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Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

Publié le mercredi 24 juin 2009 à 04h30min

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Dans l’Observateur paalga n°7405 du jeudi 18 juin dernier, la relation d’un fait divers a attiré notre attention : il s’agit de cette rivalité entre Nassita Tanou et Fati Zoungrana, les deux coépouses de M. Konaté, qui a entraîné la cécité de la seconde. En journalisme, comme les lecteurs ont pu le constater dans le journal, de telles choses font partie de la rubrique des faits divers.

Ce statut, qui est juste une affaire de genre rédactionnel, n’enlève rien au caractère sérieux du problème. Dans la mesure où les lignes qui suivent peuvent être considérées par certains comme un procès fait à la polygamie, il faut noter que le cas des époux Konaté n’est peut-être pas le “bon” exemple, car N. Tanou est, semble-t-il, stérile et qu’elle était amie avec F. Zoungrana, ce qui commande beaucoup de prudence. N’empêche, c’est quand même un bon prétexte pour évoquer le sujet.

Cette histoire dont le théâtre a été Bobo-Dioulasso et qui se termine à Ouagadougou pour l’instant avec le déplacement de M. Konaté et de son épouse N. Tanou dans cette ville rappelle ce que la polygamie (en fait la polygynie dans notre cas), pour reprendre le mot employé par les textes au Burkina, peut avoir comme conséquence sur la vie des foyers et des individus vivant sous ce statut. Dans d’autres cas, ces rivalités entre coépouses ont abouti à l’élimination physique soit de l’une des épouses, soit de l’époux.

C’est pourquoi, en dépit du caractère sensible du sujet, il y a lieu d‘en parler, car une société soucieuse de son devenir ne doit pas avoir honte de parler à elle-même, de se mirer et de s’écouter. Il est une évidence que c’est une institution sociale que même une religion comme le christianisme n’a pas réussi à éradiquer parmi ses fidèles malgré la panoplie de sanctions qu’ils encourent. Dans bien de situations, si les hommes ne sont pas polygames de droit, ils le sont de fait avec deux ou trois femmes à la maison ou dans des habitations différentes.

Bien entendu, l’héritage que nous ont légué nos ascendants n’est pas étranger à ce phénomène. En effet, même ceux qui ne sont pas nés dans une famille polygame sont certainement descendants d’une famille polygame au deuxième ou au troisième degré. En outre, dans une société créée surtout par les hommes et pour les hommes, avoir plusieurs épouses est chose normale dans les milieux traditionnels et islamisés. Toutefois, pour ce qui est des pays musulmans, il faut dire qu’ils sont nombreux à autoriser la polygynie sans néanmoins l’encourager. C’est le cas non seulement de la totalité des pays à forte population musulmane, à l’exception de la Turquie et de la Tunisie, l’ayant interdite en 1957.

Chez les chrétiens, cela fait l’objet de réprimande même si ceux qui s’adonnent à la polygamie ne sont pas frappés d’un ostracisme insupportable. Ces réalités font qu’émettre un jugement défavorable à la polygamie entraîne dans la plupart des milieux soit l’indignation, soit les contradictions systématiques, soit des moqueries. Surtout que la monogamie stricte n’existe que dans les sociétés qui, en même temps qu’elles interdisent la polygamie, interdisent le divorce : en effet, les sociétés (comme les sociétés occidentales qui nous servent de boussoles) qui ont opté pour la licité du divorce ne sont pas monogames, permettant de fait une polygamie sérielle ou successive. Par ailleurs, le fait que polygamie rime avec instinct de reproduction et instinct sexuel ne facilite pas les choses, car ces deux types d’instinct relève des besoins biologiques primaires du genre humain que le sexe masculin domine à la perfection malgré tout ce qui se fait de nos jours pour rééquilibrer la balance.

Aujourd’hui, la généralisation du modèle occidental, qui met l’individu, ses émotions, ses désirs et ses goûts au centre des préoccupations, engendre comme conséquences de plus en plus de réticence (et avec raison) chez les femmes à supporter la polygamie. Une réticence qui, il faut le préciser, n’a pas vu le jour avec ce modèle occidental dans la mesure où, même dans le reste du règne animal, des scènes de jalousie de certaines femelles sont bien constatables. C’est donc dire que l’idée selon laquelle dans nos sociétés jadis traditionnelles les coépouses vivaient en parfaite harmonie n’est que pure fantasme d’ethnologue. Les histoires racontées pas les hommes et les chansons des femmes écrasant traditionnellement le mil sont là pour en témoigner. La particularité aujourd’hui est que l’antipolygamie a plus de résonnance qu’hier.

