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Guinée Conakry : à quand la fin de la tragédie ?

Publié le jeudi 15 juillet 2004 à 08h15min

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"Y a-t-il un pilote dans l’avion ?" se demandait notre confrère
Jeune Afrique l’Intelligent dans sa livraison n°2269 du 4 au 10
juillet 2004 à propos de la Guinée Conakry. Pour caricaturer ce
qui se passe au pays du général-président Lassana Conté, il n’y
a pas meilleure image.

Au grave déficit démocratique qui
caractérise ce pays depuis belle lurette, se sont ajoutés d’autres
éléments et événements peu reluisants. Le dernier en date, et
qui a frappé l’opinion internationale, est le pillage de vivres (riz)
dans la capitale Conakry par une population affamée. Eh oui !
les Guinéens ont faim et n’ont pas le sou pour se procurer le
minimum vital.

C’est un paradoxe pour un pays pourtant bien
doté (gâté diront certains) par la nature. Son sous-sol regorge
de bien des richesses. Bref, le pays de feu le dictateur Ahmed
Sékou Touré a tout pour être heureux ou, à tout le moins,
assurer le minimum de bonheur et de bien-être à la population.
A qui donc la faute si le pays va de mal en pis ?
Les autorités politiques en place portent indiscutablement la
plus grande part de responsabilité de cette chienlit.

Et cela, pour
avoir tout naturellement pris le destin du pays entre leurs mains.
Que font-elles pour éviter que la Guinée ne dérive, n’aille à
vau-l’eau ? Pas grand’chose diront les plus généreux. Rien,
répliqueront d’autres. Il est à désespérer de ce pays tant que le
Général sera aux commandes ou fera semblant de tenir
fermement les rênes du pouvoir.

Sans gouverner par
procuration, il ne se présente pas non plus comme celui qui
veille constamment à la bonne marche du pays qui, par ailleurs,
est toujours sans Premier ministre depuis le 29 avril 2004, date
de la démission de François Lonsény Fall. Si ce n’est pas en
Afrique, on a très rarement vu un président diriger efficacement
un pays à partir de son village natal où il passe le plus clair de
son temps. Certes, le président Paul Biya du Cameroun le fait.

Mais l’état peu reluisant de son pays devait dissuader
quiconque de l’imiter. Pour la Guinée, l’horizon est bouché,
l’avenir plein d’incertitudes vu que le Général président a signé
un nouveau bail avec le fauteuil présidentiel qu’il occupe depuis
1984.

Et cela pour un nouveau mandat qui paraîtra une
douloureuse éternité, à moins qu’entre temps, un miracle se
produise. En attendant, les Guinéens triment sans savoir qui les
sortira de cette mauvaise passe. Les hommes politiques ?
Sans doute pas. Car, qu’ils soient de la majorité ou de
l’opposition, ils sont en fin de compte tous pareils. Toutefois,
l’opposition a une excuse pour n’avoir pas encore accédé au
pouvoir, donc, fait ses preuves en matière de gestion du pouvoir
d’Etat.

Finalement d’où viendra le salut des Guinéens ?
La tragédie vécue par le peuple guinéen est due aussi, en
(grande) partie, à ce même peuple. Ne dit-on pas que les
peuples ont les dirigeants qu’ils méritent ? C’est à se demander
si finalement les Guinéens sont à plaindre. Les mêmes
autorités les martyrisent depuis des années sans qu’ils ne
daignent réagir. On aurait compris cette résignation guinéenne
si les années de plomb n’étaient pas révolues.

Aujourd’hui, leur
pays, de gré ou de force, a basculé dans la démocratie. Sa Loi
fondamentale, la Constitution, comme celle de la plupart des
pays africains et, généralement, de ceux de grande démocratie,
reconnaît aux citoyens le droit à la désobéissance civile si les
autorités en place font faillite dans la conduite des affaires de
l’Etat. La démission du pouvoir face à ses engagements est
patente et il n’y a pas de réaction populaire énergique pour le
rappeler à l’ordre afin qu’il prenne ses responsabilités.

C’est vrai
qu’il n’y a pas de régime plus répressif que celui de Conté.
Cependant, il n’y a que les Guinéens eux-mêmes qui pourront
changer leur situation en prenant leur courage à deux mains.
Personne de l’extérieur ne pourra le faire à leur place.
L’extérieur, à travers notamment l’Union européenne et les
institutions de Bretton Woods, a essayé de voler au secours du
pays avec des financements afin d’améliorer, un tant soit peu, le
quotidien de la population en proie aux coupures d’électricité et
maintenant à la famine.

Mais il s’est heurté à un refus net du
général-président qui préfère voir le pays sombrer que
d’accepter de l’argent donné avec des conditionnalités
contraignantes. Veut-il suivre les pas de son prédécesseur qui,
l’on se rappelle, a dit au Général De Gaulle "qu’il préfère la
pauvreté dans la dignité à l’opulence dans l’esclavage" ? Sans
prôner l’assistanat ou la mendicité, il y a des moments où il faut
faire preuve de réalisme.

Un pays ne s’endette pas de gaieté de
coeur mais par nécessité pour réaliser de projets bénéfiques
au peuple duquel d’ailleurs les dirigeants tirent leur légitimité.
En décidant de subventionner la vente du riz aux
consommateurs pour calmer cette fronde des affamés, le
pouvoir guinéen a-t-il enfin compris qu’un peuple affamé n’a pas
d’oreille et qu’à trop vouloir laisser perdurer une telle
catastrophe humanitaire, il risque de jouer sa propre perte.

Le Pays

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