Que de méticulosités ! Ponctualité dans l’ouverture de la cérémonie intervenue à 15 heures pile. Règlement intérieur « qui s’impose d’entrée de jeu à tous ». Cooptation comme critère de participation. Classification des participants en membres, invités ou observateurs. Et surtout, moult précisions sur les tenants et les aboutissants d’un aréopage de citoyens, objet de toutes les conjectures. « Le forum constitue une simple réunion publique régie par les dispositions de la loi portant liberté de réunion et ne dispose de ce fait d’aucune personnalité juridique ; il n’est ni une association ni un parti politique et ne constitue en aucun cas une assemblée générale constitutive d’une entité juridique quelconque ».

Mises au point du conseil du forum, maître Prosper Farama, devant une assistance hétéroclite où cohabitent membres du corps diplomatique et représentants d’organisations internationales, paysans et élites intellectuelles, émissaires de la société civile et acteurs politiques. Parmi ces derniers on reconnaît Marc Oubkiri Yao et son condisciple, René Emile Kaboré, deux des six démissionnaires du CDP. Si ce parti, puisqu’on en parle, et l’ensemble de la mouvance présidentielle ont boudé ce comice sur l’alternance, l’opposition, même si c’est en rangs dispersés, y était représentée par une bonne brochette de minci dominici : Philippe Ouédraogo du PDS, Issa Tiendrébéogo du GDP, Hubert Bazié de l’UPS, et Valère Somé badgé CDS, mais qui affirme ne plus appartenir à aucune chapelle politique.

Organisé autour du thème central : « L’alternance : un fondement de la démocratie », le forum a traité, bien sûr, des questions liées à la vie politique nationale, mais s’est aussi penché sur la « société burkinabé en crise » et sur la situation socio-économique du pays. Son diagnostic a été sans complaisance. « Le plus important pour nous, c’est que ce forum soit l’occasion pour chacun d’entre vous de s’instruire davantage sur la question de l’alternance, de raffermir ses convictions, de se motiver encore plus et de se convaincre qu’il peut et doit s’engager dans le combat démocratique pour réaliser l’alternance dans notre pays », a expliqué l’initiateur et président du forum, Zéphirin Diabré. Simplement vêtu de bazin, le ton posé et le regard aussi expressif que chargé de réprobation, il multiplie les critiques contre le mode actuel de gestion du pouvoir.

« Les membres de ce mouvement sont habités par la conviction très profonde que toute démocratie reste inachevée tant qu’elle n’a pas produit une alternance. Notre démocratie appartient à cette catégorie ». Plus loin, le chairman Afrique et Moyen Orient du groupe français AREVA, s’indigne de « l’incapacité notoire de notre politique de développement à éliminer la pauvreté et s’insurge contre les comportements de prédation qui ont cours à tous les niveaux de responsabilité publique : « Cette soif [d’alternance] se nourrit aussi d’un grand sentiment d’injustice qui risque de mettre à mal notre fragile équilibre social.

Ceux qui travaillent à la sueur de leur front et à la force de leurs poignets, sont révoltés de voir que d’autres, nullement plus méritants, mais simplement assis à la bonne place, ou titulaires de bonnes relations et de bonnes protections, prennent comme un ascenseur spécial à grande vitesse vers l’enrichissement. Ils sont choqués de voir combien l’Etat, notre bien commun à tous, est devenu un instrument d’enrichissement aux mains de gens promus uniquement sur la base de relations de concussion et dont l’énergie se dépense plus dans les surfacturations de marchés que dans la conduite laborieuse de nos chantiers de développement ». Tonnerre d’applaudissements dans la salle (1).

Réquisitoire poursuivi par le président de la commission « questions politiques », Louis Armand Ouali, dans son rapport introductif aux débats. « L’exercice d’un pouvoir personnel et d’inspiration monarchique », « L’influence familiale et clanique illustrée par le rôle quasi officiel joué par le frère cadet du chef de l’Etat », « La collusion avec les puissances d’argent », « L’hyperprésidentialisme qui laisse peu de place au Premier ministre et au gouvernement » ont été énumérés comme autant d’obstacles à la réalisation de l’alternance démocratique au Pays des hommes intègres.

Alain Saint Robespierre & Hamidou Ouédraogo

L’Observateur Paalga