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AFFAIRE EROH - BIB : Des travailleurs interpellent le Premier ministre

Publié le vendredi 26 juin 2009 à 01h37min

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A l’occasion du 2e anniversaire de sa nomination comme Premier ministre, Tertius Zongo s’est exprimé à plusieurs reprises face à la presse. Les "travailleurs et ex-travailleurs de EROH" l’interpellent particulièrement sur sa réponse à la question des plus de 3 milliards de F CFA que la BIB (Banque internationale du Burkina) devrait à cette société.

"Excellence Monsieur le Premier ministre,

Les travailleurs de EROH ont suivi avec attention et grand intérêt, votre intervention radiotélévisée du 11 juin 2009, et plus précisément la question relative à l’inexécution d’une décision de justice par la BIB-UBA. Mais nous avouons n’avoir pas compris la substance de votre réponse (ventre vide n’a point d’oreilles, dit-on).

Excellence Monsieur le Premier ministre, dans votre intervention, vous avez traité EROH-Sarl d’individu et de bonhomme (sic). EROH est une entreprise burkinabè, personne morale, constituée sous la forme d’une société à responsabilité limitée au capital de 20.000.000 F CFA, qui a pour objet social, comme son nom l’indique, les Etudes et Réalisations d’Ouvrages Hydrauliques (EROH). EROH a été créée depuis 1989, et a réalisé à travers tout le Burkina et à l’extérieur d’importants travaux de développement commandés par les Etats. Forte de son expérience en matière de travaux hydrauliques, EROH a exporté son expertise à l’extérieur du Burkina en 2002 en participant à un appel d’offres international en république du Bénin. Cela est une fierté nationale car l’expertise burkinabè en la matière est reconnue dans la sous-région. Ces marchés au Bénin ont créé des emplois qui ont profité aussi bien à des Burkinabè qu’à des Béninois (cadres, ouvriers, manœuvres). Excellence Monsieur le Premier ministre, en l’espace de deux ans au Bénin, EROH a obtenu des marchés d’un montant total de près de 7 milliards et était préqualifiée pour un autre de 8 milliards.

Les travaux s’exécutaient normalement et les salaires payés, jusqu’en février 2004, alors que les travailleurs avaient fourni le meilleur d’eux-mêmes dans la forêt de la Pendjari avec pour seuls compagnons les fauves et autres animaux sauvages. Nos familles et nous sommes restés trois mois sans salaires et à l’étranger (pour les travailleurs burkinabè). Excellence Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez imaginer la souffrance endurée par les ouvriers, manœuvres et cadres de la société. La cause de l’arrêt des travaux et du paiement des salaires était tout simplement le fait de la BIB, qui se refusait à laisser l’entreprise disposer du paiement des décomptes d’une part, et d’autre part d’accompagner son partenaire dans l’exécution du marché, alors qu’elle y était tenue. Excellence Monsieur le Premier ministre, nous n’avons pas la prétention, ni les prérogatives pour refaire le procès. Le Burkina Faso, notre Faso à tous, est un Etat de droit et nous sommes tous fiers de notre appartenance à ce pays-là ! Aussi, il y a la séparation des pouvoirs, et les institutions républicaines existent pour marquer cette séparation des pouvoirs. C’est pourquoi, Excellence Monsieur le Premier ministre, nous ne comprenons pas votre réponse à la question sur l’inexécution d’une décision de justice par la BIB-UBA qui doit plus de 3 milliards à EROH.

Pour votre gouverne, Monsieur le Premier ministre, sachez que ces montants sont dus à EROH à titre de réparation pour des préjudices subis, et ce, conformément aux lois de la République. Toutes les instances juridictionnelles ont connu du dossier, Tribunal de grande instance de Ouagadougou, Cour d’appel de Ouagadougou, Cour de cassation du Burkina, Conseil constitutionnel, Cour commune de Justice et d’Arbitrage d’Abidjan (C.C.J.A.). Et EROH en est sortie victorieuse, tel David contre Goliath ! Les décisions rendues par ces juridictions et hautes juridictions n’ont-elles aucune portée ou aucune valeur ? Ou est-ce que la BIB-UBA est tout simplement au-dessus des lois du Faso ? Nous, travailleurs et ex-travailleurs de EROH, nous avons nos arriérés de salaires qui sont compris dans la réparation dus par la BIB-UBA. Ce qui fait de nous des créanciers indirects tout comme les Etats burkinabè et béninois, les prestataires externes, tous créanciers de EROH.

