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Salif Diallo : La tentation du phénix

Publié le lundi 13 juillet 2009 à 14h06min

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La recommandation des assises du deuxième Congrès de l’Union pour la République (UPR) à l’adresse des acteurs politiques et de la société civile pour mener une réflexion afin d’opérer des réformes politiques significatives n’est pas restée lettre morte.

La presse et les démissionnaires du parti majoritaire avaient pris le relais avant que Salif Diallo, qu’on ne présente plus, enfonce le clou dans l’interview publiée par nos confrères de l’Observateur Paalga. Sans présager du déroulement des prochaines assises du CDP, on voit mal comment elles pourraient éviter que la question de fonder une nouvelle république ne soit versée aux débats d’une manière ou d’une autre. C’est une question de logique et d’honneur. Des partis de la mouvance présidentielle comme l’UPR ne doivent pas être plus royalistes que le roi. S’ils se montrent préoccupés de la bonne marche du système politique en place, il incombe au parti majoritaire de compléter et de prolonger leur réflexion pour rester dans son rôle de parti leader des alliés qui gouvernent.

Au demeurant, l’idée de la refondation de la République a été avancée publiquement pour la première fois par l’UNDD d’Hermann Yaméogo et ses partis affidés. Il faut donc rendre à César, ce qui est à César. Mais la réflexion prospective n’étant le monopole de personne, il faut croire que les cercles du pouvoir se sont appropriés l’ambition de réformer la République. Peut-être bien que l’idée y avait germé depuis longtemps et que la réflexion s’y menait dans une discrétion de maturation. Aujourd’hui, l’échéance de l’élection présidentielle, le débat sur l’alternance, l’état de santé des partis politique poussent à poser publiquement la question de savoir, quelle République pour le Burkina du 21e siècle ? De fait, si une certaine unanimité semble être faite au niveau des acteurs politiques sur la nécessité des réformes, les divergences sont criardes sur l’ampleur de ces réformes à mener.

Pour les uns la IVe République a élargi les espaces de liberté et les opportunités de développement économique à un niveau jamais égalé par ses devancières. Les perspectives de réformes ne sont alors envisagées que dans un souci d’amélioration du système par une capitalisation constitutionnelle des expériences nouvelles positives. Pour les autres, la IVe République est en panne. Elle tangue dans les eaux des incohérences structurelles, des fautes de gouvernance et d’usure du pouvoir. Dès lors, le Burkina a besoin d’une remise à plat de ses institutions, d’une refondation complète de la démocratie qui n’aurait pas encore trouvé ses marques. Qu’un tel schéma peu reluisant de la gouvernance démocratique émane d’opposants purs et durs, il n’y a rien à en redire.

N’est-ce pas que l’esprit partisan en politique surtout dans nos jeunes Etats est des plus bornés ? Mais quand la proposition de remise à plat des institutions républicaines avec des injonctions du genre « il faut dissoudre l’Assemblée et instaurer un régime parlementaire » vient d’un ancien ministre d’Etat, ambassadeur plénipotentiaire en fonction, de surcroit commissaire politique du parti majoritaire, il y a de quoi surprendre plus d’un observateur. L’Autriche est-elle si loin du Burkina au point que Salif Diallo ait perdu tous ses repères politiques ? Vit-il si mal son éviction du gouvernement qu’il s’est drapé d’un manteau d’opposant pour vouer aujourd’hui aux gémonies ce qu’il adorait hier ?

Ses griefs contre le système qui l’a fait sont-ils devenus si insupportables qu’il outrepasse les avantages de la critique en interne pour laver le linge sale de la famille CDP en public ? Les refondateurs démissionnaires du CDP n’ont pas fait pire. La direction de son parti lui enverrait une lettre de demande d’explication que ce ne serait pas volé. En vérité on a connu un Salif Diallo plus serein et politiquement plus avisé qu’il ne l’a laissé paraître dans ses dernières déclarations où les contradictions se la disputent à la légende du phénix. Le nouveau Salif Diallo voudrait renaître des cendres du système qui l’a façonné et dont il souhaite le démantèlement à présent qu’il ne parlerait pas autrement. Voilà pour la légende du phénix.

Pour les contradictions dans l’analyse politique, elles consistent à proclamer que les rapports de forces politiques sont au moins à 70% en faveur du camp présidentiel tout en réclamant une dissolution de l’Assemblée nationale, un gouvernement d’union nationale et un report de l’élection présidentielle de 2010. Pour que des décisions aussi importantes pour la vie de la Nation s’imposent, cela suppose une crise socio-politique gravissime qui appelle des initiatives extraordinaires du président en tant que garant de la constitution et de l’unité nationale. Ce tsunami qui guette la IVe République, l’opposition l’a maintes fois annoncé. On n’en voit pas encore une once de début. Qu’un politique du sérail comme Diallo Salif, s’en fait un héraut malgré les réserves d’usage qu’un ambassadeur en poste devrait avoir, pousse à s’interroger : quelle tempête couve la République ?

Le CDP est-il dans une situation de crise si profonde au point que des questions aussi stratégiques que celles des réformes politiques divisent sa direction ? Il y a des moments dans la vie d’un parti où l’union sacrée est un viatique de salut. A moins de 18 mois de l’élection présidentielle, Blaise Compaoré n’a pas besoin de désordre dans les rangs du premier parti sur lequel il a assis son régime. Les victoires électorales, les succès dans la gestion de l’Etat ne peuvent s’inscrire dans la continuité que si la cohésion et la solidarité militante règnent au sein de la troupe. A la base comme au sommet. C’est la condition sine qua non le thème du prochain congrès « Renforcer les capacités organisationnelles du CDP pour une forte impulsion du processus d’édification d’un Burkina émergent » sera un vœu pieux.

L’Hebdo du Burkina

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