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Accord de Lomé : 3 ans après, où en est-on ?

Publié le jeudi 20 août 2009 à 02h23min

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Aujourd’hui 20 août 2009 marque les 3 ans de la signature de l’Accord politique global (APG) à Lomé entre les protagonistes de la crise togolaise sous la facilitation du chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré. Que d’eau a coulé sous les ponts depuis cette date, notamment un gouvernement d’union nationale, des législatives en octobre 2007, et des concertations, qui se poursuivent dans le querellé Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC). Avec en ligne de mire la présidentielle à haut risque du 28 février 2010. Revue de détail d’une crise politique en voie de solutionnement ?

L’histoire a donné tort à ceux qui doutaient de l’efficacité de la facilitation du chef de l’Etat burkinabè dans la crise togolaise. En effet, lorsqu’en février 2006 Edem Kodjo, le Premier ministre togolais, au sortir d’une audience avec Blaise Compaoré, annonça que « le dialogue intertogolais allait s’ouvrir d’ici quelques jours avec Blaise comme facilitateur », beaucoup n’y croyaient pas, arguant que Blaise « avait trop d’ascendance sur Faure Gnassingbé », le nouveau président, élu le 24 avril 2005 dans des circonstances difficiles, et donc que cette médiation serait partiale et vouée à l’échec.

Pourtant, le 26 juillet 2006, le Bureau du dialogue intertogolais, conduit par son président, Me Yawo Agboyibor, atterrissait à Ouaga pour solliciter les bons offices du premier magistrat burkinabè.

Rien n’était alors joué à l’avance, tant les problèmes togolais paraissaient insolubles au regard du contexte politique qui prévalait au Togo. Mort le 5 février 2005 après 38 ans de règne sans partage, Gnassingbé Eyadéma laisse deux Togo : le Nord et le Sud. Des décennies durant, la chape de plomb, qu’il fut, a exercé son emprise sur une population qui, finalement, s’en est remise à la fatalité.

D’ailleurs, jusqu’à présent, il s’en trouve des Togolais qui pensent que l’enfant terrible de Pya n’est pas décédé et qu’il réapparaîtra un jour. Le jeune chef de l’Etat, son fils Faure, même le confesse : « Jusqu’à la dernière minute, j’ai cru qu’un miracle le ramènerait à la vie ».

Après la disparition d’Eyadema, Faure le remplaça au pied levé le 7 février 2005 sous l’emprise de l’armée, mais, face à la broncha internationale, il dut rendre momentanément le sceptre de son défunt de père pour le reprendre après la présidentielle de la même année, une présidentielle à l’occasion de laquelle, certes, il y a eu des morts, mais un scrutin qui le légitime, surtout quand on sait que l’opposition, à travers la Coalition jaune, a sonné le cor et misé sur Bob Akitani à défaut de Gilchrist Olympio, écarté par la constitution pour cause de non- résidence permanente au pays.

Mais il faut reconnaître que Faure voulait certes assumer son patronyme mais avait la ferme volonté de se dépêtrer de cette tutelle postmortem, qui lui collait à la peau. D’ailleurs, dès le 27 avril, alors que Mme Walla Tchangai Kissem, la présidente de la CENI, venait de le donner vainqueur et après une rencontre à Abuja avec Gilchrist Olympio, sous l’égide d’Oléségun Obasanjo, il déclarera qu’il « n’est ni le président du Nord ni celui du Sud mais de tout le Togo ».

Une période difficile s’amorcera après cette élection, d’autant plus qu’à l’époque un « revenant » (1) a été nommé à la Primature : il s’agit d’Edem Kodjo au détriment de l’Union des forces du changement, qui aurait revendiqué ce poste et d’autres maroquins d’où ils auraient été indélogeables. Refus naturel du Rassemblement du peuple togolais (RPT), qui y vit, là encore, un louvoiement de Gilchrist pour corser davantage les choses.

20 août 2006 : et advint l’APG

Il a fallu l’APG pour que, le 16 septembre 2006, Me Yawo Agboyibor du Comité d’action pour le renouveau (CAR) puisse former une équipe gouvernementale d’union nationale avec toujours l’UFC aux abonnés absents.

Une rencontre des acteurs du dialogue intertogolais

Il faut souligner que le dialogue intertogolais, qui débuta le 21 avril 2006, a connu un clash le 10 juillet, car seuls 7 des 9 délégués avaient alors paraphé le document final censé mettre tout le monde d’accord. Un échec !

D’où le recours à Ouagadougou, où les discussions furent âpres, symptomatiques des tensions qui régnaient entre pouvoir et opposition à Lomé. Il fallait lever plusieurs hypothèques, qui menaçaient la paix sociale, et déblayer le terrain pour les législatives.

Paraphé à Ouagadougou la veille, l’APG fut donc signé le 20 août 2006 à Lomé, où Blaise Compaoré fut la superstar, ovationnée comme pas possible, pour parler comme l’homme de la rue. 5 jours avant, soit le 15 août 2005, Faure était d’ailleurs dans la capitale burkinabè, sans doute pour régler les derniers détails avec son homologue Compaoré. Mais que dit ce protocole d’accord du dialogue politique ?

Il y a d’abord la CENI, dont la copie a été revue, puisque, désormais, ses 19 membres allaient être issus de toutes les sensibilités politiques et de la société civile. Même si, comme nous le verrons plus loin, l’opposition reviendra sur cette CENI, qui n’est pas permanente au Togo.

Ensuite, il y a la problématique de la double nationalité et de la « résidence permanente », qui a été réglée. Une clause qui excluait régulièrement Gilchrist Olympio, lequel réside entre Accra et Londres et possède la double nationalité (anglaise et togolaise).

La Grande Muette fut aussi un casse-tête que « Ouagadougou » est parvenu à amadouer, en préconisant qu’elle devienne plus républicaine. Enfin, le cas de l’impunité fut un point central de l’APG. Au-delà des victimes postprésidentielles d’avril 2005 et des milliers de réfugiés qui ont fui vers le Ghana et le Bénin, il fallait préconiser que ces violences cessent.

Blaise tenait son Accord, mais, comme nous l’écrivions le lendemain de la signature de l’APG : « Les principes ne valent que ce que valent les hommes chargés de les appliquer, c’est à l’épreuve du terrain que ces accords seront jugés » (2).

Législatives et découpage territorial « démentiel »

Survinrent alors les législatives du 14 octobre 2007, un scrutin qui révéla la représentativité des forces politiques en présence : sur les 81 sièges à pourvoir, le RPT se tailla la majorité avec 50 députés, suivi de l’UFC, qui en engrangea 27, et du CAR avec une portion congrue, 4.

Des résultats qui ne sont pas vécus comme un échec par l’UFC, comme l’affirme son leader, qui ne décolère pas contre le « découpage démentiel du territoire » (3). Pour lui, il n’y a pas de raison que le RPT, qui a obtenu 900 000 voix, comme l’UFC, se retrouve avec 50 sièges et eux 27. La faute donc aux circonscriptions électorales, foi du miraculé de Soudou.

Le RPT nuança en affirmant que ce découpage ne datait pas d’hier, puisque c’est avec le même que le CAR avait eu la majorité des députés en 1994. Un CAR qui, à ce scrutin, paya cash la nomination de son fondateur à la primature, beaucoup de Togolais ayant perçu cela comme une compromission.

Réponse de Me Yawo Agboyibor : « J’ai accepté ce poste de Premier ministre pour sauver mon pays, car il y avait péril en la demeure ». Restant en cela fidèle à ses principes, puisqu’il confiait en 1998 à l’auteur de ces lignes que « lorsqu’on est un leader politique, on est, comme un berger, capable de se sacrifier pour son troupeau ».

La députation passée et après le boycott par l’UFC des différents postes à l’hémicycle, les luttes reprirent sur les sempiternelles réformes politiques et institutionnelles. Selon l’opposition, depuis ces législatives, le RPT ne veut plus rien entendre de ces réformes et agit de façon unilatérale.

Les points d’achoppement concernent le CPDC, dans lequel le pouvoir, par un décret présidentiel du 11 juin 2009, a introduit des membres de partis extraparlementaires alors que seuls les formations politiques ayant des députés à l’Assemblée nationale ou ayant obtenu au moins 5% des voix aux dernières législatives y ont droit.

Les voix sont aussi discordantes sur la composition de la CENI, l’opposition cherchant à comprendre pourquoi, le 30 juin dernier, les députés ont permis que parmi les 19 membres de cette structure, des éléments de l’opposition extraparlementaire et de la société civile fassent leur entrée. Reste le problème du mode de scrutin à résoudre : sera-t-il à un seul tour selon la constitution du 27 septembre 1992, révisée en 2002 ? Ou à deux tours comme souhaité par l’opposition ?

Présidentielle 2010 ou duel entre deux fils de... et cas Kpatcha

Le facilitateur, qui s’est rendu le 28 juillet 2009 à Lomé et qui a réuni à Ouagadougou les frères togolais du 6 au 8 août, est parvenu à un accord à minima ouvrant le chemin à la présidentielle, qui doit se dérouler le 28 février 2010. Elle mettra sur la ligne de départ, d’abord deux fils d’anciens... présidents, Faure Gnassingbé et Gilchrist Olimpio.

Le premier veut une élection propre et transparente pour mieux se légitimer et surtout montrer à la face du monde que son mérite n’est pas seulement d’être un Gnassingbé, héritage génétique qu’il assume tout en traçant ses propres sillons.

Le cas Kpatcha devra aussi trouver une solution, car, depuis le putsch manqué de Pâques et l’arrestation de son frère, un grand malaise règne dans la fratrie, et nous sommes en Afrique : « on n’est jamais trahi que par les siens, mais on n’est jamais sauvé aussi que par les siens ».

Gilchrist Olympio, fils du premier chef de l’Etat du Togo, a longtemps rêvé et sublimé un tel challenge. Il a, lui aussi, toutes les chances d’y parvenir et de prouver aux Togolais qu’il ne poursuit pas une vendetta personnelle ( ?) ; viennent ensuite d’autres candidats probables ou confirmés comme Paul Dodji Apevon, le remplaçant de Yawo Agboyibor à la tête du CAR, Agboyomé Kodjo de l’Organisation pour bâtir un Togo solidaire (OBUTS) ou l’outsider venu du Finistère, Koffi Yangname, qui a abandonné l’Hexagone et qui, depuis Tokoin, propose déjà son programme de candidat indépendant.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Notes :
(1) : Edem Kodjo avait déjà été Premier ministre en 1994.
(2) : in Commentons l’événement de l’observateur paalga du 21 août 2006
(3) : in Interview de Gilchrist Olympio paru dans l’Observateur paalga du
26 octobre 2007

L’Observateur Paalga

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