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SOULEYMANE ALEX BAMBA, (Conseiller spécial de Guillaume Soro) : "La Côte d’Ivoire doit une fière chandelle à Blaise Compaoré"

Publié le mercredi 26 août 2009 à 01h03min

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Souleymane Alex Bamba

Journaliste, écrivain, expert en communication, juriste, politologue, Souleymane Alex Bamba, est présentement le conseiller spécial au sport et à la culture du Premier ministre ivoirien, Kigbafori Guillaume Soro. Prolongeant son séjour à Ouagadougou au lendemain de la 7e réunion du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) dans le cadre de la crise ivoirienne, nous l’avons reçu comme invité de la Rédaction. Disponible, ouvert, Souleymane Alex Bamba a accepté d’émettre son avis sur la sortie de crise en Côte d’Ivoire, ses relations avec des hommes politiques et de la société civile au Burkina dont le président du Faso, Me Hermann Yaméogo, Me Halidou Ouédraogo. Il évoque aussi ses amitiés avec feu notre confrère Norbert Zongo.

"Le Pays" : Vous étiez à Ouagadougou dans le cadre de la 7e réunion du CEA (Comité d’évaluation et d’accompagnement) le 9 août dernier. Peut-on savoir ce qui vous retient jusqu’à présent au Burkina ?

Souleymane Alex Bamba : En guise de préliminaire, je voudrais d’abord saluer votre indépendance d’esprit, d’ouverture et de rigueur. Continuez à être à équidistance des chapelles politiques et des arcanes anesthésiantes de certains pouvoirs. Je suis fier de l’oeuvre accomplie par mon ami et frère Boureïma Jérémie Sigué. C’est un exemple à suivre pour les journalistes. S’agissant de mon séjour après le départ de la délégation officielle, j’ai entamé une visite privée avec ma famille en guise de vacances, et puis, le Burkina et nous, c’est du pareil au même. Nos parents ont réussi l’intégration avant la lettre. Elle n’était ni un traité ni une convention ni une résolution, comme c’est le cas dans les grands forums où on excelle dans ce genre de stéréotypes et qui, pour beaucoup, finissent par faire chou blanc. Nous sommes là pour bien marquer l’évidence de ce que doit être la présence, d’un côté comme de l’autre, d’un Burkinabè ou d’un Ivoirien à Abidjan ou à Ouagadougou. Et nous sommes chez nous, dans le Kadiogo, le siège de l’empire mossi, structuré depuis la nuit des temps. Un exemple de cohabitation harmonieux entre la tradition et la modernité qui fortifie les sentiments des populations les uns dans les autres. C’est un modèle qui doit inspirer.

Où en est-on actuellement avec le processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire ?

Grâce à Dieu, aujourd’hui la Côte d’Ivoire, qui était très malade, se porte assez bien. Elle n’est plus sous surveillance médicale. On est sorti de l’étape où la patiente était sous perfusion, avait été soumise à une thérapie de choc. Et grâce à Dieu, elle a retrouvé sa colonne vertébrale pour rester debout. Et, au fur et à mesure de l’administration et de la prise des médicaments, (dont les différentes rencontres), le "corpus" est débarrassé des germes qui l’ankylosaient. Aujourd’hui, elle a retrouvé sa splendeur et n’est plus sous surveillance médicale. Elle pourra très bientôt retrouver tous ses automatismes et ses réflexes.

Bien sûr, la vigilance reste de rigueur parce que, lorsqu’un peuple ou un pays renie ses valeurs et insulte son passé, il est forcément exposé à ce qui nous est arrivé et, il est souvent difficile de s’en relever. Et on remercie Dieu parce qu’il n’y a pas eu plus de dégât lorsqu’on voit ce que ce micronationalisme primaire a causé à la Yougoslavie ou à la grande Union soviétique. La sagesse a habité le président Laurent Gbagbo et il a su désamorcer cette bombe en appelant ses frères à se mobiliser autour de ce qui est essentiel : notre pays. La Côte d’Ivoire dans laquelle chacun a sa place et dans laquelle la tradition d’hospitalité ne doit pas être un slogan ou un voeu pieux. C’est l’occasion de remercier le grand peuple du Burkina et singulièrement le président du Faso pour leur grande sollicitude. La Côte d’Ivoire doit une fière chandelle au président Blaise Compaoré.

