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Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

Publié le vendredi 7 août 2009 à 01h07min

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Le gorbagate ou, si vous préférez, l’affaire Salif Diallo, continue de faire les choux gras de la presse burkinabè. Rien d’étonnant à cela, pour dire vrai. C’était même prévisible, au regard de la personnalité du premier concerné. Toute chose qui laissait présager une bonne pluie d’analyses et de commentaires. Aussi bien dans les officines politiques, mais surtout dans les organes de presse nationaux.

D’un côté, il y a ceux qui, parmi les médias, ont pris fait et cause pour les pères fouettards du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Embouchant la trompette du discours offensif, ils ont tenté, avec plus ou moins de succès, de justifier, a posteriori, la sanction infligée à l’ambassadeur du Burkina en Autriche, par ses camarades du parti.
C’est ainsi que l’on apprend que Salif Diallo n’aurait jamais été le super ministre qu’il prétendait être. Par conséquent, dit-on, l’homme devrait éviter de trop parler, au risque de faire une indigestion. En d’autres termes, l’ex-premier vice-président du parti au pouvoir chargé de l’orientation politique n’aurait fait que mériter sa taloche. Un point de vue qui fait chorus avec celui de la direction du parti, et clairement exprimé par Roch Marc Christian Kaboré, son président, à la veille de la tenue du congrès ordinaire de juillet 2009. A cette occasion, une volée de bois vert s’était abattue sur les indisciplinés.

Reconduit à la tête du CDP, Roch et son nouveau staff n’ont pas cherché pour autant à raviver la flamme de la discorde. Une démarche d’apaisement et de (possible) dialogue qui n’aura échappé à personne. Et surtout pas aux journalistes. Ceux-ci ont guetté, jusqu’au bout, la poignée de main entre Blaise et Salif, à l’issue de la rencontre annuelle des ambassadeurs et consuls généraux du Burkina. Un moment solennel, empreint d’histoire, que les analystes et commentateurs politiques ont vu et revu, question d’y trouver les traces d’un divorce ou d’une comédie politique à la burkinabè. Même le directeur du protocole d’Etat, Léon Yougbaré, s’est retourné pour immortaliser le geste d’un regard qui en disait long.

Cela dit, et toujours en rapport avec les bruits de marmites au CDP, il y a d’un autre côté le lot des médias dont l’analyse s’est inscrite sur le terrain de la critique à outrance. Ceux-là ont perçu dans cette crise le probable chant du cygne. Bien entendu, au niveau du CDP, personne ne l’entend de cette oreille. Certains membres de la direction n’ont pas hésité à accuser certains organes de presse, en des termes détournés, de rouler carrosse pour l’adversaire, au nom d’intérêts inavoués.
Instrumentalisation ? Personne n’a osé prononcer ce mot. Mais c’est tout comme. Et les allusions, les petites phrases assassines sont bien là pour le démontrer. Et de toutes les façons, n’est-ce pas le même Salif Diallo qui a laissé entendre, il y a quelques années de cela, à propos d’un média de la place, que ce dernier était le « teng kougri », entendez par là le fétiche de la presse burkinabè ?

Enfin, pour boucler la boucle, il y a ces organes de presse qui tentent, malgré eux, d’afficher une apparente neutralité dans le traitement de cette affaire. Aucune projection sur l’issue certaine ou incertaine de ce dossier. Pour eux comme pour bien d’autres commentateurs de la chose politique, il s’agirait d’une crise de système. Et rien ne dit que la situation ne pourrait pas évoluer dans un sens comme dans l’autre.

Certaines plumes (plus ou moins bien averties) ont même pensé devoir faire la leçon aux notables du CDP, en les mettant en garde contre les éventuelles conséquences d’une instabilité politique : une allusion implicite aux récents propos de la direction du CDP, et qui laissaient entendre qu’une nouvelle retouche constitutionnelle était à l’ordre du jour au Burkina.

Quoi qu’il en soit, l’affaire Salif Diallo aura été un bon test d’aptitude pour les médias burkinabè. Et ce à l’orée de grandes batailles telles que l’entrée en vigueur de la convention collective et de la carte de presse. Ce sujet, convenons-en, a pu constituer une matière qui a été abondamment exploitée. Mais en même temps, il a mis en évidence des limites objectives qu’il convient de corriger. Aussi bien dans le fond que dans la forme.

A propos de la presse burkinabè, l’on a souvent entendu dire qu’elle était d’une relative bonne qualité, en dépit des contingences auxquelles elle doit faire face. Raison de plus alors pour balayer les scories qui subsistent encore dans la manière de travailler et d’informer les citoyens. Ceci, afin d’optimiser les acquis engrangés sur le terrain de la liberté d’expression et du droit à l’information. Ce qui passe, nécessairement, par le respect de principes simples, et consistant parfois à éviter la tentation de se mettre en avant au détriment du sujet.

