LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

Publié le lundi 24 août 2009 à 00h23min

PARTAGER :                          

Etienne Traoré

Professeur de philosophie morale et politique à l’université de Ouagadougou et président de Faso Metba, un parti politique se réclamant de l’opposition, Etienne Traoré est un vieux briscard de la politique. L’ex-lieutenant du professeur Joseph Ki-Zerbo a accepté, dans l’entretien qu’il a accordé à Fasozine.com, de faire le tour d’horizon de l’actualité politique nationale et internationale et de se prononcer sur "l’affaire" Salif Diallo.

Fasozine.com : En 2010, 2011 et 2012, les élections présidentielle, législatives et municipales vont se tenir dans notre pays. Comment se prépare Faso Metba ?

Etienne Traoré : Nous venons de recevoir notre récépissé il y a à peine trois semaines. Nous avions déjà commencé à mettre en place des structures de base du parti, mais c’est avec ce récépissé que les choses vont véritablement avancer. Avant que le parti ne naisse, nous avions déjà entamé des démarches et noué des contacts. C’est ainsi que lors de notre congrès constitutif, nous avons pu réunir des représentants venus de 32 provinces, sur les 45 que compte le pays. Nous allons poursuivre avec la mise en place des structures. Pour ce qui est de l’élection présidentielle, nous allons identifier, au sein des partis de l’opposition en lice, le programme le plus proche de nous et soutenir le candidat qui défend ce programme. Dans tous les cas, il n’est pas question pour nous de présenter un candidat à la présidentielle. Il faut disposer d’un capital humain et de moyens financiers conséquents pour se présenter à une telle élection, et nous ne sommes pas encore prêts. Nous allons cependant présenter des candidats aux municipales et aux législatives. C’est avec la base que nous allons arrêter la stratégie de lutte.

L’ex-vice président chargé des questions et de l’orientation politiques du parti au pouvoir a suggéré que l’Assemblée nationale soit dissoute et que l’on adopte le régime parlementaire. Comment analysez-vous une telle proposition ?

Les propositions de Salif Diallo synthétisent les arguments de l’opposition sur le sujet. Il y a juste ajouté son grain de sel. Pour convaincre le peuple de la véracité de ce qu’il dit, il aurait fallu que Salif Diallo fasse son autocritique. C’est lui qui a assis les bases de ce régime dans sa composante civile. Il a contribué obstinément à détruire toute forme d’opposition. C’est aussi lui, le spécialiste qui provoquait les scissions au sein des partis de l’opposition. C’est lui qui a assis les bases de ce régime, si aujourd’hui il reconnait qu’il y a un échec, il devrait aussi accepter de faire sa propre autocritique.

D’autre part, vu que ses propositions n’ont pas rencontré l’assentiment de ses camarades de parti, il aurait dû démissionner du parti et créer son propre parti. Il ne l’a pas fait. Il n’est donc pas allé au bout de son raisonnement. Enfin, Blaise Compaoré est le principal responsable de tout ce que Salif Diallo dénonce. C’est lui le chef de ce système, le véritable responsable du parti. Dans sa logique, Salif Diallo aurait dû demander sa démission. Là encore, il ne l’a pas fait. Cela étant, de façon globale, on ne peut pas donner une réponse à l’échec de ce régime en appelant à une cinquième république. Il aurait fallu appeler les acteurs de la classe politique, ceux du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) à changer leurs mœurs politiques.

Que pensez-vous qu’on puisse changer en passant à une autre république ?

Ce sont les mêmes acteurs qui vont animer cette nouvelle république, avec leurs mêmes mœurs politiques qui n’auraient pas changés. Les textes actuels sont bons, c’est l’application et les hommes qui posent problème. Je ne vois pas la nécessité de changer de régime. On change de régime lorsqu’il y a une crise des institutions, or, il n’y a pas de crise d’institutions au Burkina Faso. Aujourd’hui, les pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire et les institutions sont monopolisées par le régime en place. Avec la Constitution consensuelle de 1991, les propositions du Collège de sages suite à l’assassinat de Norbert Zongo et les différentes revendications de l’opposition, le jeu politique devait être clair au Burkina Faso. Là où je suis d’accord avec Salif Diallo, c’est le constat d’échec. La seule alternative pour un débat démocratique franc dans notre pays, est que l’opposition utilise les échecs du régime pour en faire des succès politiques. Il faut que l’opposition s’organise. Tous les acquis démocratiques dans notre pays l’ont été à la faveur de mouvements populaires.

Le président Mamadou Tandja vient d’organiser un référendum qui lui permet de continuer son bail à la tête de l’Etat pour trois ans. Quelle analyse faites-vous du climat politique dans ce pays ?

