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Alphonse Kadjo, D.G. de BIB-UBA : « Il n’est plus question de prêter à ceux qui ne remboursent pas »

Publié le mercredi 29 avril 2009 à 02h18min

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Sous ses dehors affables d’enfant de chœur, Alphonse Kadjo semble avoir, pour faire cliché, une main de fer dans un gant de velours. Le débit est posé mais le ton est ferme. Il est vrai que de la fermeté, cet Ivoirien, né il y a 45 ans à Abidjan d’un père Agni de Mafféré (Aboisso) et d’une mère Baoulé d’Essekro (Dimbokro), en aura besoin pour mener à bon port sa barque en pleine restructuration.

Car la Banque internationale du Burkina (BIB), qui fait partie de la grande famille de United bank for Africa (UBA) depuis que l’Etat lui a cédé 37% de ses parts à travers une convention signée le 30 novembre 2007, est en plein chantier. Un chamboulement à près de 80% qui va toucher aussi bien l’organigramme et la gestion de l’espace que le système d’information, la gestion du crédit, la couverture médicale des agents, etc. Tout se passe comme si le géant était si endormi que ses nouveaux médecins nigérians jugent vital de lui administrer une thérapie de cheval pour qu’il retrouve toute sa vigueur et soit plus conquérant. Il faudra pourtant à son patron à la fois du courage, de la patience, du doigté et de la persuasion pour conduire sa petite révolution. Alphonse Kadjo en a conscience (et comment !), mais à l’entendre, il n’est pas homme à abdiquer au premier obstacle. C’est ce qu’il nous a laissé entrevoir dans l’entretien qui suit, réalisé à Abidjan en deux temps à cause d’un agenda surbooké.

Pour quelles raisons avez-vous accepté d’être le sponsor officiel de la Semaine commerciale du Burkina qui se tient à Abidjan du 24 au 30 avril 2009 ?

• Il est d’abord important de rappeler que la BIB est la première banque du Burkina ; qu’elle est membre du groupe UBA, qui est la plus grande banque d’Afrique de l’Ouest. Il est aussi important de souligner le cadre dans lequel se tient la semaine commerciale du Burkina en Côte d’Ivoire qui est la matérialisation sur le terrain du Traité d’amitié et de coopération conclu en juillet 2008 entre les deux pays à l’occasion de la visite à Ouaga du président Laurent Gbagbo. Et en tant que première banque, il était important que nous nous associions pleinement à l’organisation de cette manifestation, que nous puissions y jouer les premiers rôles. Voilà les raisons qui ont dicté notre décision d’en être le sponsor officiel.

C’est aussi l’occasion pour vous d’aller à la rencontre des Burkinabè de Côte d’Ivoire, aussi bien ceux d’Abidjan que de l’intérieur du pays. Quels objectifs visez-vous précisément à travers cette campagne ?

• Nous visons dans un premier temps à nous rapprocher de notre clientèle de la diaspora burkinabè ; à en profiter pour leur donner la bonne information au sujet des changements intervenus à la BIB, qui ont fait l’objet de moult commentaires, et matérialiser le fait que la BIB appartient désormais au groupe UBA. Vous avez d’ailleurs remarqué la présence à nos côtés du DG adjoint de UBA Côte d’Ivoire qui est notre partenaire dans le cadre de l’opération « Compte d’épargne diaspora » et « transfert de fonds diaspora ». Nous venons donc porter l’information et réchauffer les relations avec les Burkinabè de Côte d’Ivoire qui constituent une clientèle privilégiée pour nous.

Avez-vous une idée précise ou, à défaut, une estimation de la population concernée par la présente campagne ?

• Les chiffres officiels indiquent qu’il y a à peu près 3 millions de Burkinabè en Côte d’Ivoire dont une bonne partie est concentrée dans le Sud-Ouest dans les plantations de café-cacao. C’est pour cela que nous avions ciblé notre action par là. Nous avons environ 20 000 clients de la diaspora actuellement. Et nous sommes persuadés qu’en démocratisant la banque comme nous voulons le faire à travers les produits que nous proposons, ce chiffre peut très rapidement être multiplié pour le bonheur des populations.

Ce n’est pas la première fois que la BIB organise une telle caravane. Avez-vous pris le soin de faire le bilan des campagnes précédentes pour rectifier le tir là où il y a lieu ?

