus loin Monsieur Ouédraogo cite l’Assemblée Nationale parmi les institutions qui ne donnent pas satisfaction.

    "L’erreur est humaine, persévérer est diabolique" dit-on !

  • Le 27 août 2009 à 22:17, par seydou En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

    Mr P.Ouédraogo, le problème n’est pas de réfonder la république,d’ailleurs je ne pense pas que le régime parlementaire est bon pour le Burkina, cela equivaut au régime des partis c-à-d l’inertie,la pagaille et des gouvernements tous les 6 mois tel était le cas sous la 3ème république qui a fini par donner raison aux militaires
    Réflechissez messieurs les politiciens, oubien vous etes audacieux pour faire plier Mr Compaoré aux bonnes moeurs démocratiques avec veritable separation des pouvoirs c’est ainsi que vous vous rendez utils au pays,sinon tout le reste n’est que politique politicienne.

    • Le 28 août 2009 à 00:12, par A. Serge En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

      M. Seydou ! Non seulement vous lisez l’article en diagonale, mais en plus vous critiquez sans proposer mieux ou tout au moins, juste proposer autre chose. --- Relisez donc ! Philippe Ouédraogo :Pour nous, le problème majeur n’est pas la refondation des institutions, c’est-à-dire la transformation du régime actuel en régime parlementaire comme il le préconise. Il s’agit, selon nous, d’instaurer une véritable démocratie qui donne des droits égaux à tous les citoyens, qui respecte la souveraineté du peuple et qui autorise chaque citoyen à jouir de ses droits, tels que définis dans la Constitution.

      Alors vous qui reflechissez, enrichissez donc nos politiciens de vos lumières afin qu’il parviennent à "faire plier M. COMPAORE aux bonnes moeurs démocratiques..."

      Salut !

      • Le 28 août 2009 à 13:17, par seydou En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

        Mr Serge,justement je ne suis pas loin de votre pensée.Seulement une démocratie n’est autre qu’un ensemble des methodes d’un gouvernement temperé qui ne peut se réaliser que dans une séparation totale des pouvoirs puisque l’assemblée nationale est l’instrument de cette souverainité du peuple,le peuple etant l’acteur indirect et arbitre.
        Dans le cas du Burkina le mal vient du fait que l’exécutif est responsable devant le parlement(monocameral) en meme temps tient sa légitimité du président de la république qui le nomme et le seul à pouvoir le dissoudre, le parlement n’a qu’un pouvoir théorique de censure qui ne peut fontionner que si parallement un veritable pouvoir judiciare est l’acteur majeur dans cet équilibre.à supposer que la justice veut poursuivre un ministre, elle ne peut le faire que si l’assemblée nationale (commission) l’y autorise,chose impossible au régard des rapports de forces.pour revenir à cet équilibre c’est de révoir la conception du parlement la voie la moins compliquée c’est la loi electorale mixte avec une forte dose de proportionnelle 20% ceci permettra de dégager une minorité critique solide au parlement.Si cette minorité n’a pas le pouvoir de renverser le gouverment au mois a l’avantage d’éclairer l’opinion, à defaut ,le parlement tel qu’il est actuellement aux yeux de nos compatriotes n’est autre qu’un hameau des grands lettrés Ouagalais.
        Salut

  • Le 28 août 2009 à 00:13 En réponse à : Philippe Ouédraogo : « Les élections n‘ont jamais été transparentes au Burkina »

    les elections approchent... il faut se faire remarquer...quel monde !!

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