En d’autres temps, le président français aurait dit à son homologue en fin de mandat de quitter le pouvoir. Il ne l’a pas fait. La réalité est que Areva, qui est une société nucléaire française, a pour actionnaire majoritaire l’Etat français. Cette société a signé des accords avec l’Etat nigérien pour l’exploitation de l’uranium et du pétrole. Ayant pu négocier avec satisfaction les accords et freiner la boulimie des Chinois au Niger, la France ne se plaint plus que du bout des lèvres. La communauté internationale, elle se contente de condamnations verbales.

Le président Tandja dit vouloir discuter avec l’opposition pour calmer la situation. Il faut que l’opposition nigérienne s’en méfie car il va s’en servir pour la diviser. Il fera une main tendue à ses anciens camarades de parti pour qu’ils le rejoignent dans le gouvernement. Lorsque que la pression baissera, il en profitera pour mettre en place un gouvernement d’ouverture. Ainsi, il aura bouclé les derniers actes de sa manœuvre. Là encore, c’est le silence de la communauté internationale et surtout de la France qui permet une telle manipulation des lois fondamentales du Niger.

Le Gabon se prépare à désigner le successeur du président Omar Bongo Odimba…

Je constate qu’en Afrique, nos chefs d’Etats reviennent à la notion de royaume. En effet, le terme de chef d’Etat n’a pas d’équivalent sous nos cieux. Ce qui existe, c’est la notion de chef. Or, le chef règne à vie. Seule la mort pose la question de la succession. Par ailleurs, le terme alternance renvoie à la notion de mort du chef ou du roi. Nos chefs d’Etat s’appuient sur l’ignorance des populations, en majorité analphabètes, pour ressusciter ces notions. Ainsi voit-on des fils succéder aux pères, des frères succéder à leur consanguin…Au Gabon, Ali Ben Bongo, qui aspire à remplacer son père Omar Bongo, a visiblement les faveurs de la France pour régner.

Il est reconnu que la France n’est plus regardante sur la question des droits de l’homme et de la démocratie dans ses ex-colonies. Du moins c’est ce que nous pouvons constater depuis l’accession au pouvoir de l’actuel président Nicolas Sarkozy. Si les intérêts français sont préservés et s’il y a une stabilité politique, la France ferme les yeux sur le reste. Elle roule avec le candidat qui peut garantir ces préalables. Or, avec les solides liens dont dispose le parti au pouvoir au Gabon, je ne vois pas qui pourrait, parmi les candidats, faire le poids devant Ali Ben Bongo. Il remportera les élections haut-les-mains. C’est dommage qu’en Afrique les successions dynastiques maquillées soient à la mode.

En tant qu’enseignant, quel regard jetez-vous sur les crises successives à l’université de Ouagadougou ? Quelles solutions préconisez- vous ?

Les conditions d’études et de vie précaires des étudiants ajoutées à une peur des lendemains justifient les grèves fréquentes sur le campus. Dans le temps, le moyen de locomotion de l’étudiant c’était la motocyclette. Aujourd’hui c’est un vélo que les plus nantis peuvent s’offrir.

Dans ces conditions, il faut laisser les étudiants poser leurs préoccupations. Si toutes ces doléances ne peuvent pas être satisfaites, au moins, ils sentiront la volonté des responsables de l’université et des autorités politiques de les écouter. J’ai déploré le fait qu’ils aient été arrêtés et embastillés l’année dernière suite à leur volonté de déposer leur plate-forme revendicative à la présidence de l’université.
Pour ce qui est des enseignants, nous avons été outrés par l’attitude de mépris du Premier ministre à l’égard des enseignants-chercheurs. Or, la grève du Syndicat autonome des enseignants-chercheurs (Synadec) est intervenue suite à une visite du Premier ministre sur le campus. Il avait demandé d’établir une grille des salaires et de faire des propositions en vue d’une revalorisation.

L’Etat, avait-il promis, allait se pencher sur la question...La grille a été établie mais aucune suite n’a été donnée. C’est dans ce contexte que la grève du Synadec est intervenue. Le fait est là, les enseignants-chercheurs du Burkina sont les moins nantis de la sous-région. Ce n’est pas un secret.
Pour ma part, le dialogue doit être privilégié par rapport au dilatoire. La manœuvre du gouvernement consistant à faire semblant de discuter avec les enseignants, qui ne sont même pas membres du Synadec, ne peut pas être efficace. Pour sauver l’année, les enseignants ont fait des concessions. Rien ne dit que si les vrais problèmes ne sont pas résolus, la grève ne va pas reprendre.

