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Opposition togolaise : Du danger de la candidature unique

Publié le lundi 10 août 2009 à 01h47min

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« Le patron a toujours raison », pouvait-on lire sur une grande affiche placardée derrière le bureau de celui qui était alors DG du Port autonome de Lomé. Nous sommes en 1995. Lui, c’est Agbéyomé Messan Kodjo, ci-devant président de l’Assemblée nationale et Premier ministre du défunt chef de l’Etat togolais Gnassingbé Eyadema.

Il faut dire que l’ancien président du Togo avait un faible pour ce monsieur, qui était certes un gros travailleur mais qui a pêché peut-être par excès d’impatience. En effet, présenté souvent comme le dauphin d’Eyadema (que voulez-vous, quand vous avez occupé tous les postes de l’Exécutif, que vous reste-t-il sinon la présidence ?), l’intéressé a commencé à ronger son frein dans les années 2000. Croyant son heure venue, il enverra une missive sous forme de réquisitoire à son mentor en 2003, laquelle était intitulée « il est temps d’espérer ». En fait, dans cette lettre, il invitait ni plus ni moins le baobab de Pya à quitter le pouvoir. Sachant que cela lui vaudrait les foudres de son mentor, dont les colères avaient valeur de disgrâce sinon pire, il demandera pardon et, dans la foulée, quittera en catimini le Togo pour l’Hexagone via le Bénin.

A la faveur de l’élection, controversée, de Faure Gnassingbé à la présidence le 26 avril 2005, Kodjo rentra au pays et fonda l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS). Et, naturellement, il s’est porté candidat à la présidentielle, prévue pour le 28 février 2010. C’est cet homme-là, qui, le 6 août dernier sur la chaîne de télévision France 24, invitait l’opposition à aller à ce scrutin majeur avec un candidat unique. Une invite qui a peu de chance d’être entendue. Parce que :

d’abord il y a le casse-tête organisationnel, car, alors que lui faisait cette proposition, les protagonistes de la crise togolaise étaient depuis la veille à Ouagadougou chez le facilitateur, Blaise Compaoré, pour arrondir les angles. Ça coince malgré les apparences au Togo. En effet, les Pascal Bodjona, Gilbert Bawara, Solitoki Esso et Selom Klassou, côté pouvoir, et Gilchrist Olympio, Me Djodji Apevon et Jean-Pierre Fabre, tous caciques de l’opposition, ont rencontré, ces derniers jours, l’artisan de l’Accord politique global (APG) du 20 août 2006 afin de solutionner les épineuses questions du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC) et de la CENI.

En fait, depuis quelques semaines, l’axe Lomé-Ouagadougou voit se multiplier les chassés-croisés diplomatiques, preuve qu’à l’approche de cette présidentielle, à haut risque, toute divergence doit être aplanie. Encore faut-il que tous les protagonistes le veuillent. L’opposition estime que le décret pris le 11 juin 2009 par le chef de l’Etat, élargissant les participants du CPDC à des membres extraparlementaires, est inique, car seuls les partis politiques ayant des députés à l’hémicycle ou recueilli au moins 5% des voies aux législatives d’octobre 2007 ont droit d’en faire partie selon l’esprit et la lettre des textes du CPDC. Enfin, ces opposants ne décolèrent pas face à l’intrusion dans la CENI, par un vote le 30 juin dernier, de l’Assemblée nationale, de représentants de l’opposition extraparlementaire et de la société civile, d’éléments soupçonnés d’être des satellites du pouvoir.

Le mode de scrutin constitue aussi un nœud gordien pour ces frères ennemis : la présidentielle sera-t-elle à un ou deux tours ? Feu Eyadema, qui a toujours passé au premier tour, invoquait, selon un article de la constitution de 2002, qui stipule, selon lui, que la présidentielle est à un seul tour. Or, apparemment, le second tour est voulu par l’actuelle classe politique.

Ensuite il y a même l’introuvable unité de l’opposition en pareil cas : Agbéyomé Kodjo propose la candidature unique, mais lui-même est-il prêt à accepter le principe en retirant sa candidature ? Surtout, on voit mal l’opposant historique, Gilchrist Olimpio, avaliser une telle option, lui qui a toujours rêvé de mesurer sa popularité à l’échelle nationale et qui n’en a jamais eu l’occasion, soit à cause d’une clause constitutionnelle, fabriquée de toutes pièces, soit pour raison de sécurité ?

Comment oublier le CAR, qui, bien que diminué par la présence de son fondateur, Me Yawo Agboyibor, comme premier ministre dans le gouvernement d’union nationale du 16 septembre 2006, s’apprête à adouber le non moins charismatique Djodji Apevon ? Et peut-on ne pas tenir compte aussi du Franco-Togolais, celui qui apparaît comme le cendrillon de la fable, Koffi Yangname ? A vrai dire, la probabilité que se dégage un cheval unique sur lequel va miser l’opposition est quasiment nulle, car, en telle période, chacun se découvre subitement un destin national.

Enfin, il y a une raison massue qui fait que cette idée du patron de l’OBUTS ne peut pas prospérer : dans un pays qui, depuis 40 ans, n’a pas été réputé pour sa lisibilité politique, il faut réfléchir par 2 fois avant de mettre ses œufs dans un même panier. Face à un RPT qui a les ressorts et les ressources nécessaires, il est évident pour l’opposition qu’un émiettement de l’électorat au premier tour serait de bon aloi, question de reporter les voix sur le meilleur positionné au second tour, si c’est ce mode qui est adopté. ...Encore faut-il que les opposants taisent leurs guéguerres de leadership et rangent au placard les rancœurs recuites. Dans tous les cas, les Togolais, tout comme les Ivoiriens, ont intérêt à avancer, car le facilitateur tout capitaine à la retraite qu’il est, aura d’autres chats à fouetter en 2010. A domicile. (Lire aussi page 2)

La rédaction

L’Observateur Paalga

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