A trois mois de l’élection présidentielle, peut-on affirmer que le premier tour aura bel et bien lieu, lorsqu’on sait qu’il y a la question de désarmement et de démobilisation qui pourrait poser problème ?

C’est vrai, on en parle. Mais je pense qu’en amont, ces questions ont été déjà traitées et réglées. Les commandants de zone sont (si je ne m’abuse), sur la base des informations et des documents qui existent, commandants de l’armée ivoirienne avec les avantages inhérents à ce grade. Seulement, ils ne seront pas sur le terrain. A contrario, 5 000 soldats des Forces nouvelles doivent intégrer l’armée régulière pour la mise en place de la nouvelle armée de la Côte d’Ivoire. Au plan psychologique, c’est une étape qui est déjà franchie. Naturellement, il y a des aigrefins qui agitent toujours l’épouvantail de cet aspect pour dissuader, soit parce que ça les arrange, soit parce qu’ils veulent prendre en otage la conscience des Ivoiriens. Mais on a dépassé cette étape. Les observateurs internationaux lors de la rencontre du CEA ont tous abondé dans le sens d’apporter leur soutien financier et logistique à la Côte d’Ivoire pour que cette date puisse être respectée. Et c’est également la volonté, le souhait du président Laurent Gbagbo, du Premier ministre chef du gouvernement. Et tous les efforts sont faits pour que la Côte d’Ivoire retrouve sa splendeur d’antan dans le concert des nations.

"Soro, arbitre impartial"

Quel rôle compte jouer le Premier ministre Guillaume Soro pendant et après les élections du 29 novembre ?

Je ne suis pas devin. Mais, pendant les élections, le Premier ministre sera l’arbitre impartial. Le maître du jeu. Les élections seront organisées sous son impulsion clairvoyante et, avec l’accord du président de la République. Maintenant, après les élections, c’est Dieu, (qui est mésicordieux et magnanime), qui saura y pourvoir et on lui demandera d’y pourvoir dans les formes qu’il faut, comme cela sied en Afrique pour que demain soit un autre jour plus radieux pour Guillaume Soro.

On a remarqué que vous avez de bons rapports avec pratiquement tous les chefs politiques ivoiriens, comme Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara, alors que vous n’êtes pas du même bord politique puisque vous avez milité au sein du PDCI/RDA. Comment faites-vous pour entretenir de telles relations ?

D’abord, je suis journaliste, expert en communication, donc indépendant par essence. Alors que j’étais à la direction de l’information de la télévision, où j’étais chef du service de politique internationale puis chef du service sport, le président Houphouët-Boigny, patron du PDCI/RDA, a souhaité que le journal du parti au pouvoir puisse être bien écrit. On me l’a proposé et j’ai accepté. Et nous réussîmes très rapidement à rendre le journal très performant, attractif et bien écrit. Son audience a décuplé. Puis "Le Démocrate" a été créé en 1991 et j’ai été nommé rédacteur en chef adjoint, puis rédacteur en chef sous Houphouët-Boigny et Alassane Dramane Ouattara, (à l’époque Premier ministre), qui m’ont nommé. Cela crée forcément des liens.

Ensuite, Henri Konan Bédié qui a succédé à Houphouët-Boigny m’a porté au poste de directeur de publication, qui fit de moi de facto, le patron de la presse du parti au pouvoir. Certains auraient voulu que j’aie une vision monocolore et orientée. Mais je m’y suis refusé parce que je suis un professionnel.

