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Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

Publié le lundi 24 août 2009 à 00h23min

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L’affaire Salif Diallo n’en finit pas de défrayer la chronique. Le devoir de réserve qu’aurait dû observer l’incriminé est le point sur lequel revient largement Etienne Tiendrébéogo, l’auteur des lignes qui suivent.

Depuis les propositions, pour le moins hardies, de l’ambassadeur Salif Diallo sur le régime Compaoré, qu’il a contribué plus que quiconque au Burkina Faso à accoucher dans l’iniquité et le sang puis à raffermir sans état d’âme depuis près d’un quart de siècle, chacun y est allé de son analyse et prise de position. Parmi les plus notables, on peut retenir la réaction de son parti, le CDP, dont le premier responsable, pour une fois, a oublié sa bonhomie et son flegme habituels pour condamner l’impudent et le suspendre de toutes les instances du parti en attendant qu’il fasse une autocritique sincère en vue de réintégrer les rangs.

L’on peut aussi retenir la sortie de son ministre de tutelle, l’inamovible Alain Yoda, qui a regretté que son ambassadeur ne se soit pas astreint au devoir de réserve que lui impose sa fonction. Enfin, on ne saurait passer sous silence la sortie tout aussi inutile que malheureuse de Naaba Kiiba du Yatenga qui n’honore ni ses sujets ni sa cour, encore moins lui-même. Ah ! si nos cours royales étaient celles de la dignité et de l’honneur dont le bafouement était puni de ce que l’on sait, tel que nous rapportent les témoignages de notre passé glorieux !

Allons donc !

Arrêtons-nous un peu sur le fameux devoir de réserve auquel sont astreints les ambassadeurs pour nous interroger et surtout interroger les diplomates (pas acquis) qui maîtrisent Jacques Gandouin et Jean Serre sur le bout des doigts ou qui sont rompus aux pratiques et usages de la fonction, si cette réserve s’impose seulement dans les affaires concernant le ou les pays d’accréditation, ou si elle s’étend aussi aux affaires de son propre pays dont, pour être son ambassadeur, il y a tout à parier qu’on n’est pas un citoyen anonyme.

Tenez ! Rien que le vendredi 07 août dernier, l’ambassadeur géorgien à Paris a proposé à son pays ce qu’il a appelé la "stratégie d’apaisement". Ce qui consiste pour son pays à se tourner vers l’Europe, donc vers la démocratie et le développement. Le diplomate géorgien argumente que cette stratégie permettra à son pays de récupérer dans le long terme, et pacifiquement, les provinces sécessionnistes en les attirant plutôt que par l’attitude belliciste affichée aujourd’hui contre la Russie et dont il ne peut sortir gagnant. Que dit le ministre Yoda sur cette sortie d’un ambassadeur aux antipodes de la position officielle de son pays ?

Une prise de position bien tranchée, pas sur des affaires internes comme c’est le cas de Salif Diallo, mais sur un conflit qui oppose son pays à son puissant voisin et qui touche à sa souveraineté nationale ? Si c’était sous nos tropiques, on aurait incarcéré cet ambassadeur pour haute trahison. Allons donc ! Si franchement un homme politique ne peut pas se prononcer sur la vie politique de son pays parce qu’il est ambassadeur, c’est la confirmation que, véritablement, une nomination à ce poste est bien souvent une nomination-sanction, un exil dont tous les potentats en Afrique ont toujours usé au mépris des intérêts de leur peuple. Revenons une fois encore sur les usages diplomatiques bien établis en Occident dont nous nous inspirons pour dire qu’après trois années effectives dans un poste, un ambassadeur est censé être inefficace. Il doit alors bouger, et en Occident il bouge. Tandis que chez nous, l’ambassadeur reste dix, quinze, voire vingt ans au même poste.

Rappelons-nous Juliette Bonkoungou

Une fois encore, que dit notre grand ministre d’Etat là-dessus ? Le ministre Yoda aurait dit que par sa déclaration qui remet en cause ( ?) les fondements du régime auquel il appartient et qui l’a nommé, son ambassadeur Salif Diallo a perdu la confiance du clan Compaoré à cause justement de cette appartenance politique qu’on l’aurait mieux compris. Autrement dit, si le ministre Yoda avait déclaré qu’on n’étrille pas comme ça impunément le clan auquel on appartient, on l’aurait mieux compris. Mais franchement, le devoir de réserve sur les affaires de son pays pour un homme comme Salif Diallo passe mal. Sauf s’il a été mis là (à ce poste), en connaissance de cause, l’épée de Damoclès suspendue sur sa tête, l’attendant au tournant.

