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SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

Publié le jeudi 2 juillet 2009 à 01h31min

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Kofi Annan

Cette tribune de Kofi Annan que nous publions en exclusivité au Burkina demande aux dirigeants africains réunis en sommet de l’Union africaine à Syrte en Libye de ne pas cndamner la CPI (Cour pénale internationale) dans leurs décisions.

Il y a onze ans, lorsque j’ai ouvert la conférence de Rome qui a conduit à la fondation de la Cour pénale internationale, j’ai rappelé aux délégués présents que le regard des victimes des crimes passés, et celui des victimes potentielles des crimes futurs étaient braqués sur eux. Les délégués, parmi lesquels se trouvait un grand nombre d’Africains, ont saisi cette opportunité unique et ont créé une institution destinée à renforcer la justice et le respect des lois. Maintenant ce précieux héritage repose une fois de plus entre les mains des dirigeants africains au moment même où ils vont se réunir en Libye aujourd’hui (mercredi 1er juillet).

Ce sommet de l’Union africaine sera le premier depuis que la CPI a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais Omar el-Béchir, accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour son rôle présumé dans les atrocités du Darfour. L’engagement de l’UA dans la lutte contre l’impunité, réitéré à maintes reprises, y sera mis à l’épreuve. Parmi l’ordre du jour figure une initiative de quelques Etats visant à dénoncer la Cour et à la remettre en cause. Ces derniers mois, certains dirigeants africains ont émis l’opinion que la justice internationale telle qu’elle est représentée par la Cour est une imposition, voire un complot, de l’Occident industrialisé. A mon avis, ce tollé contre la justice dévalorise le désir de dignité humaine présent dans le cœur de chaque Africain. Il représente également un pas en arrière dans la lutte contre l’impunité.

Au cours des dix années durant lesquelles j’ai occupé les fonctions de Secrétaire général des Nations unies, la promesse de justice et son pouvoir de dissuasion sont devenus de plus en plus réels. Les atrocités commises au Rwanda et en ex-Yougoslavie ont conduit le Conseil de sécurité à établir deux tribunaux ad hoc, reposant sur les principes des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ces tribunaux ont montré qu’une justice internationale efficace peut réellement exister.

Toutefois, ces tribunaux ad hoc n’étaient pas suffisants. Les hommes du monde entier voulaient être sûrs que si les pires atrocités étaient commises (génocide, crimes de guerres ou crimes contre l’humanité), où que ce soit et quand que ce soit, il y aurait un tribunal pour traduire en justice tous ceux qui, dans la hiérarchie du gouvernement ou du commandement militaire, en seraient responsables. Ce principe devrait s’appliquer sans exception aussi bien au plus humble soldat qu’au plus haut dirigeant.

C’est ainsi qu’a été constituée la CPI. Cent neuf états en font maintenant partie, dont trente pays africains, représentant le bloc régional le plus important parmi les états membres. Cinq des dix-huit juges de la Cour sont africains. La CPI reflète la demande universelle pour un tribunal qui soit en mesure de punir les auteurs des crimes les plus graves, et de dissuader d’autres de les commettre.

Les opposants africains à la CPI affirment qu’elle fait une fixation sur l’Afrique, parce que les quatre affaires dont elle a été saisie jusqu’à maintenant ont toutes trait à des crimes commis contre des victimes africaines. Il faut commencer par se demander pourquoi des dirigeants africains ne devraient pas se réjouir de cette focalisation sur les victimes africaines. Ces dirigeants veulent-ils vraiment prendre le parti des auteurs présumés d’atrocités de masse, plutôt que celui de leurs victimes ? Si la Cour n’a pas réussi jusqu’à présent à répondre aux appels des victimes hors de l’Afrique, est-ce vraiment une raison pour ignorer les appels des victimes africaines ?

Qui plus est, dans trois de ces cas, c’est le gouvernement lui-même qui a demandé l’intervention de la CPI : la République démocratique du Congo, la République centrafricaine et l’Ouganda. Le quatrième cas, celui du Darfour, n’a pas été sélectionné par la CPI, mais il a été référé par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Il est important également de ne pas oublier que la CPI est un tribunal de dernier recours qui procède uniquement quand les systèmes judiciaires nationaux sont réticents, ou incapables d’agir. La Cour aura moins besoin de protéger les victimes africaines quand les gouvernements africains auront amélioré leur capacité à traduire en justice les responsables d’atrocités de masse.

La CPI représente un espoir pour les victimes d’atrocités et envoie le message que nul n’est au-dessus des lois. Cet espoir et ce message seront sapés si l’Union africaine condamne la Cour parce qu’elle a inculpé un chef d’État africain. L’Union africaine ne doit pas abandonner sa promesse de lutter contre l’impunité. À moins que les criminels de guerre poursuivis soient tenus pour responsables, quel que soit leur rang, d’autres tentés de les imiter n’en seront dissuadés, et le peuple africain en souffrira. Nous avons peu d’espoir d’empêcher les pires crimes dont l’humanité est capable, ou de rassurer ceux qui vivent dans la crainte de leur récurrence, si les dirigeants africains cessent d’apporter leur soutien à la justice pour les crimes les plus odieux simplement parce que l’un des leurs se retrouve sur le banc des accusés.