Aujourd’hui, votre intervention couvre la BIB-UBA d’une immunité de fait, sauf si nos esprits embrouillés par la faim et les angoisses l’ont mal comprise. Excellence Monsieur le Premier ministre, cela fait plus de deux ans que les travailleurs de EROH n’ont touché le moindre salaire, ils vivotent et conjuguent la galère au quotidien avec pour seul et unique soutien l’Eternel Dieu ! Nos familles ont faim ! Nous sommes menacés d’expulsions par nos bailleurs, nos enfants n’iront certainement pas à l’école parce que la BIB-UBA a obtenu un an de délai de grâce en plus du sursis qui a duré 2 ans ! Que devons-nous faire ? Nous pendre ? Ou faire un suicide collectif pour que vive la BIB-UBA ? Sommes-nous des êtres inférieurs ? des citoyens de seconde zone ? n’avons-nous pas également droit à la protection de la loi ? Monsieur le Premier ministre, que vaut donc la formule exécutoire édictée "au nom du peuple burkinabè" ?

Vaut–elle pour les uns et pas pour les autres ? Avez-vous idée du nombre de veuves et d’orphelins mis à la rue sans pitié à cause de cette formule par la BIB-UBA ? La BIB ne vend-elle pas les propriétés de ses débiteurs chaque jour que Dieu crée, alors même qu’elle n’en construit pas, parce que seulement une décision judiciaire lui en donne le droit ? Pourquoi donc ne veut-elle pas exécuter la décision de justice prise en son encontre, alors qu’elle y a été invitée à l’amiable ? C’est probablement avec la bénédiction des autorités puisque même la force républicaine est refusée à EROH pour assister l’huissier de justice en charge de l’exécution. Et pire, toutes les mesures d’exécution entreprises par EROH sont annulées avec une célérité extraordinaire par le juge de l’exécution depuis l’avènement de l’arrêt de la Cour de cassation du Burkina Faso le 14 mai 2009.

Le pauvre n’a pas d’autre secours que Dieu ! Le recours légal à la loi lui étant refusé. Une chose est sûre, nous, travailleurs et ex-travailleurs de EROH, comprenons que la couleur rouge actuelle de la BIB et sur ses fanions qui flottent sur les villes du Burkina, c’est la couleur de notre sang et du sang de nos familles sucés par la BIB qui la rend si vive ! Excellence Monsieur le Premier ministre, la loi de la République doit s’appliquer à tous avec la même rigueur. Si EROH avait perdu son procès, elle allait s’exécuter ou être exécutée dans le silence absolu sans le moindre secours ou recours possible. Nous, travailleurs et ex-travailleurs de EROH, Burkinabè et Béninois, sommes déterminés à réclamer nos dus jusqu’au dernier sous, même au péril de nos vies, car c’est la sueur de nos fronts, des souffrances endurées dans la forêt pour la recherche de nos pitances quotidiennes. Nous sommes pour la majorité jeunes, et c’est nous qui subvenions aux besoins de nos familles (ascendants et descendants), sans fortune.

Si nous sacrifier doit faire vivre la BIB-UBA, alors, autant que l’exécution soit publique. Pour ce faire, nous prenons l’opinion publique nationale et internationale - les différentes communautés religieuses, les chancelleries des pays amis du Burkina - comme témoin de la souffrance que vivent les travailleurs et ex-travailleurs de EROH, ainsi que leurs familles. Excellence Monsieur le Premier ministre, nous vous interpellons, afin que nous puissions rentrer dans nos droits, car, maintenant, il ne s’agit pas de rendre le droit, c’est déjà fait ! Il s’agit de l’exécution d’une décision de justice, et ça c’est du ressort de l’exécutif dont vous êtes le chef ! Nous en appelons à la Constitution et à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, laquelle fait partie intégrante de la Constitution, et à tous instruments relatifs aux droits humains auxquels le Burkina a souscrit.

Et plus précisément à l’article 29 du traité de l’OHADA. Excellence Monsieur le Premier ministre, le fait est que si la BIB-UBA paie sa créance, elle ne mourra pas (elle l’a affirmé elle-même), mais si elle ne paie pas, c’est nous qui mourront. Quelle sera alors la raison de notre sacrifice ? Peut-être nos enfants et ayants droit auront-ils la réponse à cette question un jour ? Les travailleurs et ex-travailleurs de EROH, EROH elle-même et ses autres créanciers sont-ils sacrifiés pour l’intérêt supérieur de la nation ou pour des intérêts égoïstes ? Nous espérons enfin, que notre cri du cœur et de détresse sera entendu par le premier magistrat du pays, garant d’une justice égale pour tous, et soucieux de la paix sociale. Que Dieu sauve les travailleurs et ex-travailleurs de EROH ainsi que leurs familles ! Que Dieu bénisse le Burkina, qu’il éclaire et guide ses dirigeants. Amen."

