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Ram Ouédraogo : "Je suis le père de l’écologie politique au Burkina"

Publié le mardi 20 juillet 2004 à 14h23min

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Ram Ouédraogo n’a pas fini d’étonner et de détonner dans le paysage politique burkinabè. Professionnel des arts et des spectacles, tardivement entré en politique dans un environnement social que, lui le "diaspo" (il a longtemps séjourné en Côte d’Ivoire) ne maîtrisait pas a priori, le patron du Rassemblement des écologistes du Burkina (RDEB) a néanmoins su tracer son sillon en étant tour à tour précurseur de l’écologie politique au Burkina, ministre puis député depuis mai 2002.

Entretien avec un homme d’expériences sur certaines questions essentielles de l’heure qui se définit aussi comme l’un des principaux "bâtisseurs" de la paix après les années de braise de 1998 et 1999.

Sidwaya (s) : Monsieur le président, deux ans après sa création, pouvez-vous nous faire l’état des lieux au sein du RDEB ?

* Ram Ouédraogo (R.O) : Je vous remercie de nous donner l’occasion d’échanger sur la vie de notre parti et sur des questions nationales et internationales. Deux ans après la création du RDEB, que dire, sinon qu’il fait son petit bonhomme de chemin. Nous sommes présents dans toutes les 45 provinces du Burkina Faso, chose qui n’a pas été difficile, car nous existons en réalité depuis 1991. Nous avons du changer de nom, mais les militants sont restés les mêmes. Nous nous retrouvons tous les week-ends, et j’ai la prétention de dire que nous sommes le seul parti au Burkina qui tient une Assemblée générale tous les samedis matins. S’y déroulent des échanges sur la vie du parti ce qui en fait un forum où la démocratie directe est expérimentée.

Avec des débats houleux et contradictoires souvent sur la vie du parti, la formation des militants etc.

Au plan national nous existons donc même si nous faisons de l’efficacité dans la discrétion notre credo. Au plan extérieur aussi nous avons de nombreux partenaires, ce qui favorise des échanges nombreux et enrichissants.

S : Que répondez-vous à ceux qui disent que c’était pour éviter l’alternance à la direction de votre premier parti (les Verts du Burkina) que vous êtes allez créer le RDEB ?

(R.O.) : C’est dommage, car ce n’est pas mon rôle de tomber dans des polémiques inutiles. Peut-on selon vous ici au Burkina Faso obliger un président d’un parti politique à s’en aller sous prétexte de l’alternance ? Je suis le seul qui ait tenté de créer une alternance au sein d’un parti politique. J’ai créé les Verts du Burkina de toutes pièces et je suis le père de l’écologie politique dans ce pays. Vous croyez que dans cette assurance quelqu’un peut venir me demander de foutre,le camp ? Non !

J’ai démissionné de mon propre chef pour favoriser l’alternance et mes anciens camarades avaient produit une déclaration pour dire que c’était la première fois que cela arrivait. Ce d’autant que je leur avait laissé tout le patrimoine du parti. Mais je reste toujours militant de l’écologie politique ce qui explique en grande partie ma démarche de création d’un autre cadre de promotion de celle-ci. Car n’oubli pas que le but ultime de toute cette action est la conquête du pouvoir d’Etat.

Certains membres de mon parti d’alors ayant opté de rejoindre la mouvance présidentielle, la collaboration n’était plus possible, car cela signifiait la mort pure et simple de l’écologie politique. Au plan mondial tout le monde compte sur moi pour tirer la locomotive de l’écologie politique au Burkina.

(S) : Où êtes vous justement avec le contentieux qui vous opposait à vos anciens compagnons, relativement à la propriété du siège du parti ?

(R.O.) : Je vous réponds par politesse, car je croyais avoir dépassé toutes ces questions. Elles ne m’intéressent plus car l’espace or dont il s’agit appartient bel et bien à Ram Ouédraogo.