Kofi Annan Ex-SG de l’ONU

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 juillet 2009 à 19:12, par Ilias Lafricain En réponse à : SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

    Voilà qui est bien pensé et bien dit.
    N´allons pas taxé Kofi annan de vendu à l´Occident ; il est temps que la verité sorte de la bouche meme d´autres Africains sur les betises des dirigeants noirs.

    En disant que l´homme noir n´etait pas totalement entré dans l´histoire moderne, Sarkozy nous a dit une verité qui insulte, mais qui aurait du amener les peuples africains et leurs dirigeants a meriter le droit de s´assumer, d´assumer leur histoire et leur avenir...

    L´idée de faire condamner la CPI au sommet de l´UA serait une preuve encore d´une autre insultante verité, a savoir que la civilisation a longtemps quitté le continent noir par le fait de violences et d´atrocités au quotidien. Et pour prendre appui sur le sociologue Norbert Elias, les nations dites civilisées sont celles qui font les plus grands sacrifices au nom de la paix et de la cohésion sociale. Sie la civilisation selon Elias est contraire a la violence au depart physique, faison un tour d´horizon de l´esprit sur la situation sociale, politique et économique de l´Afrique avant de repondre a cette question : Ya-t-il une civilisations dans nos pays au sud ?...

  • Le 2 juillet 2009 à 19:22 En réponse à : SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

    La réaction de M. Kofi Annan est pleine de sens. Les Africains ont souscrit et à la Cour et ont même été les premiers à la solliciter. L’Afrique a été et continue d’être le théatre de beaucoup d’atrocités, et il n’est pas question que les auteurs de ces horreurs restent impunis quelques soient les arguments. La Cour fait le travail qui lui a été confié et elle doit le faire bien. La justice doit donc s’appliquer pour tout le monde. Il ya cependant le sentiment que cette CPI soit taillée sur mesure pour que les "grandes puissances" ne soient pas inquiétées. Tout le monde a observé avec quel mépris les USA ont déclenché la guerre en Irak avec son lot de morts. Mais aujourd’hui le système fait qu’il est quasi impossible de voir Bush et ses lieutenants devant la CPI. Cela devrait pouvoir être envisagé vu qu’ils ne seront jamais punis aux USA.
    Le sentiment des Africains est aussi compréhensible de ce point de vu...

  • Le 3 juillet 2009 à 09:54, par lilboudo En réponse à : SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

    Pourvu que la parole ne soit pas entrée dans l’oreille d’un sourd ! Quand nous dirigeants se cramponnent au pouvoir, par des masacres et atrocités, ils se croient au dessus des lois. La condamnation de la cour ne viserait autre objectif que de s’épargner soi même, sachant que comme El Béchir l’on peut aussi faire objet de poursuite. Nous, peuple africain, disons Vive la CPI.

  • Le 3 juillet 2009 à 15:58, par Edozer En réponse à : SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

    Tout à fait d’avis avec Mr Kofi et mes prédécesseurs, il faut pas se voiler la face, ou encore vouloir le beurre et l’argent du beurre. C’est quoi cette histoire de dénoncer la CPI. C’est les mêmes qui envoient leurs compatriotes à la CPI et quand ils sont concernés ils veulent crier au sorcier, Bref. Il faut que nos dirigeants cessent cette politique du caméléon. Nous avons besoins d’être rassuré et surtout protégé par la communauté internationale, quand on voit le spectacle qui se déroule au Niger. Qui dit que ce président ne serrait pas capable de tuer des centaines de Nigériens pour se maintenir au pouvoir. <> ! On l’a entendu au Faso, mais on oubliera pas que les mêmes sont capables de dire <> peut conduire à des atrocités. La solution c’est de respecter nos lois et nos institutions, de juger les responsables des crimes chez nous enfin rechercher la justice pour tout homme sans discrimination en Afrique. Ainsi nous n’allons plus faire recours à la CPI ; Merci Mr Kofi, je doute que ton appel sera entendu par nos Gourous, nos Rois ou Président à vie.

  • Le 5 juillet 2009 à 19:24, par EntreNous En réponse à : SOMMET DE L’UA : Kofi Annan au secours de la CPI

    L’idée meme de la CPI est noble et louable dans ses principes tels rappelés par Koffi Annan. Mais entre la théorie et la pratique, il ya parfois un grand fossé. Je ne comprends pas que la CPI puisse avoir pour un poids deux mesures. Le Soudan n’a pas souscrit à la CPI, les USA aussi. Mais pourquoi poursuivre Bechir et non Bush ? Pourquoi la CPI n’a pas poursuivi les dirigeants Israeliens alors qu’ils ont utilisé des armes illégales en Gaza contre les civils ? C’est la portée mondiale de la CPI qui pose problème. Elle aurait été une CPI Africaine, personne ne la condamnerait. Mais il se trouve qu’elle est mondiale et ne juge que les Africains. Je comprends bien le sentiment des dirigeants Africains qui veulent condamner la CPI, meme si certains meritent un chatiment. Mais je ne crois que la CPI dans son injustice soit bien placée pour rendre justice. Elle perd de la crédibilité en discriminant les sorciers de la planète. Koffi Annan aurait mieux fait de demander à la CPI plus de responsabilité envers tous, plus d’équité envers tous les sorciers.

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