Cette attitude, même si elle est empreinte de provocation, restait dans la limite des prérogatives du chef de l’Etat ivoirien. Le président devait tout de même signer ce décret, consacrant ainsi son autorité. On l’imagine mal laisser cette prérogative à la CENI. C’est en cela que l’ on n’a pas bien compris cette volée de bois vert d’une partie de l’opposition, pour laquelle Gbagbo outrepassait ses prérogatives.

L’essentiel est plutôt ailleurs : organiser les élections avant la fin de l’année. Alassane D. Ouattara semble être l’un de ceux qui ont compris que l’essentiel était la date des élections et non qui la fixerait, entrant ainsi précocement en campagne sur les terres même de Laurent Gbagbo, dans le quartier populaire de Yopougon. Sur proposition donc de la CENI, le conseil des ministres a arrêté la date du 29 novembre. Reste à espérer que, cette fois, cette date ne connaisse pas le sort de la précédente, c’est-à-dire le 30 novembre 2008. Pour le Premier ministre Guillaume Soro, "c’est une date réaliste". Pour la communauté internationale et pour les Ivoiriens, c’est un véritable soulagement que d’avoir maintenant un horizon dégagé. Reste aux acteurs à se concentrer sur la finalisation du recensement des électeurs dont l’enrôlement serait effectif à plus de 70%.

Le compte à rebours a donc commencé avec tout ce que cela comporte d’incertitudes et de calculs politiciens. Depuis 2005, la communauté internationale n’a pu faire entendre raison aux protagonistes de la crise ivoirienne. L’Accord politique de Ouagadougou dont l’élection à venir est l’aboutissement final, connaissait ses premiers vrais balbutiements et atermoiements avec les hésitations sur la tenue ou pas des élections cette année. Le facilitateur Blaise Compaoré retrouve là matière à s’armer de courage et surtout de vigilance pour ne pas échouer si près du but. Le décret pris en conseil des ministres ivoirien ne dit rien sur le reste du processus avant les élections. Ce n’était peut-être pas le lieu. Les jours qui vont suivre éclaireront certainement les gardiens de l’Accord politique de Ouagadougou sur les arbitrages ultimes à faire pour qu’au soir du 29 novembre prochain, la Côte d’ivoire aille voter dans la paix et désigner librement son président de la République. Six mois, c’est court si tout va bien, mais cela risque de paraître une éternité si les acteurs ne jouent pas franc jeu à l’approche de l’épreuve des urnes. Un exercice pour lequel certains ont perdu la main.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays