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Antisémitisme : La femme qui mena toute la France en bateau

Publié le jeudi 15 juillet 2004 à 08h11min

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Ainsi, ce n’était donc qu’un canular. Un gros canular dont seuls savent se rendre coupables les mythomanes, puisque finalement cette dame de 23 ans, Marie Léonie qu’elle s’appellerait, s’est révélée être une diseuse de bêtises.D’abord, le rappel des faits. Le vendredi 9 juillet 2004, une femme se présenta dans un commissariat d’arrondissement de la ville de Paris. Avec la mine défaite, digne d’une scène d’un drame shakespearien, elle affirma avoir été agressée par un groupe de six personnes d’origine maghrébine.

Ils lui auraient volé son sac à dos et, après avoir trouvé sa carte d’identité portant une adresse du 16e arrondissement de Paris, le sang desdits agresseurs n’aurait fait qu’un tour. A la vue de cette carte, ils concluront qu’elle ne pouvait être que juive.

Cette dame, qui, on l’aura remarqué, a décidément de la suite dans les idées, ajoutera qu’elle a été violemment bousculée et insultée, que ses agresseurs lui ont coupé les cheveux et tracé au feutre des croix gammées sur le ventre, le tout en présence d’autres voyageurs, qui seraient restés sans réagir. Sa fille, bousculée, serait même tombée de sa poussette.

Il n’en fallait pas plus pour que la presse et les politiques, prompts à la récupération, se saisissent de l’affaire. Et comme à l’accoutumée, ils ont fait feu de tout bois. Chacun y est allé de sa grosse déclaration. C’est de justesse si Dominique de Villepin, le président de l’Assemblée nationale française, Jean Louis Debré, et le grand manitou, Jacques Chirac, n’ont pas essuyé, chacun en ce qui le concerne, une petite larme à l’occasion.

Morceaux choisis. Dominique de Villepin : « Cette agression ignoble qui a été aggravée de gestes racistes et antisémites ». Jean Louis Debré : « C’est la France qui est visée à travers ces actes ignobles ». Jacques Chirac a, quant à lui, fait part de son « effroi » face à cet « acte honteux » et exprimé sa « profonde sympathie » à la victime et à sa famille.

Pourtant, si le ridicule pouvait tuer, Chirac, De Villepin et Cie seraient morts. Loin de leur permettre d’engranger quelques lauriers de plus, cette mise en scène les a plutôt desservis. Car, dans son imagination débordante, la pseudovictime avait tout inventé.

A l’image d’un boulanger politique bien connu chez nous, la schizo de 23 ans a roulé les médias et les politiques dans la farine et mené toute la France en bateau. Car ce scénario d’agression était du cru de cette dame. Les égratignures et autres croix gammées dessinées sur son ventre, elle les a faites elle-même.

Et s’il vous plaît, avec la complicité de son mari. Voilà un des rares couples qui respecte le concept du meilleur et du pire dans le mariage. Rapidement, les policiers ont décelé des contradictions dans son témoignage et se sont interrogés sur l’absence de témoins d’une agression qui était réputée avoir eu lieu publiquement.

Elle n’était d’ailleurs pas à son premier coup d’essai : la femme avait déjà porté plainte à six reprises ces dernières années pour des allégations diverses, notamment pour un vol à Paris, et une agression sexuelle en banlieue. Les enquêtes suite à ces plaintes n’ont jusqu’à présent abouti à aucune arrestation.

Quoi qu’il en soit, ce mélodrame, qui est joué seulement quelques jours après le discours chiraquien de Chambon-sur-Lignon (le jeudi 8 juillet) sur le racisme et toutes les formes d’exclusion, remet sur le tapis le problème de l’antisémitisme, qui a gagné du terrain ces dernières années dans cette douce et généreuse France.

Des insultes à la profanation de tombes en passant par les violences physiques dans les cours de récréation, les actes antisémites sont en effet devenus légion et il faut les condamner comme tel, avec la plus grande fermeté. Et cela, même si on se demande souvent s’il n’y a pas parfois de l’exagération quelque part. Aujourd’hui, en Europe et aux Etats-Unis, il suffirait que vous bousculiez par inadvertance un Juif sur une voie piétonne pour que l’on vous taxe d’antisémite et qu’on vous conduise au plus grand commissariat de la ville. « Y en a marre à la fin ! » , comme dirait le boucher du coin. Et ne vous avisez surtout pas de critiquer la politique israélienne d’occupation et de colonisation de la Palestine à la force du canon, vous courez le risque d’être accusé d’antisémitisme.

Pourtant, chaque jour qui passe, des tanks israéliens détruisent habitants et habitations dans les territoires occupés. Cependant, aucune expression consacrée à ce massacre ne se trouve dans aucun dictionnaire. Pire, il y a certaines personnes qui veulent faire du problème un problème universel.

C’est le cas de Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France : « Il faut que chacun se sente menacé par ce fléau ». M. Cukierman fait appel à la société civile, aux magistrats, aux « maires des cités dans lesquelles habitent les auteurs d’agressions » et aux autorités religieuses pour qu’ils « fassent des déclarations solennelles très fortes condamnant l’antisémitisme, qui menace les fondements de notre société ».

En somme, tout ceci n’est que gros mots face à une dame qui aime à se donner en spectacle et qui - il faut lui concéder cela- a pu se jouer des médias et des politiques. C’est quand même un grand mérite pour une personne qu’on dit malade mentale.

Si cette farce a mis bien des personnalités dans leurs petits souliers, la bonne dame a voulu certainement jouer sur le registre de ceux qu’on aurait pu qualifier d’affreux, à savoir les Maghrébins et les Noirs, parfois considérés comme les moutons noirs de tout ce qui arrive de mauvais en Europe, particulièrement en France.

En parlant de six agresseurs d’origine maghrébine, la mythomane ne voulait rien d’autre que braquer l’opinion contre une partie de la population. Cette stigmatisation, qui est du racisme, ajoutée à la frilosité de l’Occidental quand il est question d’une affaire juive, est loin de résoudre le problème de l’antisémitisme.

Les solutions sont ailleurs, au Proche-Orient où il y a un blocage du processus de paix, et un Etat, Israël, qui est au-dessus de la loi. En atteste le récent avis, fût-il seulement consultatif, de la Cour internationale de justice sur le fameux mur de sécurité, qui, pour Sharon, ne vaudrait pas mieux que du papier hygiénique.

Pourtant, tous les observateurs sont unanimes à reconnaître que la montée des actes antisémites en France coïncide avec la deuxième intifada, les coupables de ces actes faisant souvent un malheureux amalgame entre les Juifs et le gouvernement israélien. Mais si donc on connaît les causes du problème, on doit pouvoir y apporter les solutions idoines, même s’il faut aller les chercher à Tel-Aviv.

Hélas, malgré sa bonne volonté, la France ne peut grand-chose devant la toute-puissance américaine, grâce à la laquelle Israël peut se permettre d’être au-dessus de la loi internationale. Le protecteur lui-même, tout supergendarme qu’il est, n’est-il pas souvent hors-la-loi ? Autant dire que la France n’a pas fini avec les actes antisémites.

Issa K. BARRY,
L’Observateur Paalga

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