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Différend entre sous-traitants : Exportés au Nigeria, ils réclament leur dû à l’inspection de Ouaga

Publié le mardi 11 août 2009 à 01h56min

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Cette histoire n’est pas sans rappeler cette autre où, en 2003, des enfants burkinabè étaient abandonnés à eux-mêmes sur une plage à Lomé. Sous prétexte de colonie de vacances, un irresponsable cupide les y avait menés avant de se volatiser. Cette fois encore, on peut parler d’abandon, sauf que là on a en face un opérateur économique (telle est la mode de nos jours) et des ouvriers, puis l’épisode se déroule à Abuja, au Nigeria.

Le mardi 28 juillet 2009, un jeune homme répondant au nom de Sidi Hamed Ouédraogo, que nous avions saisi suite à une correspondance qu’il avait adressée au journal, se présentait auprès de nous pour nous donner plus d’éclairage sur l’objet de ladite lettre. Son récit nous clouera simplement au pilori par la gravité des faits. En voici le résumé.

En avril 2009, avec d’autres ouvriers, dont des menuisiers comme lui, des maçons et des ferrailleurs, Sidi Hamed quittent le Burkina pour Abuja, au Nigeria, via le Bénin. Ils devaient y exécuter des travaux sur un chantier que l’Etat nigérian a confié à des Turcs : une grande université à Abuja. L’entrepreneur, donneur d’ordres, c’est Eric Akindes, le directeur général de COGE/ETR, un Béninois installé de longue date dans notre pays.

Selon le contrat oral passé entre eux, les ouvriers avaient droit à un salaire mensuel de 45 000 nairas (à peu près 150 000 francs CFA), un gîte et le couvert. De même, l’aspect santé était pris en compte ainsi que le transport-retour.

Pour eux, c’était une aubaine, surtout que certains avaient plein de projets que la réussite de cette aventure pouvait aider à concrétiser. Mais une chose est de promettre, une autre de réaliser. Les aventuriers allaient l’apprendre à leurs dépens.

Des "esclaves" en plein Abuja

En effet, ils allaient vite déchanter. Déjà par les tracasseries policières dès la frontière du Nigeria, leur employeur n’ayant aucun document officiel autorisant leur entrée sur le territoire. Ce fut après des négociations qu’ils parvinrent enfin sur le site, une zone enclavée, en pleine forêt, où coule une rivière. Ceci a son importance, et vous le comprendrez.

Nous sommes le 5 mai, non loin d’Angorogo. Le nom du chantier, Turkish Nyle university of Abuja. Les nouveaux arrivants sont désormais face à la réalité : au lieu de chambres privées, ils se retrouvent, toujours selon eux, à cinq dans un cagibi d’à peine plus de 4 m2, sans couchette. Ceux qui ont été prévoyants utilisent des nattes pendant que les autres se contentent de cartons. D’eau potable, il n’en est point question. Mais la rivière est là... Pour ce qui est du couvert, une avance de 20 000 F est octroyée à chacun, à charge pour lui d’en envoyer une partie à la famille restée au pays. Et elle est bien sûr réductible sur salaire...

Une deuxième vague viendra rejoindre la première le 14 mai, mais avec un meilleur traitement : une avance de 10 000 F à Ouaga, 7000 nairas à Abuja, un bon logement (5 par chambre), de l’eau potable et des matelas. L’un dans l’autre, le premier mois se passe sans trop d’accrocs, et le chantier se déroule convenablement.

Puis, couac. En fin juin, alors qu’Eric Akindes a ordonné qu’on sursoie au paiement des salaires jusqu’à ce que lui-même vienne le faire (on ne sait trop pourquoi et quand), la situation s’embrase, la quarantaine d’employés ne s’expliquant pas cette mesure. Surtout que les Turcs disent ne plus devoir à leur sous-traitant qui leur serait même redevable selon leur registre comptable. Face à ce blocage, ils choisissent néanmoins de désintéresser les autochtones en attendant son arrivée.

Quand il le fit, ce fut pour traiter les ouvriers de tous les noms avant de retourner sans leur donner le moindre kopeck. Les nôtres durent leur salut aux sous-traiteurs turcs et à notre ambassade à Abuja.

Un retour douloureux

Pour leur permettre de terminer leur tranche, les premiers leur donnaient de quoi s’acheter à manger. Quant à notre représentation diplomatique, son premier responsable, l’ambassadeur Dramane Yaméogo, se déplaça en personne sur le site pour s’imprégner de la situation. Il entreprit ensuite des démarches auprès de l’entrepreneur en chef pour le rapatriement de nos parents.

Ce qui fut effectif à partir d’un laisser-passer qu’il signa le 13 juillet 2009, demandant le concours de toutes les forces de sécurité des localités traversées pour leur permettre de parvenir à bon port. Là-dessus, il nous a d’ailleurs donné sa version des faits pendant son séjour ici à Ouaga dans le cadre de la rencontre annuelle de nos ambassadeurs. C’était le mardi 4 août : "J’ai été saisi par un de ces jeunes, Sidi Hamed, qui m’a raconté les problèmes qu’ils connaissaient sur ledit chantier. J’en ai été si touché que j’ai failli verser des larmes. J’ai décidé sur-le-champ de me rendre sur les lieux, où j’ai entrepris des démarches pour leur rapatriement.

Les amis turcs nous ont compris et ont accepté de débloquer près d’un million de francs à cet effet (location du véhicule et argent de poche pour les voyageurs). Ce que je peux dire, c’est louer le courage de ces gens qui, de plus en plus, tentent l’aventure pour vendre l’expertise burkinabè ; je salue surtout leur intelligence, qui a consisté à nous saisir, car une ambassade est faite aussi pour cela".

Mais sont-ils à la fin de leur calvaire ? On ne peut du tout l’affirmer, car bien qu’ils aient porté l’affaire devant l’Inspection du travail, la solution définitive tarde à se dessiner.

Après des rendez-vous manqués, ce n’est en définitive le 7 août qu’un procès-verbal de conciliation fut signé entre les deux parties. Aux dernières nouvelles, M. Akindes serait reparti à Abuja (à quelles fins ?) alors que la date-butoir du règlement est fixée au 17 de ce mois. Croisons les doigts pour que cela soit, car peut-on, en effet, tolérer que de tels comportements sous nos cieux soient sans effets ?

O. Sidpawalemdé

L’Observateur Paalga

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