Tournant qu’il n’a pas raté en bon Yadéga, pour citer le Dr Salif Sawadogo de l’UNDD in l’Observateur paalga. Où commence et où s’arrête cette obligation de réserve ou est-ce à la carte ? Autrement dit, pourquoi l’ambassadeur Juliette Bonkoungou n’était-elle astreinte à aucune obligation de réserve lorsque, il y a deux ans, quand les sankaristes commémoraient le vingtième anniversaire de l’assassinat de leur héros, elle s’épanchait sans réserve aucune, elle aussi à partir de son Ottawa de résidence dans sa tentative de réécriture de l’histoire de la Révolution d’août 1983 ?

N’est-ce pas parce que madame Bonkoungou, elle, ne disait rien de critique sur le régime par lequel elle se trouvait au Canada, mais plutôt à la mémoire du président Thomas Sankara qui refuse de se laisser enterrer malgré tous les assauts savants, insultes éhontées et autres calomnies depuis son assassinat voilà vingt deux ans ? Et ce n’est pas tout, tenez-vous bien ! L’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire Salif Diallo, représentant personnel du chef de l’Etat et des institutions de la République (dixit Ablassé Ouédraogo), membre fondateur du CDP, astreint au devoir de réserve, est retourné depuis à Vienne, un ambassadeur acquis comme on le voit jusqu’à la moelle épinière et qui devra, rappelons-le, superviser seul sans CENI, sans observateur et sans opposition, le vote des Burkinabè de sa zone de juridiction. C’est pire que toutes les obligations de réserves ; nous sommes des harengs en boîte, baignant dans de la sauce aigre-douce !

Etienne Tiendrebéogo 02 BP 6003 Ouagadougou 02

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 24 août 2009 à 00:26, par koudka En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

    vous dites vrai, le Burkina est comme ça. on fait les choses sans formalités et on choisi de punir selon des formalités qui n’existent dans aucun texte. c’est simplement dommage !
    Pauvre de nous !!

    • Le 24 août 2009 à 11:35, par Paris Rawa En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

      Merci monsieur et vive l’honnêteté intellectuelle. Selon la sagesse moaga : "togs sid ka sek raod ye" (= nul besoin d’être un héros pour dire la vérité). Vivement que la conscience collective burkinabè refuse toujours de se laisser bourrer par tous ces grossiers mensonges qu’on lui destine.

  • Le 24 août 2009 à 12:45, par Mat En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

    La question qui se pose est de savoir si l’on peut être Ambassadeur et Vice-président chargé de l’orientation et des questions politiques d’un parti politique. Si dans le premier cas, on la ferme (comme le veut Yoda), dans le second on communique si l’on veut orienter. Personnes avisées, éclairez nous, par vos analyses, sur la marge de manœuvres que l’on a si on occupe les deux fonctions. Depuis "l’affaire", cette situation cornélienne nous taraude l’esprit. Merci d’avance.

  • Le 24 août 2009 à 14:52 En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

    Merci M. Etienne. On a tout compris !

  • Le 24 août 2009 à 23:23, par Mechtilde Guirma En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

    De toutes les discussions sur les devoirs de réserve d’un diplomate etc., j’ai écouté toutes les thèses avancées. Cependant, le devoir de réserve d’un diplomate suppose que l’intéressé n’est pas inféodé au parti. A partir du moment où toute l’administration y compris les fonctions de diplomatques ont été politisées et obligent les membres à adhérer au parti qui est au pouvoir (en principe les membres de la diplomatie doivent être apolitiques), avec toute ces confusions et zizanie, on ne peut pas en vouloir à un diplomate qui plus est membre du bureau politique de faire des déclarations (félicitations ou critiques) concernant le parti, puisqu’en fait, il représente le parti et non le peuple. C’est le parti qui l’a accrédité à travers un président, et non un président du peuple ou élu par le peuple. Les statuts du Ministère des affaires étrangères méritent donc une réfondation en bonne et due forme.

  • Le 24 août 2009 à 23:56, par lefou En réponse à : Affaire Salif Diallo : Devoir de réserve à la carte ?

    Avant tout j’aimerais faire savoir ceci : ce qui fait un homme c’est le fait de savoir reconnaitre ses erreurs, encore plus un homme politique tel que Salif Diallo. J’espère seulement que sa réaction n’entre pas dans une stratégie politique pour endormir le peuple sur je ne sais d’autre encore.... Sinon courage à lui car le Burkina, pays des hommes intègres, politiquement ôte tout le sens de l’intégrité au mot. Un constat il ya une chose que tous les députés (parti au pouvoir+opposant) acceptent le plus souvent pour ne pas dire tout temps c’est quand il s’agit de voter un budget pour se payer des voitures juste pour dire la loi portant modification du sens de l’ intégrité du Burkina à été adoptés par le peuple . SVP Burkinabè donnons un sens à notre vie sur terre osons lutter et ayons l’intelligence de savoir vaincre et la raison et l’intégrité de savoir faire et vivre.... "On peut tromper un homme à un moment,on peut tromper un homme tout temps, on peut tromper un peuple à un moment mais on ne peut pas tromper un peuple tout temps"

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