Les représentants des travailleurs et ex-travailleurs

Yaya KONATE Ibrahim N. PARAISO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 26 juin 2009 à 11:08, par cire En réponse à : AFFAIRE EROH - BIB : Des travailleurs interpellent le Premier ministre

    Ce que je lis est vraiment revoltant. L’état doit prendre ses responsabilités.Moi j’ai foie en Tertius Zongo, je suis sur qu’il fera quelque chose.
    Il ya le cas des agents de la SAP Olympic, de SOSUCO etc.. qui ont licencié abusivement parce qu’ils ont grévés, c’a fait douze ans, la justice leur a donné raison, les sociétés refusent de les dedommager, l’Etat Burkinabè ne dit rien. Vous voyer comment on crée des "Al Kaïda" dans les pays.

    • Le 26 juin 2009 à 21:28, par Paris Rawa En réponse à : AFFAIRE EROH - BIB : Des travailleurs interpellent le Premier ministre

      Avec ça on va encore nous bassine de beaux discours sur l’éradication de la corruption ou de la pauvreté. Peut-être veut-on éradiquer plutôt les victimes de la corruption et de la pauvreté : ne se trompererait-on pas de lutte ?

      Un conseil de bon sens à la BIB-UBA : tout établissement bancaire doit son succès et sa survie à la confiance que lui font ses clients ; la BIB a donc intérêt à ne pas retarder inutilement l’exécution de la décision de justice, sinon elle risquerait de perdre la confiance à ses clients qui peuvent craindre d’être un jour victime d’une malveillance de sa part. Et ce n’est pas la concurrence qui manque dans le domaine bancaire au Burkina ; et rien de plus tentant que de fuir une banque qui donne l’impression de vouloir abuser de ses clients, même après avoir perdu un procès. De toute façon, chacun protège et défend ses intérêts comme il peut.

  • Le 26 juin 2009 à 11:10, par kindamoussa En réponse à : AFFAIRE EROH - BIB : Des travailleurs interpellent le Premier ministre

    Bonjour
    que Dieu entend leurs prières,mon pauvre burkina.
    Ce que mes frères n’ont pas compris qui dit BIB parle de nos chères dirigeants,c’est leurs banque.Est ce qu’ils ont besoin que nous mangeons,ils s’en foutes de nous.
    Inch Allha ca va changé !!!!!!!!!!!!!!!

  • Le 28 juin 2009 à 13:09, par Un fervent défenseur du "Pays des Hommes intègres" En réponse à : AFFAIRE EROH - BIB : Des travailleurs interpellent le Premier ministre

    Cette affaire EROH-BIB est révelateur du degré d’enracinement de l’impunité et de mal gouvernance qui gangrène notre pays et l’empêche véritablement de décoller.

    Quelle image d’Etat démacratique le Burkina Faso peut-il donner si après qu’un différend commercial ait été tranché par tous les degrés de juridiction de notre pays, la partie dont les droits ont été juridictionnellement confirmés peine à voir un début d’exécution de la décision ?

    Les ex-travailleurs de l’entreprise EROH ont pleinement raison de lever la voix et de s’adresser directement au Premier Ministre et au chef de l’Etat. Cette affaire va leur pendre au nez, comme tant d’autres, jusqu’à la fin des temps, "la fin de leur temps à eux", dans le registre de la corruption, l’injustice, la malgouvernance et l’impunité, s’ils ne se décident pas à s’attaquer à ce cancer qui se généralise. L’issue d’un cancer généralisée est bien connu de tous...

    Tout le monde sait dans quel état de mauvaise gestion, de trafics en tout genre, de connexions quasi-mafieuses dans lequel se trouvait la BIB à la vaille de son rachat par UBA. Si cette dernière pense à coup de pub se refaire une nouvelle image, elle ferait mieux de commencer par se débarasser des casseroles que lui ont refilés les dirigeants de la boite, ex-PDG en tête.

    Chacun doit répondre tôt ou tard de ses actes, de sa gestion, de sa mal gouvernance. Si l’Etat estime que la BIB a été bien gérée jusqu’à sa cession au groupe UBA, qu’il paie les ardoises laissées. Dans le cas contraire, les fraudes et fautes de gestion doivent être poursuivies et sévèrement punies !!!

    Courage aux ex-travailleurs et à leurs familles et ayants-droits car quelle que soit la durée de la nuit, le jour fini par se lever !!!

    A bon entendeur, salut !

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