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PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

Publié le mardi 12 mai 2009 à 01h15min

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Pressé par l’opposition et les partenaires techniques et financiers, Dadis Camara a donc fini par clarifier ses intentions : il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle de Guinée. Sans doute cette déclaration est-elle de nature à rassurer un pan de l’opinion. Mais le nouvel homme fort de Conakry tiendra-t-il parole ? La réalité du terrain et les pratiques en Afrique rendent sceptiques ; les acteurs politiques nous ayant habitués au non-respect de la parole donnée.

Que vaut un serment aujourd’hui sur le continent ? La plupart des dirigeants, civils ou officiers de l’armée, ont pris l’habitude de jurer devant le peuple, de se référer pour cela au Saint Coran, à la Sainte Bible sans pour autant s’exécuter le moment venu. Certes, aucun d’eux n’a jamais tenté de le faire ouvertement devant des fétiches, en s’engageant devant les ancêtres. Les suites auraient pu être différentes. Ces acteurs politiques ont aujourd’hui fini par convaincre l’opinion qu’ils sont incapables de tenir promesse. C’est pourtant le respect de la parole donnée qui a toujours fait la fierté et la grandeur des dirigeants de l’Afrique précoloniale. Dadis Camara lui, voudrait bien résister aux sirènes du pouvoir. Jusqu’à quand tiendra-t-il ? Dans cette option, l’accompagnement des forces vives apparaît indispensable pour éviter tout retournement de situation.

Les dirigeants africains ont, en effet, cessé de convaincre l’opinion de leur bonne foi. La plupart ne respectent jamais leurs engagements. Des précédents existent. La clarification était devenue nécessaire en raison même des hésitations qui ont marqué les premiers pas dans la gestion du pouvoir d’Etat. A l’avènement de la junte, son chef disait avoir besoin de deux ans pour nettoyer la case guinéenne avant tout retour à une vie constitutionnelle normale. Dadis Camara, d’abord désintéressé, avait fini par faire croire qu’il désirait se porter candidat à l’élection présidentielle qu’entend organiser le nouveau pouvoir. Cette précision est consécutive à différentes pressions. Il y a celle exercée à l’intérieur par la classe politique. Mais également, des pressions proviennent de l’extérieur : l’Union africaine (U.A.) et les bailleurs de fonds ne seront pas restés les bras croisés. Quelle peut être la portée d’une telle décision ? L’option de Dadis peut semer le doute, voire du trouble dans le pays.

Au plan politique, ce sera une chance nouvelle pour la démocratie qui n’a jamais été sérieusement respectée en Guinée-Conakry. En même temps, il y a comme péril en la demeure. Le risque est grand en effet, de voir revenir aux affaires les tenants des régimes précédents, et avec en prime les démons du passé. Nombre de ces acteurs politiques ont, par le passé, sevré le pays de ses ressources, favorisé la fuite des cerveaux et hypothéqué l’avenir d’une jeunesse qui a pourtant tant à offrir. Leur retour éventuel compromettrait dangereusement la lutte entamée pour accélérer l’émergence de la Guinée nouvelle. Qu’attendre donc des dirigeants de la junte ? De même qu’elles auront contraint Dadis au renoncement, des pressions internes et même externes peuvent également l’inciter à ne pas tenir parole et donc à chercher à conserver le pouvoir. L’expérience montre que dans les Républiques bananières, l’entourage du prince prend rapidement goût aux privilèges.

Il n’hésite point à s’accrocher au pouvoir désespérément quand sonne l’heure du départ. Pour parvenir à ses fins, il se fait échafauder hâtivement des textes juridiquement bien ficelés quoique laids d’un point de vue éthique. Bien vite, le maître des lieux devient prisonnier de la meute de courtisans qui lui confectionnent un corset dont il aura toujours du mal à se défaire. On agira alors au nom de la démocratie républicaine. Plutôt au nom des seuls intérêts des thuriféraires du régime. Dans l’impunité et, par la suite, dans l’indifférence de ceux qui redoutent le courroux du chef. Dadis devra donc ouvrir l’œil et le bon. Sans verser cependant dans la "complotite" comme certains de ses prédécesseurs. Enfin, il y a le scénario de ceux qui partent pour mieux rebondir. Il faut alors parier sur l’échec de ceux qu’on a aidés à conquérir le pouvoir. Or, la réalité de la Guinée d’aujourd’hui dépasse l’entendement. Pays immensément riche, il se classe parmi les derniers du continent du fait de la démission de générations successives de politiciens égoïstes et apatrides. C’est dire combien les attentes sont grandes.

