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Société : Cette vie si chère au quotidien

Publié le lundi 24 août 2009 à 00h06min

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Ibrahiman Sakandé

Le phénomène de la vie chère n’a pas seulement fait des victimes, il a donné naissance à des déguerpis : des victimes sur le plan social et des déguerpis sous l’angle de la morale. Malgré l’effort tous azimuts des autorités de notre pays, les crises mondiales successives ne nous ont pas épargnés. Energie, alimentation, finances se sont traduites par des flambées des prix de l’essence, du gaz, des transports, du riz, de la bière..., du fer, du bois, des produits manufacturés de haute et moyenne gammes et cela, à notre pauvreté défendant.

Bousculé au sommet, n’est-il pas normal que le pays des Hommes intègres tremble depuis la base ? Sans doute ! Seulement, comment les Burkinabè organisent-ils la riposte, une riposte qui engage leur survie et celle des générations (très) prochaines ? Les réponses sont fonction des catégories sociales.

Il y a d’abord les VTT (Valables Tout Temps). Leur mérite, c’est au moins d’aider ostensiblement les éprouvés à se plaindre. En réalité, il leur arrive de rire sous cape. Car la crise financière fait leur affaire. Ils sont comme l’arbre mimosa, ils ne verdissent que pendant la saison sèche. C’est dans cette optique que le mil, le maïs, l’igname et le niébé "attaquent" le riz et le couscous de près, pour que ceux-ci ne creusent pas l’écart. Ainsi se comporte le riz du Sourou ou de Bagré par rapport au riz thaïlandais. Fermant alors la marche, même les condiments de tous les jours, gombo et piment par exemple, se déhanchent pour emboîter le pas à la crise économique mondiale. C’est pourquoi, l’instant de pauvreté a ses riches et la période de richesse, ses pauvres.

Il y a ensuite ceux qui, parce qu’ils ne sont ni riches ni pauvres, car ils ne cherchent à être ni l’un ni l’autre, sont restés égaux à eux-mêmes. Au mitan de la colonisation, une autorité coutumière aurait déclaré : “Nous sommes ceux que le Blanc n’a pas pu". Aujourd’hui, il y a aussi des Burkinabè que la crise économique “n’a pas pus”. Non pas parce qu’ils ont de l’argent à jeter par la fenêtre. Mais seulement parce que leurs biens et leurs besoins coïncident. Fonctionnaires moyens, agriculteurs moyens, commerçants ou autres, ils ont tous installé leurs "contrôleurs de prix" en eux-mêmes. De tels contrôleurs sont surtout des régulateurs de besoins.

Grâce à ces régulateurs, l’homme ou la femme, qui n’a plus suffisamment d’argent pour s’offrir une chemise "Yves Saint-Laurent", s’accommode de "Yves sans Laurent". Et la vie est aussi belle qu’avant ! Consommer burkinabè, ce n’est pas seulement se gorger de soumbala, de chitumu, de weda, de néré, de dolo..., c’est aussi s’attacher aux valeurs intrinsèques de notre liberté d’esprit et les faire valoir.
Enfin, nous pouvons parler de ceux qui paraissent profondément détruits par la crise économique et financière. Ils avaient peut-être quelque difficulté avant la crise et celle-ci n’a fait que les "achever". Ceux d’entre nous qui avaient, et qui ont toujours, leur poumon économique en Europe ou aux Etats-Unis, comment voulez-vous qu’ils continuent à respirer comme avant ? Pour ne pas tomber, beaucoup de Burkinabè font aujourd’hui feu de tout bois.

L’audace malheureuse qui consiste à vendre des produits avariés à ses enfants, frères et sœurs fait sans doute partie de ces solutions suicidaires. Pas seulement les fruits (goyave, banane, papaye, avocat, orange) qui sont d’ailleurs souvent détectables à l’œil nu, mais des produits bien emballés mais qui sont périmés.
Pour ne pas enregistrer une perte sèche en détruisant ces marchandises (jus de fruits, mayonnaise, viandes, boîtes de sardine, café, thé, moutarde, etc.), certains commerçants choisissent de "décentraliser" leurs poisons. Ainsi, de jeunes commerçants itinérants transportent souvent, de village en village et de case en case, des marchandises douteuses à vélo pour les écouler auprès d’innocentes populations ignorant tout des dates de péremption des produits industrialisés (…).

Nous devons tous veiller au grain. Nous, c’est la puissance publique, les associations de consommateurs, le citoyen éclairé, les médias de service public… Il y va de la santé de tous. Quand, de leurs puissantes mains, la vie chère et l’avidité effrénée frappent à la porte, le bon sens et le savoir-vivre foutent le camp par l’ouverture la plus proche. Qui ne deviendrait pas, dans ces circonstances, un déguerpi moral ? Jean-Jacques Rousseau l’avait dit : "L’argent que nous avons est pour notre bonheur, celui que nous cherchons, pour notre perte".

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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