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Pépinières à Ouagadougou : Une activité prospère entre le formel et l’informel

Publié le mercredi 12 août 2009 à 01h20min

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S’il y a une activité florissante, ces dernières années, dans la capitale burkinabè, c’est bien les pépinières. A l’aide de pots ou de sachets, des pépiniéristes offrent le long des barrages, une grande diversité de plants. A côté de ces producteurs particuliers, il y a le Centre national des semences forestières (CNSF) avec ses moyens modernes. Incursion dans l’univers des pépiniéristes en cette période de reboisement à tout vent.

Veuve pleureuse, cœur de bœuf, bec de perroquet, gouverneur. Des noms de plants bien étranges pour un novice du milieu. Et pourtant ce sont toutes des espèces fruitières, ornementales ou ombrageuses produites au Burkina Faso, principalement à Ouagadougou. Tout au long des barrages n° 1 et n° 2 de la capitale, les pépinières s’étendent à perte de vue. Les producteurs rivalisent d’ingéniosité et de travail de plants, surtout décoratifs pour épater les clients.

Mais en cette période hivernale, tous reconnaissent que ce sont les arbres fruitiers et ombrageux qui ravissent la vedette aux autres, à cause des campagnes de reboisement organisées çà et là. Benoît Nacoulma a implanté sa pépinière à côté du barrage n° 1 juste derrière l’hôpital Yalgado Ouédraogo. Maraîcher au départ, il s’adonne à cette activité depuis maintenant vingt-deux ans. "J’ai vu certaines personnes pratiquer ce métier et je m’y suis intéressé. Surtout qu’en saison pluvieuse, on ne peut plus faire du maraîchage. Avec des sachets, j’ai commencé à produire des plants et ça a marché", a affirmé Benoît Nacoulma, tout en présentant fièrement sa collection très diversifiée manguiers : orangers, goyaviers, flamboyants, neem, acacia senegal…

"Ici, c’est comme dans une boutique, je ne prétends cependant pas disposer de toutes les espèces. Je commande certaines de la Côte d’Ivoire et du Togo", reconnaît-il. A un jet de pierre de la pépinière de Benoît Nacoulma, celle de Séni Sambolo attire l’attention. Du haut de ses dix années d’expérience dans le métier, celui-ci s’est spécialisé surtout dans la vente de plants décoratifs. Si certaines espèces sont directement semées dans sa pépinière, d’autres par contre, sont importées de la Côte d’Ivoire et du Ghana comme les rosiers.

"Mais en cette période de l’année, la tendance est plus à l’acquisition d’arbres fruitiers", a souligné Séni ! Sambolo. A côté de ces producteurs particuliers, un centre plus structuré œuvre depuis vingt-quatre ans à la promotion de cette filière au Burkina Faso. Il s’agit du Centre national des semences forestières (CNSF) de Ouagadougou. Alors quelles sont leurs rapports avec les producteurs autonomes ?
"Le CNSF n’a pas le monopole de la production de plantes au Burkina Faso. Nous n’avons pas le droit d’empêcher les particuliers de produire", a répondu le chef de la division recherche appliquée du CNSF, le Dr Oblé Neya. D’ailleurs, a-t-il poursuivi, la politique du ministère de l’Environnement a été d’encourager la naissance d’une filière pépinières au Burkina Faso.

Une promotion qui vise à procurer aux particuliers des revenus substantiels et contribuer à la lutte contre la pauvreté. Pour ce qui est de l’organisation de ces pépiniéristes, a ajouté le Dr Oblé Neya, le CNSF, depuis sa création, a contribué à la formation de la plupart d’entre eux à la technique de production de plants en pépinières. Ainsi, ces personnes ont par la suite, formé à leur tour, d’autres pépiniéristes. "Malgré tout, pour ce qui est des espèces ornementales, nous reconnaissons que ces particuliers concurrencent réellement le CNSF. C’est de bonne guerre, étant donné que les besoins et les envies des clients sont très variés", a déclaré Oblé Neya. Avant d’ajouter : "Nous jouons plutôt un rôle complémentaire. Mais, nous sommes quand même une structure technique qui a sous son contrôle, toute la chaîne, depuis la production des semences jusqu’à celle des plants au niveau des pépinières".