Le chef de la junte et ses amis peuvent donc caresser le rêve secret de revenir un jour occuper le fauteuil du commandement. Comme certains de ses prédécesseurs dont John Jerry Rawlings du Ghana et Amadou Toumani Touré du Mali. Pourquoi donc le jeune chef de la junte guinéenne ne caresserait-il pas le rêve de revenir un jour, aidé de ses amis, pour poursuivre le nettoyage des écuries ? La pourriture a si envahi le pays que le travail qui reste à faire est immense. En cédant le pouvoir, Dadis et les siens n’auront-ils pas le sentiment d’avoir abandonné une oeuvre inachevée ? Après des décennies de retard, les Guinéens, dans leur grande majorité, hormis une partie de la classe politique, n’auraient peut-être trouvé aucun inconvénient à laisser la junte nettoyer les écuries afin d’éviter que les mêmes ne reviennent aux affaires.

Ce classique, on l’a toujours vécu d’un bout à l’autre du continent. Certes, il faut fermer la parenthèse de la transition. Mais la réalité du terrain montre que des préalables sont toujours indispensables. Des élections dans des délais aussi brefs, cela n’augure rien de bon pour le futur de la Guinée. En la matière, Dadis aura certainement joué sa partition. Mais quel type de régime les Guinéens feront-ils émerger des urnes dans les prochains mois ? Le successeur de Dadis Camara voudra-t-il ou pourra-t-il poursuivre l’œuvre gigantesque de réhabilitation ? De quelle manière ? Cette présidentielle qui est attendue, suscite donc bien des interrogations. Et le doute reste toujours permis quant aux engagements pris par Dadis Camara.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 12 mai 2009 à 11:38, par Kiserbo En réponse à : PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

    Ça sera la première fois en Guinée de voir un ancien presi.Ce homme respectera parole et sera l’un des grand Hommes de notre histoire.Si un inconscient prenait ce pouvoir,on ne parlerait pas ce langage aujourd’hui.Merci à tous

  • Le 12 mai 2009 à 12:38 En réponse à : PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

    Je pense sincèrement qu’il faut donner le temps au jeune capitaine de nettoyer la cour avant de faire les élections. Dans tous les cas, il tiendra parole mais n’oubliez surtout pas qu’il demande 2 ans pour mettre de l’ordre et s’en aller. Alors halte la Communauté Internationale de faire pression sur lui. C’est d’ailleurs cette pression qu’on essaie de lui infliger qui l’a amené à dire qu’il se présentera à l’élection.

    • Le 12 mai 2009 à 16:06, par wend waoga En réponse à : PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

      Personnellement,quand je pense à ce therme,DÉMOCRATIE en Afrique je tremble,quoi qu’au départ la démocratie est faite pour faire les choses dans l’ordre !En effet,la démocratie sonne en Afrique comme une pratique qui ouvre la voie à des endettements sans fins et pour rien,car les pauvres ne cessant pas de s’appauvrir,et les riches qui n’en finissent pas de s’enrichir !Ces partenaires internationaux qui font la pression pour que la chose s’installe ne sont vraiment actifs que tant qu’elle ne l’est pas encore !Une fois la PRÉTENDUE RÉPUBLIQUE installée,les dirigents peuvent se livrer à tous les crimes que l’on peut s’imaginer,ils s’en foutent !Pire,pendant que les populations ne sauront pas à quel saint se vouer,faute de bonne gouvernance,c’est eux-meme qui vont venir nous chanter des mélodies dignes du BARDE ASSURANCETOURIX,que "En matière de gouvernance,votre pays figure en bonne place !"(sic)...Personnellement,je ne verrais pas d’inconvéniens à un régime DADIS,si celui-ci a comme cheval de bataille,la mise d’accent sur le dévéloppement scientifique en mettant les moyens qu’il faut à la disposition des profs et des étudiants intervenant dans le domaine,au lieu de se construire,lui et ses ministres,des PALACES et des CHATEAUX à l’extérieur,une ALPHABÉTISATION MASSIVE,une véritable éducation des populations en matière de CITOYENNÉTÉ et une bataille sans faille pour que le domaine de la santé soit maitrisé !Allions-nous lui renier ces qualités parceque son régime n’est pas DÉMOCRATIQUE ?

  • Le 12 mai 2009 à 14:17, par Daouda En réponse à : doucement ... attendons de voir

    attendons de voir.

    Premier Gaou n’es pas Gaou

    On a vu ailleurs certains qui bien que dans la même lancée au départ ont dévié.

    On a l’impression que le pouvoir fait mentir donc soyons patient.

    Bonne lecture

  • Le 12 mai 2009 à 15:58 En réponse à : PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

    a mon avis le serieux et la sincerité de dadis ne sont pas etrangers a la "pression". Ils genent certains qui voient d’un mauvais un certain capitaine qui voudrait faire quelque chose et semble sincere et serieux. Il pourrait donner des idees a d’autres et d’ailleurs certains parlaient deja d’un nouveau sankara. Aie !! ca fait peur !
    mahdou

    • Le 22 mai 2009 à 20:07, par Vision En réponse à : PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Que vaut la parole de Dadis ?

      S’il te plait, ne compare plus Daddis à Sankara. Ca sera insulter la mémoire de sankara. Sankara avait de la suite dans ses idées et ne s’exprimait pas dans un français aproximatif.

      Quant à la confiance qu’on peut placer en ses paroles, let’s wait and see !

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