Lefaso.net : Cela va faire bientôt un trimestre que tu séjournes en Allemagne pour raison de formation, peux-tu nous en dire plus ?

Salif Sanfo : En effet je suis ici parce que j’ai réussi, grâce à Dieu, à décrocher une bourse de l’institut Goethe entrant dans le cadre « Initiative Africa » entrepris par le président Allemand Horst Köhler. Je suis donc là en formation pour approfondir mes connaissances en management culturel, pour voir comment les Allemands travaillent en la matière et m’inspirer des bonnes pratiques, mais aussi pour rencontrer des nouveaux partenaires, parler de mon pays, partager mes expériences et travailler sur le networking. Voilà en quelques mots l’objet de ma présence ici !

Lefaso.net : Comment as-tu bénéficié de la bourse pour participer à cette formation ?

SS : Sincèrement ce fut un coup de chance ! Au fait, j’ai été contacté par Damien GLEZ qui est un ami (à qui je dis un merci en passant), qui me demandait si ça m’intéressait de prendre part à une session de formation en management. Au regard de mon background, (parce que j’ai fais des études en communication des entreprises et Relations Publiques à l’Université de Ouagadougou et la gestion des entreprises culturelles à l’Université Senghor d’Alexandrie), il pensait que cela pouvait m’intéresser. Etant toujours prêt pour le renforcement de mes capacités, je n’ai pas hésité ! Par la suite, j’ai une connaissance d’Allemagne qui m’a donné certaines informations sur le projet et j’ai eu par elle, un rendez-vous avec le représentant de l’institut Goethe à Ouagadougou.
A ce rendez-vous, nous avons eu un entretien en Français, ensuite en Anglais puis il a testé mon niveau en allemand. Je ne parle pas bien cette langue mais j’ai gardé quelques notions essentielles de mon secondaire. Après cette étape, je pense que mon curriculum vittae à aussi été pour quelque chose ; en tout cas à l’issue de l’entretien j’étais en partance pour Bruxelles et c’est de là-bas qu’on m’a annoncé que j’avais été retenu pour la formation.

Lefaso.net : Dans quelle langue se déroulait la formation ?

SS : En Anglais pour la phase théorique et en Allemand pour la phase pratique ! Il faut dire que la plupart des participants viennent de pays anglophones d’Afrique. On n’était que trois francophones dont un malgache et un rwandais, les autres venaient du Ghana, Nigéria, Kenya, Uganda, Namibie, Ethiopie, Zanzibar, Malawi, Afrique du sud, Zimbabwe. Les cours étaient donc en Anglais et après les cours chacun devait faire un stage pratique dans une institution culturelle allemande et là il fallait parler la langue de Goethe !

Lefaso.net : Et comment tu t’en es sorti en tant que francophone ?

SS : Pour les cours ça allait, parce que je me suis très tôt intéressé à la langue de Shakespeare et je pense aussi avoir eu de bons professeurs d’anglais. Les débuts étaient un peu difficiles, parce que je réfléchissais d’abord en français avant de pouvoir réagir en anglais et cela me prenait plus de temps que d´habitude, mais après quelques jours c’était bon !
Quant à l’allemand, c’était un peu plus difficile. Avant de venir j’ai pris, grâce au bureau de liaison de Goethe à Ouaga, près de 140 heures de cours d’allemand avec le chef du département des langues germanistiques de l’Université de Ouaga. Cela m’a beaucoup aidé, mais avec l’accent et la rapidité dans la diction, je suis très souvent obligé de faire des : « Wie bitte ? », « langsam bitte ? », « ich habe es nicht verstanden », und so weiter und sofort (rires). Entre temps je me suis retrouvé à parler une nouvelle langue que j’ai nommé le « FRANGLAIMAND », c’est un cocktail de Français, d’Anglais et d’Allemand. Mais au finish tout s’est bien passé. A mon stage par exemple à la maison des cultures du monde de Berlin, mon mentor parlait français et lors de certaines réunions, ils parlaient Anglais pour que je puisse comprendre. Je pense que je m’en suis bien sorti surtout avec un diplôme à la clé !

Lefaso.net : Quels ont été les modules que vous avez abordés et quelles sont les perspectives du projet pour l’implémentation des acquis de cette formation au Burkina Faso.

SS : Avant de répondre je vais profiter pour féliciter à nouveau les organisateurs que sont l’Institut Goethe, inWent et l’Institutfürkulturekonzepte pour le niveau de la formation. Il n’y a rien à dire ! Les quelques ratés sont à la limites des non-évènements au regard de l’ensemble du dispositif organisationnel qui a été mis en place pour nous. Chapeau à eux !

Quand aux modules, ils allaient de la communication à l’économie en passant par le management de projet, le planning stratégique, le marketing des arts et les relations publiques, les ressources humaines, le leadership, le networking, le droit, le Sponsoring etc. On a aussi appris beaucoup d’instruments et des outils pour la performance, l’évaluation, le teambuilding, le fundraising... Sincèrement il y a tellement d’inputs que je ne peux tout citer. En plus des cours par exemple, chaque semaine on avait droit à participer à un évènement culturel, on voyageait chaque week-end dans les grandes villes avec des tours guidés, des visites de musées, …Bref ! Es war ganz gut, comme le disent les allemands !