• Avant de s’engager dans de telles opérations, il faut effectivement faire le point pour nous assurer qu’en venant, nous apportons une valeur ajoutée. Donc oui, nous avons tiré le bilan des campagnes précédentes et c’est pour cela que nous avons voulu la mobilisation plus grande. C’est pour ça également que nous avons signé une nouvelle convention avec des partenaires qui nous aident dans la collecte.

Avant, il y a eu la BIAO, puis la Banque Atlantique. Aujourd’hui, nous avons passé une convention avec la Coopérative d’épargne et de crédit de Côte d’Ivoire (COOPEC) qui a plus de 160 agences disséminées sur tout le territoire ivoirien et qui est donc d’un accès plus facile aux populations pour déposer leurs fonds. Nous espérons que, cette fois, nous avons fait le meilleur choix en termes d’accessibilité. Les problèmes que nous avons connus de par le passé devraient être résolus par ce nouveau partenariat avec la COOPEC. Il y a aussi UBA Côte d’Ivoire qui va servir de relais pour faciliter les opérations de transfert de fonds de la diaspora ivoirienne vers le Burkina. Comme vous le voyez, nous avons pris des dispositions nouvelles pour assurer une certaine fluidité des opérations et une meilleure qualité des services.

A-t-on une idée réelle de l’épargne et des transferts des Burkinabè de Côte d’Ivoire vers le Faso ?

• Des chiffres officiels sont encore à collecter à ce niveau. Vous n’ignorez pas que plusieurs circuits sont utilisés pour effectuer ces transferts. Il y a bien sûr le circuit bancaire, qu’il reste encore à développer, et vous avez d’autres canaux, informels, tels les transporteurs, etc. Les données sont donc toujours en train d’être collectées pour avoir une idée beaucoup plus claire de l’existant, du potentiel qu’il y a. En tant que banquiers, ça nous aiderait énormément à faire de meilleures prévisions et un meilleur calibrage de notre intervention .

BIB-UBA est actuellement en pleine restructuration, et cela ne va pas toujours sans difficulté. Ces derniers temps, des informations font par exemple état de la suspension des crédits aux clients. Qu’en est-il exactement ?

• Je n’aime pas beaucoup l’expression « suspension de crédits ». Comme vous le dites vous-mêmes, la BIB est en restructuration, et cela, à plusieurs niveaux tels :
- le système d’information, que nous allons changer pour nous aligner sur le groupe UBA, dont le système d’information, dans le secteur financier, est parmi les plus performants ;
- les ressources humaines ; sur les deux-trois derniers mois, nous avons recruté 26 personnes, et on va continuer à en recruter. Il y a d’ailleurs eu un changement d’organigramme pour coller avec celui du groupe ;
- le crédit dont la politique doit aussi être alignée sur celle du groupe tant pour ce qui est des procédures que de l’organisation et de l’organigramme du département crédit, etc.

En gros, c’est une restructuration à près de 80%. Pour ce qui est du problème précis que vous posez, les crédits à certains types de clients vont connaître dans leur approbation quelques retards. Lorsqu’on change, par exemple, un système d’information au niveau technologique, il arrive qu’on arrête ou qu’on ferme un moment pour laisser le temps au nouveau système de se mettre en place. Dans le cas d’espèce, nous n’allons pas arrêter, mais les approbations vont connaître certains retards pour certains types de client, et une fois qu’on aura bouclé cette restructuration, les choses rentreront dans l’ordre.

L’objectif ici, c’est d’assainir la gestion du crédit de sorte que l’argent des déposants qui nous font confiance et que nous nous devons de gérer rigoureusement soit bien utilisé et de prêter à ceux qui peuvent rembourser. Il n’est plus question de se retrouver dans la situation où on a prêté à des gens qui ne sont pas capables de rembourser ou qui traînent les pieds pour le faire. Il y va de l’intérêt non seulement de nos clients, mais aussi de celui de nos agents et de nos actionnaires.

A propos de vos agents, on sait qu’il y a des grincements de dents. Quelle est la nature du problème qui vous oppose à eux ?

• Il n’y a pas de problème entre nous. Cela dit, il y a des changements en cours, et, comme vous le savez, de façon naturelle, l’homme est réticent au changement...

Ces changements touchent à quoi ?

• A la façon de travailler, au temps de travail, à l’organisation de l’espace...

Aux avantages aussi ?

• Non. Je pense même que les changements vont créer des conditions de travail beaucoup plus favorables pour créer une adéquation entre notre volonté de demeurer de façon indiscutable la première banque et le traitement ainsi que les avantages de nos agents.

On entend pourtant dire que vous voulez toucher à la prise en charge médicale des employés. Quel est le fond du problème ?

• A ce niveau, il n’y a vraiment pas de débat. Aujourd’hui, la BIB gère la maladie en auto-assurance. Pour une banque de sa taille, cela n’a pas de sens dans le cadre d’une restructuration et d’une optimisation des ressources. Au département des ressources humaines, vous avez des gens qui passent leurs journées à remplir des bons de pharmacie et autres. Notre métier, il faut le rappeler, c’est la banque. Il faut donc laisser aux autres, et c’est notre philosophie au sein du groupe UBA, ce qu’ils savent faire, eux aussi, et se concentrer sur ce que nous, nous savons faire.

Et en l’occurrence, la gestion de la maladie, des bons de pharmacie et autres, ce sont des choses qui sont mieux faites par les assurances. La décision que nous allons prendre, c’est donc de faire sous-traiter la gestion de la maladie par une compagnie d’assurances. Tous les grands groupes le font, ça se fait au sein du groupe UBA, que ce soit au siège à Lagos ou bien au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou encore ailleurs. L’objectif, c’est de mieux optimiser les ressources humaines de sorte que nous, à la BIB, nous puissions nous concentrer sur notre métier qui est, je le rappelle, la banque, et de rationaliser les dépenses en ce qui concerne les frais médicaux. Il n’y aura donc pas une réduction d’avantages, bien au contraire, mais tout juste un changement du mode de gestion.

Etes-vous vraiment en phase avec votre personnel pour mener à bien cette restructuration ? N’y a-t-il pas des tensions ?

• Je pense qu’il n’y a pas de tension en tant que telle. Les gens comprennent le bien-fondé des choses lorsqu’on le leur explique. Il y a, de ce fait, une campagne d’explication que nous avons commencée, que nous allons poursuivre et intensifier. Nous nous prêterons à toutes sortes de questions que les uns et les autres se posent ; l’essentiel étant que chacun sache ce qu’on va faire, comment ça va marcher, car quand les gens comprennent, ils n’ont plus de problème.

Interview réalisé à Abidjan par Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 29 avril 2009 à 10:42, par moubass En réponse à : Alphonse Kadjo, D.G. de BIB-UBA : « Il n’est plus question de prêter à ceux qui ne remboursent pas »

    Bravo DG pour ces éléments de réponse.Il faut qu’on comprenne aujourd’hui que le monde évolue.Le système de l’état-providence est mort.Plusieurs de nos sociétés d’état devrait y prendre de la graine.L’équation est simple:se restructurer ou mourir.Mieux vaut des grincements de dents que le chômage.Car à force de vouloir de vouloir rester dans un mode de gestion archaïque, c’est la faillite qui emportera la boîte.

    • Le 29 avril 2009 à 23:06 En réponse à : Alphonse Kadjo, D.G. de BIB-UBA : « Il n’est plus question de prêter à ceux qui ne remboursent pas »

      Wait. Donc on pretait sans s’etre assure que l’ emprunteur pouvait payer, quoi ? c’est quelle banque ca ? Donc nous autres nous reclamons notre part aussi avant la nouvelle marche. c’est grave ce que le DG a dit- la. Une banuqe normale, ne prete qu’a ceux qui peuvent rembourser. Le proverbe "on ne prete qu’aux pauvres " n’existe pas pr rien.
      L’ autre qui parle d’ Etat- Providence doit revoir son conc ept. C’est un melange du genre. Qu’est- ce que Etat- providence vient faire dans une affaire de banque. Surenchere lexicographique. Yamyele, toi qui a la sagesse, aide- nous.

  • Le 29 avril 2009 à 12:47 En réponse à : Alphonse Kadjo, D.G. de BIB-UBA : « Il n’est plus question de prêter à ceux qui ne remboursent pas »

    On s’enfout de quelle ethnie sont ces parents. l’information publique qui nous interesse c’est comment il compte s’y prendre avec les epargnant. c’est tout. un peu du journalisme pas du cocotisme...

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