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Mauritanie : Attention aux accords sans lendemains !

Publié le mercredi 24 juin 2009 à 04h31min

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L’année dernière, plus précisément le 6 août 2008, le général Mohamed Ould Aziz déposait, par un coup d’Etat, son compatriote le président mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, élu démocratiquement, on le sait en mars 2007, avec plus 52 % des voix. L’élection de ce dernier constituait, croyait-on à l’époque, un renouveau démocratique.

Mais hélas, mille fois hélas ! La Mauritanie vit depuis bientôt un an dans une crise politique. Quelques soient les raisons du changement brusque, c’est une situation anormale, et en république il faut vite rétablir l’ordre constitutionnel. Ce qui n’est pas toujours aisé, surtout que, dans la plupart des cas, ceux qui prennent le pouvoir manu militari rechignent à en lâcher les rênes contre vents et marées. L’homme fort de Nouakchott, notre général Ould Aziz, veut donc garder sa « chose ». Mais il faut le faire dans les règles de l’art, en organisant des élections… libres et transparentes.

Le problème dans tout ça, c’est qu’il y a des préalables à négocier. D’abord, il n’est pas question qu’un putschiste veuille participer à des élections ; la Charte africaine pour la démocratie, les élections et la bonne gouvernance, en son article 25, est formelle sur ce sujet : « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne peuvent ni participer aux élections organisées pour la restauration de l’ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans leurs Etats ». C’est bien beau, ça ! Ensuite, il faut accepter une telle disposition. Mais quand on est un général avec suffisamment de culot, et qu’on se trouve sous nos tropiques, on peut faire fi de tout cela.

Enfin, il faut que ceux d’en face aient aussi du cran pour espérer contraindre leur vis-à-vis, avec l’aide de la pression de l’opinion nationale et internationale, à lâcher prise. Le général Mohamed Ould Aziz a déjà goûté aux délices du pouvoir et il veut donc y rester. On en est arrivé ainsi aux négociations afin de sortir de la crise dont il faut craindre qu’elle ne perdure. Une crainte qui commence à s’installer durablement dans les esprits, à en juger par les difficultés des protagonistes à s’entendre sur l’essentiel : aller à l’élection. Le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, s’était proposé, dès le début cette crise, d’obtenir un accord politique acceptable par toutes les parties.

Il a pu obtenir la signature d’un accord chez lui à Dakar, notamment la formation d’un gouvernement de transition et le report de la date du scrutin qui était initialement prévu pour le 6 juin dernier (NDLR : nous étions le 23 juin quand nous tracions ces lignes), et qui est renvoyé au 18 juillet prochain. On s’était surpris alors à se frotter les mains de satisfaction et à regarder le chef de l’Etat du Sénégal, grand initiateur des négociations intermauritaniennes, boire son petit lait, lui dont le mérite est de toujours vendre ses bons offices à qui veut les acheter. Il faut donc lui rendre grâce. Mais le constat ces derniers temps est que les choses bougent lentement, pire, ça piétine. Et revoilà les protagonistes de la crise mauritanienne de nouveau à Dakar.

La principale pierre d’achoppement, l’avenir du Haut Conseil d’Etat (HCE), dont les partis d’opposition réclamaient la dissolution, et qui, finalement, muerait en Conseil supérieur de défense nationale (CSDN). Les relations entre le gouvernement de transition et l’ancienne junte se jouent également à cet autre round de négociations dans la capitale sénégalaise, où les parties prenantes se sont retrouvées depuis lundi.

A moins d’un mois de la tenue du scrutin, rien n’est encore joué, surtout que les positions ne sont toujours pas conciliées : Sidi Ould Cheikh Abdallahi, l’ancien président qui a été débarqué par Mohamed Ould Aziz, n’en démord pas, lui qui réclame la dissolution de la junte, condition pour qu’il renonce à sa fonction, et donc pour qu’il y ait le premier tour de la présidentielle de juillet prochain. A l’allure où vont les choses, on risque de tomber dans une situation comme celle de la Côte d’Ivoire. Ainsi, après Dakar I, Dakar II, on aura Dakar III, jusqu’à ce qu’un autre médiateur ou facilitateur prenne le relai. Et bonjour les accords sans lendemains ! Il reste donc à souhaiter que le président Wade réussisse sa médiation, afin que la Mauritanie retrouve la voie de la démocratie.

Agnan Kayorgo

L’Observateur Paalga

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