J’ai donc su construire des relations d’amitié avec les uns et les autres, mais aussi, entretenir cette amitié sans, en rien, entacher mon honneur et ma dignité. C’est le cas avec le président Laurent Gbagbo qui m’estime et que je respecte. Je n’aime pas les chapelles politiques qui vous font prendre des positions, et accepter ce à quoi vous ne croyez pas. Je suis un libre penseur, journaliste de surcroît, critique social. Donc, il est difficile de m’embrigader. Mais, en même temps, je suis un homme d’ouverture. J’amène les gens à se parler, à échanger. Je ne connais pas Me Bénéwendé Sankara qui est très critique à l’égard de Blaise Compaoré. Des fois je me suis amusé, tout en respectant et en appréciant sa vision, son niveau de culture et d’analyse, à me demander : "a-t-il jamais discuté avec le président du Faso ? L’a-t-il jamais rencontré ? " Sinon, il relativiserait... Donc, il faut encourager le fait de se parler. Pourquoi pas ? Il faut développer la culture des échanges par délà les clivages politiques et idéologiques. Aucun pays ne peut cultiver le misérabilisme des taudis ou des maisons en banco. Le développement du Burkina est positif et visible à l’oeil nu. Il y a les 2 Plateaux , la Riviera et autres quartiers huppés à Abidjan. Il faut applaudir Ouaga 2000 ainsi que les réalisations efficientes qui hissent Ouagadougou au même niveau que Abidjan, Dakar, Tunis, Bamako, etc. Qui n’est pas fier de ça ? Ouaga 2000 est sur le sol du Burkina et pas ailleurs. C’est une oeuvre pérenne. Du reste, mon premier ouvrage écrit sur Blaise Compaoré en 1993 le prophétisait.

Comment expliquez-vous que vous vous entendiez si bien avec Me Hetmann Yaméogo, quoique ce dernier soit un farouche opposant de Blaise Compaoré, qui est aussi votre ami ?

Pour bien comprendre, il faut remonter à l’origine de l’histoire. Me Hermann Yaméogo est un homme libéral et indépendant dans sa tête. Il a des convictions. Nous sommes devenus des amis après de féroces batailles. Chaque fois qu’il attaquait le président du Faso, je réagissais depuis la Côte d’Ivoire. Nous nous parlions au téléphone. Et à force de se parler et de se bagarrer, on est devenus des amis. Parce que nous nous sommes trouvés des points communs. Il m’a dit : " Oui, toi, tu es loyal, constant. J’ai rarement vu quelqu’un défendre un chef d’Etat, Blaise Compaoré en l’occurence, dans la constance et la détermination comme toi, et qui, en même temps respecte l’adversaire de Compaoré. Tu es mon ami." Voilà comment après d’âpres combats Hermann et moi sommes devenus des amis. Et puis une revélation : le père Maurice Yaméogo, avant de devenir président de la Haute-Volta, a été directeur général du Port d’Abidjan. Qui veut nier et renier l’histoire ? Les Burkinabè doivent aller en Côte d’Ivoire, chez eux.

"La Côte d’Ivoire n’est plus sous surveillance médicale"

Vous avez des relations de ce genre avec d’autres opposants ?

Oui, j’ai mené le même combat homérique contre Me Halidou Ouédraogo. Un combat de titan, un duel sans merci qui a finalement débouché sur des sentiments fraternels.

A propos de Me Halidou Ouédraogo, il y a eu cette affaire de 100 millions à l’époque du Collectif où votre nom a été cité. Quelle était votre degré d’implication ?