Roger Niouga Sawadogo

Fasozine

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 24 août 2009 à 08:02, par Mwane Moussadji En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

    Dire qu’Ali Bongo va remporter l’élection haut la main, c’est complement ignorer la situation politique du Gabon aujourd’hui et conecrnant sa base électorale, je vous rappelle que ce parti a imploser et que beaucoup des anciens premiers ministres et ministres sont candidat. Certe que la France souhaite voir Ali Bongo élu mais le peuple gabonais n’est pas de ce avis pour preuve sa campagne se passe mal et tout les sondages le donnent perdant. Alors Monsieur "le Professeur" avant de faire des analyses renseigner vous !!
    A bon ententeur salut.

    • Le 24 août 2009 à 11:20, par rab En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

      De toute façon, MR Mwane Moussadji,les résultats seront connus dans les prochains jours.La réalité que vous ignorez est qu’on n’a besoin d’être gabonais pour avoir une lecture lucide des évenements.Le professeur en homme avisé sait comment se passent les choses en afrique et le gabon n’échapera pas à cette règle.Il faudrait analyser le système et non la personne de ALI BEN BONGO.Le système qui élisait OMAR BONGO au détriment de ses opposants va encore elire ALI BEN BONGO. Ce n’est pas notre souhait, mais c’est être naif de voir autrement.

    • Le 24 août 2009 à 18:40, par Mouanga En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

      Et bien évidement, la cmapagne d’Ali Ben BONGO se déroule bien que prévu. Il est le seul Candidat qui propose et qui reuni plus du monde actuellement au Gabon.

      • Le 26 août 2009 à 21:40, par SAMSUNG En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

        Mon ami tu raisonne très bien et on dirait que tu es au GABON.Même si aujourd’hui d’autres que nous connaissons bien viennent à mourir leurs frères ou fils risquent de prendre leurs places.N’ajoute plus rien il faut les laisser dans leur ignorance.En plus ce vaut rien ne sait pas que si il ne prend pas les propos de Salif DIALLO au serieux ça va arriver au BF un jour.

        Je vous quitte chers cousin mais continuez à bien refléchir pour que certains se mettent debout pour sauver le pays !

    • Le 26 août 2009 à 10:10 En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

      CHER MONSIEUR VOUS NE CONNAISSEZ PAS L’AFRIQUE ALORS QUI ELISAIT OMAR BONGO C’EST LE MEME PEUPLE ALORS QUAND VOUS NE SAVEZ PAS CE QUE VOUS DITES TAISEZ-VOUS

  • Le 24 août 2009 à 11:14, par Paris Rawa En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

    Merci à Monsieur Étienne Traoré pour l’honnêteté intellectuelle. La démocratie ne deviendra réalité au Burkina que que sur la base de la bonne foi et la loyauté des penseurs et des acteurs qui l’animent. Le mensonge et la fausseté tuent.

    • Le 26 août 2009 à 22:29, par seydou En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

      Merci à E.traoré pour sa claivoyance, seulement je sens dans ces analyses une sorte de ressentiment. en effet, S.Diallo avance une idée noble qui relève à mon avis "son souci" d’efficacité de la démocratie et de l’état de droit et Mr Traoré réconnait qu’une nouvelle république n’est pas necéssaire puisque l’actuelle constitution est bonne.Alors pouquoi demander la demission du chef de l’état ? et puis Mamadou Tandjia n’a pas tout à fait tord,une bonne constitution doit évoluer, la mommifier serait une absurdité pourvu que le peuple adhère au changement. le pr Tandjia a procedé par referendum n’est-ce pas, le pr D.gaulle a du forcer les choses pour passer à la 4ème rép.française, les partisans du régime parlementaire ne l’avaient-ils qualifié de forfaiture ?!.

  • Le 24 août 2009 à 20:37, par Mokuya En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

    Ali Ben BONGO va gagner les élections sans doute, mais par la trichérie. Regardez ce que fait monsieur Bruno Ben MOUBAMBA. Le gouvernement feigne de l’ignorer alors que l’acte qu’il pose va rattraper tous les politiciens gabonais et l’histoire lui donnera raison. Courage à lui et que Dieu bénisse mon pays le Gabon.

  • Le 24 août 2009 à 20:49, par BAGUIAN69 En réponse à : Etienne Traoré : « Salif Diallo aurait dû demander la démission de Blaise Compaoré »

    Grand merci à Mr TRAORE pour la qualité indéniable de son article et pour sa très grande contribution à l’avancée de la démocratie dans notre pays le Burkina Faso.
    Ce n’est pas si simple de mener le combat mais courage à vous Professeur !
    Le temps est le meilleur juge...
    N’ayez crainte,ça va changer tot ou tard au pays des hommes intègres avec un peu plus de démocratie et de pain pour le peuple,celui du bas.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique