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Sénégal : Wade a-t-il perdu le Nord ?

Publié le mardi 20 juillet 2004 à 14h32min

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Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, semble avoir perdu
le Nord. Il a promis et juré, quand il était opposant, qu’il
réaliserait, une fois au pouvoir, un véritable changement au
Sénégal. Il a revendiqué la liberté d’expression, l’a obtenue et
s’en est servi presque sans modération pour accéder au trône
présidentiel.

Mais après avoir goûté aux délices du pouvoir, le
chantre du "Sopi" s’est métamorphosé. Allant même jusqu’à
tordre le cou à la liberté de presse. Le directeur de publication
du journal "Le Quotidien" de Dakar, et bien d’autres journalistes
en ont fait les frais. Sophie Malibeau de RFI a même été
expulsée sans autre forme de procès. Un autre journaliste à la
plume acerbe, Abdelaziz Latif, directeur de la chaîne de radio
Sud FM, a été menacé de mort pour avoir écrit un livre au
contenu évocateur : "Wade, un opposant au pouvoir - l’alternance
piégée". Le président a oublié royalement que si la presse
n’avait pas pleinement joué son rôle, il n’aurait jamais peut-être
occupé le fauteuil présidentiel.

Aujourd’hui, Abdoulaye Wade est
méconnaissable. Certes, il a apporté un coup de pouce, si
minime soit-il, au développement du Sénégal. Mais ce qui est à
la fois surprenant et choquant, c’est que l’opposant d’hier a vite
fait de renier des valeurs fondamentales qu’il avait revendiquées
ou défendues bec et ongles. Le brûlot de la Casamance et du
"Jola" continue de faire rage. La jeunesse attend toujours les
emplois et les réformes promis.

Bref, le Sénégal reste un
chantier à problèmes où il faut oeuvrer à "mettre de la terre à la
terre" pour construire l’édifice commun. Mais les travaux
d’Hercule en suspens ne doivent pas être le seul fait du
président de la République. Aussi faut-il que le pouvoir, garant
de la gestion de l’Etat, crée une dynamique collective autour des
préoccupations nationales, sans démagogie et sans ambitions
propagandistes.

Mais là réside le véritable problème. Car, de plus en plus, le
président Wade est aveuglé par le culte de la personnalité. Il est
apparemment animé par le désir de voir son entourage lui
lécher les bottes et se prosterner devant "son Excellence" pour
lui rendre hommage. Ceux qui ont osé lui tenir tête ont été
débarqués du navire. Quatre premiers ministres et six
gouvernements en quatre petites années ! C’est un exploit.
Wade l’a réussi et il peut bien s’en vanter. Mais il oublie que "trop
de pouvoir tue les vertus du pouvoir".
En réalité, le président sénégalais regorge d’idées formidables.
Il est à même de bien gouverner le pays. Mais à l’évidence, il lui
manque de la méthode.

Malgré ces incohérences politiques, l’Etat sénégalais reste un
modèle assez appréciable de démocratie en Afrique. Très peu
de pays du continent peuvent se vanter d’avoir réussi à créer une
dynamique globalement positive entre pouvoir, opposition et
société civile. Certes, tout n’est pas parfait.

Mais on peut déjà se
réjouir du fait que le contre-pouvoir sénégalais soit actif.
Empêchant de ce fait, certaines dérives qui pourraient faire
basculer le pays dans une terrible zone de turbulences, si ce
n’est le chaos.
Certains esprits malins ont vite fait d’accuser l’Occident de
vouloir déstabiliser par le biais des opposants, le pouvoir
sénégalais. Cela est possible.

Mais force est de reconnaître que
le branle-bas politique en cours se fonde sur des faits, donc des
pièces à conviction qui témoignent des mauvaises pratiques du
régime.

Sur ce plan, le schéma sénégalais est assez identique à celui
ivoirien. Laurent Koudou Gbagbo, historien de son état, semble
lui aussi avoir jeté dans un feu ardent ses convictions
d’opposant d’hier. Oubliant de surcroît ses cours d’histoire.

Pourtant, s’il avait pris la peine de les relire en intégralité, ne
serait-ce qu’une fois, il aurait inéluctablement compris que les
faits sont têtus. Et qu’une bonne assimilation de l’histoire des
peuples lui aurait permis d’éviter ses "bêtises" politiques
actuelles.

A l’évidence, Wade, Gbagbo et plusieurs autres chefs d’Etat du
continent doivent revoir leurs copies. Ils doivent cesser de trahir
les convictions des peuples qui leur ont fait pleinement
confiance pendant des moments pénibles.

En raison de son
âge, on aimerait bien que Wade, ressemble en sagesse, à
Nelson Mandela. Il rendrait alors un énorme service au continent
et à l’humanité entière. Les "dinosaures" politiques du continent
doivent jeter un coup d’oeil au rétroviseur de l’Histoire : il y a
beaucoup de leçons à apprendre. Dans le cas contraire, ce
serait un énorme gâchis pour ce continent qui ploie sous le
lourd fardeau de la misère.

Le Pays

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