Il est vrai qu’à l’ère de l’Internet et des autres « tic », dans cette société de l’information fast-food, un Hebdromadaire peut en cacher une pâle copie. C’est la raison pour laquelle le journaliste se doit d’être l’Observateur attentif et impartial, mais qui n’hésite pas à taper sur le Bendré lorsque la situation l’exige. Car il est dans Le Pays un acteur dont la clairvoyance doit primer sur L’Opinion qu’il peut avoir par rapport à tel ou tel fait lié à l’actualité immédiate ou à venir.

Certes, personne ne peut prétendre lui dénier le droit d’être Le Libérateur d’une conscience citoyenne. Mais encore faut-il qu’en bon Indépendant il soit capable d’être un Reporter guidé par le sens de la mesure. Armé, non par son trop-plein de certitudes et de convictions approximatives, parfois sans saveur, mais plutôt par un sens élevé du devoir et de la probité intellectuelle.
En ayant constamment à cœur le respect de l’éthique et de la déontologie du métier, l’on peut espérer apporter un petit plus à un monde obnubilé et aveuglé par les valeurs matérielles, si ce n’est par la « vénalisation » à outrance. C’est à ce prix, et seulement à ce prix, que le traitement de l’Evénement dont les professionnels de la plume du micro, de la caméra et du clavier ont la charge pourra réellement se transformer en un plaisir véritablement partagé.

A. Traoré

Le Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 7 août 2009 à 01:47, par Pugnere En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Un article d’une qualité supérieure, agréable à lire et bien imagé. Il reprend à son compte les différentes brochures de la place pour exprimer son point de vue. Un tel écrit honore la presse burkinabè. Félicitations

  • Le 7 août 2009 à 12:21 En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Waouhhh, je suis tout simplement séduit, très séduit par ce jeu de mot avec le nom des journaux qui, entre les lignes, donne un aperçu de la ligne éditoriale de chacun. C’est ça aussi le journalisme et merci pour la leçon offerte à L’Opinion. Relisons-encore entre les lignes donc :

    "Il est vrai qu’à l’ère de l’Internet et des autres « tic », dans cette société de l’information fast-food, un « Hebdromadaire » peut en cacher une pâle copie. C’est la raison pour laquelle le journaliste se doit d’être « l’Observateur » attentif et impartial, mais qui n’hésite pas à taper sur le « Bendré » lorsque la situation l’exige. Car il est dans « Le Pays » un acteur dont la clairvoyance doit primer sur « L’Opinion » qu’il peut avoir par rapport à tel ou tel fait lié à l’actualité immédiate ou à venir.

    Certes, personne ne peut prétendre lui dénier le droit d’être « Le Libérateur » d’une conscience citoyenne. Mais encore faut-il qu’en bon « Indépendant » il soit capable d’être un « Reporter » guidé par le sens de la mesure. Armé, non par son trop-plein de certitudes et de convictions approximatives, parfois sans saveur, mais plutôt par un sens élevé du devoir et de la probité intellectuelle. En ayant constamment à cœur le respect de l’éthique et de la déontologie du métier, l’on peut espérer apporter un petit plus à un monde obnubilé et aveuglé par les valeurs matérielles, si ce n’est par la « vénalisation » à outrance. C’est à ce prix, et seulement à ce prix, que le traitement de « l’Evénement » dont les professionnels de la plume du micro, de la caméra et du clavier ont la charge pourra réellement se transformer en un plaisir véritablement partagé." (Extrait JJ)

    Mais où est mon JJ favori dans tout ça. Laissé aux autres le soin de se faire leur opinion de soi...quelle belle leçon !

  • Le 7 août 2009 à 17:58, par Youn Dubourg En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Hé tu fais exprès ou quoi ? Selon toi c’est qui l’hebdromadaire ?

  • Le 7 août 2009 à 18:36, par Mechtilde Guirma En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    JJ mon cher ami c’est le peulh et son hebdromadaire qui enquiquine tout le monde, Mossé comme Bobossé.

  • Le 8 août 2009 à 01:17, par PAZABRE En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Ce Monsieur A. Traoré me donne le plaisir de lire et la conviction que des journalistes, il y en a au Faso.Merci pour votre belle analyse sur la position de vos confrères dans les chemins risqués du gorbagate.

  • Le 10 août 2009 à 19:30 En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Félicitations pour l’article

  • Le 15 août 2009 à 22:04, par BAGUIAN69 En réponse à : Gorbagate : SOS, scribouillards cherchent inspiration

    Très bel article mais,il me semble que l’auteur fait semblant d’ignorer que la faune politique burkinabè fonctionne comme dans la jungle où les plus forts du moment croquent les plus affaiblis...
    Dans tous les cas il serait harardeux d’enterrer très vite un grand homme de la politique burknabè comme Salif DIALLO, rien n’est encore joué et les plus malins au CDP gagneraient à se tairent tranquillement,car ils sont tous avisés qu’entre GORBA et son maitre BLASO,il ne faut pas y fourer le nez !
    WAIT and SEE

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