LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Réouverture de Rood Woko : Eviter la « mentalité raag biiga(1) »

Publié le jeudi 16 avril 2009 à 01h17min

PARTAGER :                          

Après six longues années de fermeture, pour cause d’incendie, Rood Woko, le marché central de Ouagadougou, dont les travaux de réhabilitation et de rénovation sont à présent terminés, ouvre de nouveau ses portes ce jeudi, 16 avril 2009. L’événement est placé sous la présidence du Premier ministre, Tertius Zongo, et la cérémonie aura lieu en présence de tout le gotha du monde des affaires burkinabè.

On se rappelle que de pans entiers de ce joyau économique avaient été ravagés par les flammes le 27 mai 2003. Ce sinistre, il faut l’avouer, a porté un coup dur à l’économie nationale, et les commerçants, locataires des lieux, lui ont payé un lourd tribut.

En effet, bon nombre parmi eux ont perdu toutes leurs marchandises et toutes leurs économies, vu que beaucoup avaient la mauvaise habitude de garder dans leurs boutiques tout leur argent. Ainsi, les conséquences sociales et financières de cet incendie sont catastrophiques et incalculables.

Certains ont été ruinés, d’autres en sont morts, beaucoup ont végété et erré comme des âmes en peine. C’est dire tout le soulagement et la joie qui sont ceux des premiers bénéficiaires de cette infrastructure, qui compte à présent 3 072 boutiques et étals. Les travaux de réhabilitation et de rénovation ont coûté la coquette somme de 3,5 milliards de nos francs.

Au cours de la cérémonie officielle de réouverture, il y aura beaucoup de flonflons, et, surtout, de beaux discours seront prononcés. Mais, ce qui importe, il faut que ces discours soient suivis, au quotidien, d’actes concrets. Sinon, en un clin d’œil, les commerçants vont encore transformer Rood Woko en une véritable poudrière qui peut péter à tout moment, car les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets.

On se rappelle qu’en 2003, ce marché remplissait toutes les conditions qu’il fallait pour qu’un tel drame se produise. Au fil des années en effet, le désordre, l’anarchie et l’incivisme y avaient solidement pris pied. Et les autorités compétentes, pour des raisons électoralistes, ont fermé les yeux dessus et laissé prospérer ce bordel.

A partir de ce moment, la vraie question que l’on se posait n’était pas de savoir si le marché allait cramer, mais plutôt quand ce sinistre allait se produire. D’ailleurs, ce n’est pas un fait du hasard si les sociétés d’assurances avaient préféré se retirer de ce marché qui ressemblait alors à une bombe lancée qui allait exploser à coup sûr dès qu’elle aura atteint son point d’impact.

Ce retrait des assureurs aurait dû être un événement bruyant suffisant pour mettre la puce à l’oreille de nos autorités. Mais non. Personne ne leva le petit doigt. D’ailleurs, y avait-il encore quelqu’un de capable de le faire ? Pas si sûr. Car, on sortait du drame de Sapouy(2) et cet événement tragique avait beaucoup affaibli les pouvoirs en place si bien que nul ne voulait ouvrir un autre front social et politique à Rood Woko en tentant de mettre de l’ordre dans ce grand fatras.

Donc avec cette réouverture, l’ordre et la discipline doivent être les maîtres-mots dans ce marché. Comme lorsqu’on prend un avion, il faut qu’inlassablement, les responsables de cette infrastructure éduquent et sensibilisent quotidiennement les commerçants aux questions de sécurité et leur apprennent les bons gestes et les bonnes habitudes.

Plus que jamais, il faudrait mettre fin définitivement au problème d’encombrement des couloirs entre les boutiques et les étals. Rood Woko, c’est 3 072 boutiques et étals. Alors, que les autorités s’en tiennent à ce chiffre. On ne veut pas de commerçant avec une petite table en train de squatter les allées du marché. Sur cette question, le contrôle doit être permanent, car, si on en tolère un seul, à la longue, ils seront un millier de squatteurs. Et bonjour les encombrements, le bordel et l’insécurité.

C’est déjà une bonne chose d’avoir déclaré zone piétonne les alentours du marché. Une sage décision qu’il faut maintenir en dépit des jérémiades des commerçants et des usagers de Rood Woko. Ici au Faso, beaucoup de mauvaises habitudes ont la peau dure. Chacun veut aller avec sa moto ou sa voiture jusqu’à destination et ne veut pas se taper à pied les 100 ou 200 mètres restants.

Il est vrai que les temps (soleil et poussière) ne sont pas pour faciliter les choses. Mais intempéries pour intempéries, dans les pays du Nord, malgré la neige, la pluie ou la canicule, les gens ont intégré ce réflexe de terminer à pied leur trajet quand ils font des courses, rendent visite à des amis ou vont à un spectacle, etc.

Il faut aussi que, sur les voies où le trafic est reversé, notamment la rue Sibiri-Ousmane-Ouédraogo, qui passe devant le journal L’Observateur Paalga, des mesures idoines soit prises pour assurer la fluidité de la circulation. La balle est dans le camp du maire et de sa police municipale.

Mais on aura beau prendre toutes sorte de mesures préventive, le pire ne peut vraiment être évité que si les commerçants, premiers bénéficiaires de cette infrastructures, intègrent dans leur mental que Rood Woko leur appartient, est leur lieu de travail et donc leur gagne-pain. C’est pour cela qu’il faut mettre un accent particulier sur la sensibilisation.

Mais à côté, quand on manie la carotte, il faut aussi manier le bâton. Et là, sans discrimination aucune, sinon l’autorité sera vite désavouée et le désordre s’installera de nouveau. Il faut des sanctions fortes, des sanctions bien réfléchies et très dissuasives. C’est à ce prix que ce joyau aura longue vie et pourra profiter aux commerçants mais aussi à l’économie nationale.

San Evariste Barro

Notes :
(1) En langue nationale morée, le raag biiga est un enfant du marché. Autrement, quelqu’un sans foi ni loi qui ne respecte rien ni personne ; qui n’a pas froid aux yeux et qui ne voit que son propre intérêt.

(2) Le 13 décembre 1998, le journaliste Norbert Zongo est mort assassiné dans les parages de Sapouy (près de 150 Km au sud de Ouaga). Ce drame avait plongé le pays dans une crise politique profonde sans précédent.

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?