Comment, dans cet environnement, ne pas comprendre la jalousie des femmes quand on sait par ailleurs que les hommes sont si jaloux que, dans certaines de nos sociétés, tuer sa femme (parce qu’elle l’a trompé) ou son rival était un acte digne de respect de la part des autres. En fait, cette jalousie qui est, dans bien des cas, considérée a priori comme une émotion malsaine est une émotion au même titre que les autres. En soi, elle n’est ni bonne ni mauvaise. Elle nous renseigne, à l’instar des autres émotions, sur nos attentes, nos besoins. Ce qui doit être en cause, ce sont plutôt les comportements dangereux qu’elle engendre et, il ne faut pas l’oublier, les causes de son avènement.

Dans le cas de Bobo-Dioulasso, la cécité de F. Zoungrana symbolise la conséquence de ce comportement dangereux. Seulement, ce qu’il faut souligner aussi, c’est que c’est le fait que M. Konaté est polygame, quelle que soit la raison qui l’a amené à vivre sous ce régime (à savoir la stérilité de N. Tanou), qui a conduit à cette situation. On nous rétorquera peut-être que c’est parce que la victime a accepté d’épouser en droit ou en fait un homme qui vivait déjà avec une femme que cela lui est arrivé. Ce raisonnement simpliste ne tient pas compte des réalités sociales et économiques que vivent nombre de femmes et qui font qu’elles sont prêtes à accepter n’importe quoi. Si l’on s’en tient à ce qu’on entend çà et là, les victimes affectives et parfois physiques des conséquences de la polygamie sont d’abord les femmes et ensuite leurs enfants. Les coupables de délits ou de crimes, ce sont également les femmes ou leurs enfants.

Pendant ce temps, les hommes sont généralement blancs comme neige et ont rarement affaire à la justice ou à l’action sociale. Le paradoxe, c’est que ce sont ces hommes qui sont en fait responsables de ces situations qui endeuillent parfois des familles ou qui handicapent à vie des personnes que l’on peut qualifier d’innocentes. Avec M. Konaté, ce raisonnement trouve tout à fait sa pertinence ; lui qui, apparemment, n’a pas protégé F. Zoungrana contre sa coépouse, n’a pas répudié cette dernière et, pire, l’a aidée à se soustraire à la justice. Maintenant que la police a mis la main sur la coupable et le responsable, il faut espérer que justice sera rendue même si F. Zoungrana ne retrouvera plus jamais la vue.

Z. K

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 24 juin 2009 à 19:10, par ouedraogo En réponse à : Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

    what are you talking about ? i just want to say shut up,as an african living in west,the debate on that subjet is ipocrisy,because within western societies a persone could have wife at home and grilfriends outside,

  • Le 24 juin 2009 à 20:40, par Nathalie En réponse à : Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

    Ouédraogo tu parles de l´adultère mais pas de la polygamie. C´est pas pareil.

    • Le 25 juin 2009 à 12:14, par William En réponse à : Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

      Et toi Nathalie, es tu contre ou pour la polygamie ? Si oui pourquoi et si non pourquoi ? Je pense que c’est le fond même de la discussion. Je suis par ailleurs d’accord avec toi sur le mis au point que tu as fais à Ouedraogo car polygamie et adultère sont deux choses différentes

    • Le 25 juin 2009 à 18:07 En réponse à : Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

      Nathalie, quelle est la difference en termes pratiques qand la femme a la maison sait qu’elle partage son homme dehors, jusqu’au dela des ressources materielles pour ne pas dire plus ? L’ homme est programme polygame genetiqument. Avez- vous lu L’ anatomie de l’ amour , ce livre ecrit par une femme, Ann Helen Fischer ? L’ homme est plus tente d’aller voir ailluers que la femme et a cette propension a entretenir des harems. C’est trisate mais c’est ca aussi la realite biologique que le social veut reformer. mais je ne suis pas contre cette tentative de reformer le naturel afin que l’ autre moitie du ciel soit aussi heureuse. Mais la, c’est une question bien differente.

      Amicalement

      Ka Yaa Woto

  • Le 10 juillet 2009 à 17:32 En réponse à : Drames dus à la polygamie : Les responsables et les coupables

    en réponse à citoyen , je suis désolé, mais d’aspect positif à la polygamie je n’en connais point. tous les couples qui vivent cela et qui fonctionnent plus ou moins bien sont dirigés par "l’hypocrisie " de nos sociétés traditionnelles où tout doit aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.je ne vais pas entrer dans des débats relatifs au fait que ce soit permis par certaines religions, parce que y entrer c’est stopper le débat (pour moi,on ne discute pas des convictions religieuses). j’use juste de mon regard et de mes sentiments de femme pour affirmer que la polygamie c’est faire violence à la femme.

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