Personne au Burkina Faso n’en doute, à commencer par vous même.

Lorsque je l’acquérais en 1992 c’était un dépotoir que j’ai mis en valeur à la sueur de mon front et à la force du poignet. Je l’ai juste prêté à mon parti pour ses réunions.

Concomitamment j’avais acquis un terrain de 500 mètres carrés à Ouaga 2000 (un quartier de la capitale) pour y édifier le siège du parti. Alors qu’on n’en parle plus. Si contentieux il devrait y avoir qu’il plaise aux autres de saisir la justice car nous sommes dans un Etat de droit. Moi je n’ai de problèmes avec personne car ma philosophie c’est le pardon, les marginaux sont en dehors du RDEB et nous ratissons même au delà des écologistes.

(S) : Revenons donc aux choses sérieuse et dites-nous quel regard vous portez sur la 3e législature de la VIe République dont vous êtes membres ?

(R.O.) : C’est une première pour moi et je m’en tiens au rôle constitutionnel du député. Le travail parlementaire est passionnant même si c’est dommage que parfois les députés ou certains d’entre eux n’agissent pas dans le sens des intérêts du Burkina Faso.

Cependant, nous avons la fierté de contribuer à l’approfondissement de l’Etat de droit. Ce qui turlupine chaque fois, c’est lorsque l’on vote le budget. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi celui-ci (le budget) est toujours déficitaire alors que la constitution dit que le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses. Mais, il y a toujours un gap de l’ordre de 60 à 70 milliards de francs CFA. Je me dis toujours que c’est anticonstitutionnel malgré les explications tendant à faire croire le contraire.

Mais les discussions sont animées et chacun défend ses positions. Le drame c’est la majorité absolue que détient le parti au pouvoir ce qui permet de voter même les mauvaises lois. Pour autant je m’enrichis personnellement, car j’ai expérimenté les deux premiers pouvoirs avec ma participation au gouvernement en tant que ministre d’Etat.

(S) : Par rapport aux périodes de surchauffe que reprochez-vous à la démarche du parti majoritaire dans le cadre de la révision du code électoral ?

(R.O.) : Le code électoral qui a été réamendé dernièrement est issu des concertations politiques de 2000. Et, vous savez très bien pourquoi celles-ci ont eu lieu. En 1998 nous avons connu la pire crise de notre pays qui a failli mettre en péril l’unité nationale. Un collège de sages s’est réuni pour indiquer la voie de sortie de cette crise, et de cette instabilité politique. Des propositions ont été faites, parmi lesquelles la nécessité de réformes politiques consensuelles pour avoir une démocratie juste et profitable à tous.

D’où la proposition de revoir le mode de scrutin pour faire jouer dorénavant la proportionnelle au plus fort reste. Cela a permis d’équilibrer un tant soit peu, le rapport de forces à l’Assemblée nationale. Toute chose qui a entraîné le bon fonctionnement de notre démocratie. Mais, depuis 2002, le calme est revenu et, le parti au pouvoir qui a la mémoire courte est retombé dans ses travers et a retrouvé ses vieux réflexes de domination absolue. Cela ne participe pas à la stabilité et à la paix qui passent avant toutes considérations politiques personnelles.

Nous ne comprenons donc pas ce retour en arrière, gros de dangers pour la paix sociale, même si constitutionnellement le parti majoritaire en avait le droit. Je dis que réamender le code électoral dans ces conditions est suicidaire.

A preuve, le gouvernement avait renvoyé la monture du texte au parti au pouvoir pour en discuter avec les autres et ce, pour ne pas rompre le consensus.

Ce ne fut pas le cas et ce fut une décision unilatérale du parti au pouvoir. Cela n’est pas bien pour le pays et l’avenir pourrait nous donner raison. Je le dis en ma qualité de principal bâtisseur de cette paix retrouvée.