En effet, une visite guidée des deux pépinières d’environ un ha du CNSF permet de se faire une idée de la diversité des espèces qui s’y trouvent. "Plus d’une centaine", assure le Dr Oblé Neya. Dans celle des arbres fruitiers et ombrageux, deux grandes espèces s’y côtoient : les exotiques et les locales. Les espèces exotiques sont constitués essentiellement des agrumes et des fruitiers tels que les manguiers, les orangers, etc. "Pour ce qui est des agrumes et des fruitiers, la particularité du CNSF par rapport à d’autres acteurs intervenant dans le domaine, est que les pieds sont tous greffés exactement selon les souhaits du client", a indiqué Oblé Neya. En ce qui concerne les espèces locales, ce sont celles qu’on retrouve naturellement au Burkina Faso comme le baobab, le néré, le tamarinier, etc.

Les activités du CNSF ne se limitent pas seulement à la production de plants. La fourniture de semences d’espèces locales fait partie aussi de ses missions. Pour cela, c’est un travail minutieux que Oblé Neya et son équipe effectuent quotidiennement. "Nous menons d’abord des travaux de prospection pour repérer les endroits où les pieds sont suffisamment regroupés afin de procéder à une collecte de qualité de semences des espèces locales. Nous les appelons communément des peuplements semenciers", a-t-il souligné. Après la collecte, il faut mettre au point en laboratoire, les différentes techniques de germination de chacune d’elles et voir comment l’on pourrait la produire en pépinière.

En plus, des pieds de baobab ont même été greffés, comme on le ferait pour un manguier, pour réduire considérablement le cycle de production. Malheureusement, note Oblé Neya, les Burkinabè ignorent qu’ils peuvent désormais planter dans leur concession, des espèces locales comme le sclérocariot (nobga en mooré) ou encore le saba (weida en mooré). La deuxième pépinière du CNSF est réservée aux plantes ornementales. Là-bas, les espèces les plus sollicitées sont l’acacia nilotica, l’acacia senegal et le bohinia. Elles sont toutes conseillées pour la mise en place des haies vives dans les zones aménagées. Mais, ce sont des espèces tellement sensibles que leur production doit se faire dans des conditions particulières. "Elle commence dans des serres où les plants sont élevés pour une certaine durée à l’abri d’une certaine quantité de soleil. Ainsi, avant sa livraison, on le retire de la serre pour qu’il puisse s’acclimater et se préparer à des conditions réelles de site de plantation", a assuré le deuxième responsable de la pépinière, Benjamin Sawadogo.

Tout comme les producteurs particuliers, le CNSF reconnaît que c’est pendant la saison pluvieuse que les affaires prospèrent. Pour ses responsables, dès le mois de janvier, ils connaissent approximativement le nombre de plantes à fournir à leurs partenaires. Et à la fin du mois de juillet passée, l’un d’entre eux, le Projet d’intensification agricole pour la maîtrise de l’eau (PIAME) était presqu’à la fin de l’enlèvement des 180 000 plantes qu’il avait commandé. "Ces bohinia sont destinés à l’établissement de haies vives dans les régions du Centre-Nord, du Centre-Sud, du Centre-Ouest et du Plateau central", a expliqué un ingénieur agronome de PIAME, Léonard Bationo qui supervisait les enlèvements.
Ce n’était donc pas étonnant que nous ayons trouvé des pépinières vides lors de notre visite au CNSF. Or chez les producteurs particuliers, ce n’était pas le cas.

Pour Seni Sambolo, il peut faire une semaine sans rien vendre surtout les plants décoratifs. "Pour cette variété, nos principaux clients sont les européens", affirme-t-il. Benoît Nacoulma, lui trouve son compte dans cette activité surtout dans la composition de bouquets de mariage et la vente des arbres fruitiers et ombrageux. "Il y a aussi des moments où on gagne juste l’argent de la nourriture", reconnaît-il. Tout compte fait, la prolifération de pépinières ne peut qu’être bénéfique pour un pays comme le Burkina Faso où le désert avance d’année en année.

Sié Simplice HIEN

Sidwaya

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