L’affaire des 100 millions a été revélée et relayée en effet, par tous les journaux ivoiriens. C’était une aubaine que d’exploiter une situation contre une personne qui avait réussi à mobiliser, (à tort ou à raison), contre mon ami Blaise Compaoré, sur des valeurs que je ne partageais pas. Même si la raison, qui justifiait cette levée de boucliers, que nous regretterons toujours tous, était la mort atroce de notre confrère Norbert Zongo, que je connaissais. Il m’appelait "le bourgeois d’Abidjan". Lui et moi discutions et chaque fois il me disait "Toi, tu es l’ami de Blaise ! et pourtant tu es si gentil." Ça me désaxe... Au sujet de la critique au vitriol des journaux ivoiriens, Halidou avait fini par croire que cette harmonieuse orchestration ne pouvait jaillir ex nihilo et qu’il y avait probablement un cerveau. Et il a pensé que c’était moi. Mais je lui ai dit qu’il avait tort parce que je ne pouvais pas commander 12 organes de presse en même temps. Je lui ai dit : "Je t’aime bien. Tu as été un collaborateur du président du Faso et les gens savent aussi que ta lutte est légitime. Il t’appartient d’apporter la preuve que ce qu’on te reproche n’est pas vrai." Alors, il a su qu’il avait affaire à une forte partie. Cela aussi a fini par créér des liens. Je mange avec lui à la maison. Quand il vient à Abidjan, il vient manger chez moi. Ce sont des amitiés humaines, qui transcendent les querelles politico-politiciennes. Surtout que lui, au contraire de certains croquemitaines, ne défend que les droits humains.

Tous les espoirs semblent se cristalliser sur l’élection du 29 novembre. Pensez-vous que l’élection d’un nouveau président serait la clé de la sortie de crise ?

Une chose est d’avoir fait cette guerre stupide, d’avoir reconnu qu’on a eu tort d’avoir insulté notre patrie, une autre est d’avoir compris qu’il est temps qu’on se donne la main. Aller aux élections, élire un président est une bonne chose et c’est vers cela que nous devons tendre, et inch’Allah, Dieu nous y aidera puisque, la Côte d’Ivoire n’est plus sous surveillance médicale. Mais, est-ce pour autant que, tous les problèmes, (dont certains étaient posés avant le début des hostilités et d’autres ont été accentués par la guerre), seront-ils résolus comme d’un coup de baguette magique ? Ça mérite réflexion. Et j’ai bon espoir que le président qui sera élu, avant même de l’être, doit y penser.

Cette question est d’une importance capitale parce que l’avenir et le futur de la Côte d’Ivoire en dépendront. J’espère qu’on aura tiré des enseignements de nos errements, de toutes nos faiblesses, de toutes nos méprises, de nos ostentations, de nos orgueils, de nos flatteries, de nos méchancetés inutiles afin que, plus jamais, ce qui est arrivé, n’arrive de nouveau. Chacun doit avoir conscience qu’il a un rôle à jouer et qu’il doit jouer ce rôle et Dieu y pourvoira. Et si Dieu a donné quelque chose à quelqu’un, aucun être humain n’a le droit de s’en offusquer. C’est ce raisonnement philosophique que nous devons désormais avoir dans nos futures relations. Dans les partis politiques, au niveau des hommes politiques. Il faut toujours s’inscrire dans une vision prospective tout en respectant l’autre.

Je pense que vous êtes l’un des vecteurs les plus puissants de la démocratie. Nous ne sommes pas le quatrième pouvoir mais, plutôt, le premier, contrairement à ce que les gens pensent. Nous pouvons faire comme nous pouvons défaire. Donc respectons-nous pour que les gens nous respectent.

Malgré vos états de services unanimement reconnus, l’opinion publique ne comprend toujours pas que vous n’ayez pas encore appartenu à un gouvernement là où, depuis, Guillaume Soro est devenu Premier ministre

C’est vrai, cette question récurrente commence à m’agacer. Devenir ministre ne doit pas être une obsession. Ce n’est pas une fin en soi. C’est un moyen. J’ai un prestige et une légitimité populaire que beaucoup de ministres m’envieraient. Le destin appartient à Dieu. Il y a des anciens ministres, il y en aura de nouveaux. Je prends avec amour et reconnaissance chaque chose que Dieu me donne et je le loue. Guillaume Soro est brillant et profond. C’est son destin. Chacun a le sien. Qui sait demain ? Restons humbles et simples à l’image du président du Faso. Nous ne sommes pas de ceux qui, parce que, ayant obtenu une promotion ont honte de leur propre histoire et supportent mal que leur propre mère qui fut ménagère vienne chez eux à la maison. Quel égarement !

Propos recueillis par Antoine BATTIONO et Abdou ZOURE

Le Pays

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