(S) : Par ailleurs, sous quel signe aimeriez-vous que l’opposition place sa campagne présidentielle, et, seriez-vous candidat ?

(R.O) : Il ne m’appartient pas de répondre au premier volet de votre question. Sur le deuxième point, notre convention prévue en fin d’année décidera de la conduite à tenir.

Vous savez aussi qu’au niveau de l’opposition, un travail profond et réfléchi est en train d’être fait sur la question. Attendez alors les résultats de ce "cogito".

(S.) : Et le point de vue de votre parti sur une éventuelle candidature de Blaise Compaoré, qualifiée d’illégale par un partie de l’opposition ?

(R.O) : Ma position n’a pas varié car il vous souviendra que j’ai été le premier à répondre au ministre d’Etat Salif Diallo lorsqu’il a dit que Blaise Compaoré serait probablement le candidat du parti au pouvoir. La presse avait résumé en titrant que Ram a dit que si Blaise se représente ça sera le chaos. J’ai donc été le premier à m’insurger contre cette éventualité.

C’est possible que ceux qui affirment que Blaise Compaoré est le martien ou à tout le moins le titan du CDP soient sincères. Mais la plupart ne sont pas des amis de Blaise Compaoré. Non seulement, ils ne l’aiment pas, mais ils n’aiment pas non plus le Burkina Faso. Ils ne pensent qu’à leurs propres intérêts car sans Blaise Compaoré, ils ne sont plus rien du tout. Ils lui font croire qu’il est le messie, ce qui est faux. Blaise Compoaré ne doit pas être candidat en 2005 même si la loi l’y autorisait. C’est une question de bon sens.

Il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent. Blaise Compaoré peut donc dans un sursaut, sauver l’essentiel et se tirer d’affaire lui-même, car, dans son parcours politique tout n’a pas été négatif.

Son retrait est un impératif moral et politique.

(S.) : Vous rentrez d’une mission aux USA. Le point de votre tournée américaine ?

(R.O.) : J’ai été invité aux Etats-Unis par les Verts américains à leur convention d’investiture pour la présidentielle de novembre 2004. J’ai représenté l’ensemble de l’Afrique à cette convention qui a vu la victoire de David Cobb. Je remercie l’ambassadeur des USA au Burkina, Son Excellence Anthony Holmes et ses collaborateurs qui m’ont facilité le voyage. Mes amis Verts américains aussi, qui m’ont invité parce que j’étais l’écologiste qui a fait le meilleur score dans les élections présidentielles de son pays avec 6,61% des suffrages exprimés.

Au retour, j’ai rejoint mes amis Verts français à l’Assemblée nationale française, où j’ai échangé avec le député-maire Noël Mamère.

J’ai ensuite été reçu au siège du parti par le secrétaire national Jules Lemaire et nous avons parlé de l’avenir et de la coopération. Je souligne qu’aux Etats-Unis, il a été convenu d’organiser le grand forum mondial des Vers en Afrique en 2006 et j’ai été commis aux tâches de préparation de cette rencontre. Un séjour enrichissant à tous les points de vue donc.

(S.) : Les OGM agitent de nos jours l’opinion publique africaine. Le point de vue de votre parti ?

(R.O.) : Les Verts du monde entier se sont saisis depuis belle lurette de cette question qui était du reste à l’ordre du jour de notre rencontre américaine.

Les OGM sont un combat pour les écologistes et les défenseurs de l’environnement. Notre pays ne peut pas rester en dehors de la technologie, des bienfaits de la science.

Mais, lorsque pour l’instant, la science n’est pas maîtrisée, il faut faire attention. Même les pays développés sont dans l’expectative car il n’est pas prouvé que les OGM ne sont pas nocifs pour l’être humain et la biodiversité. Gardons-nous donc des considérations mercantiles car il faut manier la biotechnologie avec beaucoup de précautions.

Une interview réalisée par Boubakar SY
Sidwaya

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