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Vaste mouvement au sein de la Justice : Regards croisés

Publié le lundi 17 août 2009 à 17h38min

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René BagoroA la suite du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mr Zakalia Koté, nous avons rencontré des Burkinabè qui jettent un regard croisé sur le vaste mouvement opéré au sein de la justice par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).

René Bessolé Bagoro, SG du Syndicat burkinabé des magistrats (SBM)

Ce mouvement répond à une routine, parce que chaque année il y a un mouvement de magistrats ; peut-être que celui-ci se singularise par son ampleur. Au niveau du CSM, nous partons du principe qu’il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ces changements ont été opérés certes mais nous n’avons pas été associés de bout en bout si bien que nous ne sommes pas en mesure de commenter les véritables aspirations du mouvement, mais au regard de certaines nominations, nous pensons il y a lieu de se réjouir. Certains collègues qu’on a remplacés faisaient l’objet de critiques et nous espérons que la Chancellerie, en remplaçant ces gens-là, aura pris en compte les critiques que les citoyens ont émises.

Il reste que dans certains postes, on aurait pu mieux faire en permettant peut-être à de nouvelles compétences exemptes de tout reproche (je pense par exemple à la création des tribunaux de commerce) de faire leurs preuves. Maintenant, il y a quelques individualités ou des magistrats qui ont été affectés, semble-t-il, parce qu’ils n’étaient pas en odeur de sainteté avec la Hiérarchie. Nous n’avons pas de confirmation là-dessus mais si tel était le cas, ce serait quand même un peu regrettable.

Pour le moment, nous avons une lecture un peu mitigée parce qu’il y a des changements qui, nous pensons, portent des germes d’espoir mais nous pensons qu’on aurait pu aller en profondeur. Le tout n’est pas de changer les gens de place, c’est aussi de tenir compte des critiques et peut-être de permettre à de nouvelles personnalités d’émerger et voir ce qu’elles peuvent faire pour l’édification d’une justice indépendante et libre. Au niveau du SBM, nous avons toujours fait des propositions et souhaité que le Conseil de la Magistrature puisse connaître des réformes tant au niveau de sa composition que de ses compétences. Il faut le savoir, c’est le CSM qui gère les questions d’indépendance, la carrière des magistrats.

C’est à ce niveau que véritablement les grandes décisions importantes doivent être prises. Nous avons été toujours partants pour les questions de réformes, c’est tant mieux si aujourd’hui la Chancellerie s’y intéresse. Je dois avouer que nous, au niveau de l’intersyndicale, nous avons reçu effectivement le lundi (NDLR : Interview réalisée le jeudi 13 août dernier) une lettre du ministère de la Justice qui nous invite à faire des propositions et nous espérons qu’elles seront prises en compte. Aujourd’hui, le magistrat n’a pas le droit de grève, donc il faut qu’il y ait un cadre qui puisse lui permettre de résoudre les problèmes. Ce cadre va permettre la résolution de nombre de choses. Le Conseil Supérieur de la Magistrature ne fait qu’affecter les magistrats. Vous allez vous rendre compte que chaque année, c’est une seule fois que le CSM tient sa session en juin et c’est pour statuer sur les affectations. Alors que cette question n’est qu’une compétence subsidiaire du CSM ; le véritable rôle du CSM, c’est de réfléchir sur les questions de l’indépendance de la justice et gérer la carrière des magistrats.

El Hadj Mamadou Nama, président du mois des Centrales syndicales :

Merci de me tendre votre micro. Après tout, ils (NDLR : les magistrats) sont d’abord des fonctionnaires même si au niveau de la magistrature, il y a un statut particulier. Tout travailleur affecté à un poste de travail est déplaçable ; ce n’est pas un problème de chefferie coutumière. Vous avez été affecté à un poste par une Hiérarchie et si elle juge un jour normal de vous enlever, on vous enlève. Notre justice, en dépit de tout ce qu’on peut dire à propos de notre système judiciaire, on se dit que ça fonctionne quand même. Mais si le système ne fonctionnait pas, les gens resteraient jusqu’à s’écrouler sur leurs sièges. Les choses vont en s’améliorant ce n’est pas avec un coup de baguette magique qu’on obtiendra une solution à tous les problèmes que nous connaissons surtout lorsque nous sommes des hommes. Les affectations, nous le pensons,
ont été faites dans le but d’assurer un bon fonctionnement de l’appareil judiciaire. Plus on opérera de cette manière, plus il y a des chances qu’on refonde une justice capable et véritablement indépendante. Mais il faut bien comprendre l’indépendance de la magistrature. Cela ne veut pas dire que chaque individu dans ce sillon-là aura le droit de faire ce qu’il veut. L’indépendance de la justice, c’est surtout l’éthique, la droiture, l’honnêteté des hommes qui sont justement chargés d’animer cette structure-là.

Saïdou Traoré, Enseignant :

J’ai lu dans plusieurs journaux, dont le vôtre, les articles sur ce mouvement des magistrats. On sent que le ministre a voulu profiter d’un mouvement habituel pour tenter des changements audacieux dans la maison Justice. Il aborde ainsi avec une certaine disposition d’esprit aux réformes, des questions intéressant le Conseil supérieur de la magistrature, les droits de la Défense, le traitement diligent et équitable des dossiers… Mais une chose est de montrer un esprit d’ouverture, une autre, de réaliser concrètement cette ouverture. On nous a souvent habitué au Burkina, dans le domaine de la justice, à des promesses sans lendemain ou à des réformes biaisées, pompeusement qualifiées de structurelles. Nous attendons réellement pour voir afin d’être convaincu qu’on ne joue pas seulement du cinéma parce que la pression se fait plus forte au plan international pour une plus grande indépendance de la justice en Afrique. En conclusion, il y a un petit frémissement mais vraiment, il faut rester sur ses gardes.

Jean-Pierre Sawadogo, Instituteur, membre de la LIATD  :

J’ai relevé certaines choses qui ne m’ont pas convaincu. Par exemple, pour l’assistance en avocat dès le stade de l’enquête préliminaire, le ministre dit que c’est souhaitable mais que c’est irréaliste, qu’il faudrait des avocats partout afin que la constitution puisse se faire par tous ceux qui le souhaitent. Il aurait pu voir les choses autrement, faire en sorte que la mesure existe déjà et laisser à chacun le soin de chercher un conseil. Prétexter qu’il n’y a pas assez d’avocats pour laisser libre cours à des pratiques détestables, je dis non. Après, quand il dit que c’est bien de penser à indemniser ceux qui sont victimes de garde à vue abusive mais que cela pourrait freiner certaines enquêtes, c’est comme s’il suggérait qu’il fallait laisser forcer les aveux par les méthodes qu’on sait pour que la justice puisse fonctionner. Comme il a dit, « tout fait quelconque de l’homme qui pose un préjudice doit être réparé », et dans ce cas, que je trouve très sensible, on ne doit pas laisser la pagaille continuer de ronger la Police judiciaire. On voit même de plus en plus de nos jours, outre des maltraitances, des dossiers civils et commerciaux se régler à ce niveau, des créances être recouvrées, ce qui est un détournement de la règle de droit.

Paul Marie Ouédraogo, Bibliothécaire  :

J’ai apprécié les propos du ministre et j’ai trouvé courageuse la décision de réaliser ce mouvement en enlevant des postes stratégiques des magistrats indélicats, corrompus. C’est déjà quelque chose. Il faut maintenant aller plus loin et attaquer les réformes de fond. Mais sans doute aussi qu’il fallait commencer par cela. Alors, je suis pour ma part, optimiste.

Aristide Ouédraogo
San Finna

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