Pour l’implémentation du projet au Burkina Faso, je suis venu avec un projet de mon organisation Afrik’heur et avec elle nous comptons monter la Maison des Cultures du Monde de Ouagadoudou. Elle va s’appeler « FÔFÔ » et sera en plein cœur de Ouaga à côté du grand marché dont je salut la réouverture.
L’idée est bien apprécié du côté des partenaires allemands et ils sont prêt à le soutenir, la réalisation de « FÔFÔ » serait donc la suite logique de la formation, qui se verra parachevé par un projet concret.

Lefaso.net : Quelle est l´image qu´on a du Burkina en Allemagne ?

Il est difficile pour moi à travers mon bref séjour de répondre à cette question ! Il faut juste reconnaitre qu’à l’évocation du nom du pays, on l’identifie immédiatement à ses grands évènements culturels et les compliments ne tarissent guère. Cela a été une fois de plus renforcé particulièrement à Berlin à travers l´organisation de AFRIKAMERA, un festival qui présente les films primés au Fespaco à la Maison des Cultures du Monde. Cette organisation dirigée par ailleurs par un jeune Burkinabé est reconnue par son savoir faire en management culturel et bien apprécié. Par contre le manque de professionnalisme dans certaines de nos manifestations culturelles entraînent souvent des frustrations et des déceptions aussi bien du côté des partenaires financiers que du public. A mon humble avis le management culturel doit être promu au Burkina pour des prestations culturelles de qualité et dans l’intérêt de tous. On regorge déjà de pas mal de professionnels en la matière, mais à mon avis la demande dépasse l’offre actuellement au regard des défis à relever.
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Lefaso.net : Quel bilan tires-tu de ton séjour en Allemagne ?

SS : Positif ! Je suis très content d’avoir participé à cette formation et j’espère que la suite sera aussi une réussite. Je suis fasciné par la manière dont les allemands gèrent la culture et les arts et surtout leur patrimoine historique. Même les pages sanglantes de l’époque Nazi sont aujourd’hui des produits culturels que des millions de visiteurs viennent voir. Des parties du mur de Berlin sont vendus aux touristes avec plein de produits dérivés,… je trouve particulièrement bien qu’ils assument leur passé, même s’ils ne sont pas fiers de certaines époques comme celle de Hitler et des Nazis, ils ne le nient pas. Je trouve ça louable. J’ai aussi eu la chance de visiter Berlin, Munich, Postdam, Hamburg, Dresden, Bonn. J’ai été à l’Opéra de Dresden où j’ai suivi le « Parsifal » de Richard Wagner, un Opéra qui dure 5h, j’ai visité le mur de Berlin, le « Checkpoint Charlie », etc.. Mon stage à la maison des cultures du monde a été aussi une très belle expérience. J´ai été impliqué dans plusieurs activités où j’ai pu expérimenter mes connaissances liées au montage des projets en passant au Fundraising et la formation des équipes, à l´exécution du projet et à son évaluation. Cela m’a permis de comprendre des choses que j’ignorais ou que je négligeais. Bref, je garde de très bons souvenirs de mon séjour surtout avec un carnet d´adresses bien garni ( Rires)

Lefaso.net : Pas de mauvais souvenirs ?

SS : (hésitations), Si ! Quand même ouais ! En premier le climat parce que ce n’était pas facile les premières semaines (je suis même tombé malade), ensuite la froideur des gens et l’extrême considération des animaux de compagnie comme le chien au détriment d’autrui. Très sincèrement je ne comprends pas ça en tant qu’Africain !
Je garde aussi un très mauvais souvenir d’un concert de musique contemporaine qui m’a donné d’intenses maux de tête et une chair de poule comme je n’en ai jamais eu de ma vie. C’était tellement insupportable pour moi que j’ai quitté la salle avec mon collègue de Zanzibar, d’Ethiopie et d’autres spectateurs qui comme nous devaient être irrités par les bruits de tronçonneuses, de marteau, de sifflet et bien d’autres sons désagréables à l’écoute.

Lefaso.net : Quel est ton dernier mot ?

SS : Pas dernier mot en tout cas, sinon je ne dirais que MERCI ! (sourires), je voulais tout simplement souhaiter bon vent à ce projet et j’espère vivement que les partenaires allemands, comme prévu œuvreront avec nous à la réalisation du projet de la maison des cultures du monde de Ouaga. J’espère aussi que nos autorités seront sensibles à ce projet et qu’ils y apporteront un soutien conséquent. A leur endroit, je formule aussi le vœu que la dimension culturelle soit très sincèrement prise en compte dans les documents de références du pays comme le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP). La culture pour nous doit y être une priorité et des projets et programmes devraient être y développés pour non seulement conforter notre place en la matière sur le continent et surtout pour la pérenniser. Ils font déjà beaucoup pour la culture mais comme le disent souvent les commerçants, « c’est bon, mais ce n’est pas arrivé ! » (Sourires). Je suis plus que convaincu que si au-delà du « soutien », ils décident « d’investir » dans la CULTURE, en faisant d’elle une priorité, avec des objectifs de résultat, des mécanismes de suivi-évaluation et si l’affaire de la CULTURE cesse d’être l’affaire d’un seul ministre pour devenir l’affaire de toute l’action gouvernementale avec des fonds alloués plus conséquents, la mise en place de projets structurants de concert avec le secteur privé et la société civile et le soutien des PTF et des ambassades, nous allons très vite voir les retombées.
C’est mon souhait en tant qu’opérateur privé et acteur de la société civile. Et pour terminer définitivement, félicitations au portail Lefaso.net pour le travail d’information sur le Burkina que vous faites.

Interview réalisée par Alex Moussa SAWADOGO
Lefaso.net
Correspondant en Allemagne