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EL BECHIR ET LA CPI : Le jeu du chat et de la souris

Publié le mercredi 1er avril 2009 à 04h16min

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Le président Omar El Béchir du Soudan semble peu préoccupé par les salves de la Cour pénale internationale (CPI), laquelle entend le juger pour crimes commis au Darfour. En effet, il multiplie les sorties, principalement en Afrique et dans les pays arabes, avec une incroyable audace dans la valise. La rencontre au Qatar comme tous les foras vers lesquels il se précipite, sont, il est vrai, des opportunités à saisir pour plaider sa cause.

Mais jusqu’à quand pourra-t-il ainsi défier la justice internationale ? A-t-il vraiment le choix et peut-il encore se racheter ? C’est véritablement à un jeu de cache-cache que l’on assiste entre le chef de l’Etat soudanais et ceux qui le traquent. Si l’aisance prédomine dans le camp présidentiel soudanais, la CPI elle, ne donne cependant pas le sentiment qu’elle dispose de moyens efficaces pour arrêter, juger et peut-être mettre en cage celui qu’elle accuse d’être le tortionnaire et principal bourreau des peuples du Darfour.

Mais pourquoi El Béchir ne s’inquiète-t-il pas outre mesure ? Le chef de l’Etat soudanais sait que la CPI n’a pratiquement pas de moyens de coercition. Il multiplie donc allègrement ses sauts de carpe ou de puce, convaincu qu’il est pour l’instant de ne pas tellement risquer sa peau. Ses sorties lui permettent non seulement de s’expliquer auprès de tiers, mais encore d’élargir le cercle de ses appuis. En même temps, il doit songer à peaufiner sa stratégie de défense le cas échéant. Le président El Béchir a pleinement conscience de l’existence de courants contradictoires au sein de tous ceux qui sont partie prenante dans cette histoire. Il les a sans doute bien circonscrits tout au long de ces années de dialogue infructueux.

Il est maintenant temps d’exploiter ces divergences. Par exemple, des fissures existent dans les rangs des pays occidentaux, principaux artisans de la CPI. Les Etats-Unis par exemple, n’ont jamais donné leur faveur à la création de cette Cour, par peur justement de voir un jour leurs citoyens poursuivis par des instances sur lesquelles ils n’exercent pas une réelle emprise. En outre, le Soudan qui recèle de riches gisements de pétrole, a récemment renforcé ses liens de coopération avec la Chine. Certains pays occidentaux ne désespèrent sans doute pas de renverser un jour ce flux pétrolier qui a pris la direction de l’Est. C’est dire que dans les coulisses, les négociations doivent se poursuivre et El Béchir est mieux placé que quiconque pour savoir comment tirer ses marrons du feu. L’Afrique n’échappe pas à la règle : un pays comme l’Egypte vit certainement dans l’embarras. Même si Le Caire n’est pas toujours d’accord avec ce qui se passe, il doit se résoudre à un minimum de coopération avec le voisin soudanais. Il faut faire en sorte qu’il ne soit un jour tenté d’abriter opposants et autres groupuscules terroristes. Sans oublier que le Nil, fleuve mondialement connu, traverse le Soudan avant d’aller achever sa course en Egypte. Nul n’ignore son importance dans l’économie égyptienne, singulièrement pour la survie des populations. Irriter un voisin de la trempe de El Béchir, pourrait conduire à des excès dont les conséquences seraient tout simplement désastreuses. Par ailleurs, de tout temps, le continent s’est caractérisé par son manque de cohésion dans les prises de décisions. L’UA a pris sur elle d’intercéder auprès des Nations Unies en faveur du chef de l’Etat soudanais. Elle demande de surseoir aux sanctions. En véritable syndicat de chefs d’Etat.

Serait-ce la contrepartie du refus renouvelé depuis quelque temps d’accorder la présidence de l’organisation continentale au président El Béchir ? En tout cas, la preuve est bien là que les chefs d’Etat africains se veulent solidaires de leur homologue. Aucun ne voudrait certainement d’un précédent susceptible de fragiliser le pouvoir jusque dans son dernier bastion. Fort curieusement, la position inconfortable du chef de l’Etat soudanais lui donne des atouts auprès de ses pairs africains obligés de porter sa croix. Ainsi, en est-il du président Khadaffi de la Jamahiriya libyenne populaire et socialiste qui s’échine à convaincre l’opinion que la CPI est le bras armé d’une nouvelle forme d’impérialisme. Mais cet appui quasi-inconditionnel ne peut que pousser à la faute. Certes, plusieurs dirigeants africains voient à travers la CPI l’empêcheur de brouter et d’occire en toute quiétude chez soi, les peuples sans défense étant à leur merci.

Mais jusqu’à quand l’actuel chef de l’Etat soudanais espère-t-il courir ainsi ? Pense-t-il pouvoir défier longtemps la CPI et la communauté internationale ? Combien parmi ses soutiens tiendront-ils encore longtemps ? On sait que la justice internationale a la patience pour elle. Le traitement fait des dossiers de l’ancienne Yougoslavie en témoigne. La CPI prendra le temps qu’il faudra pour l’épingler. Au président El Béchir d’alléger les charges qui pèsent contre lui. Nombreux sont tous ceux qui attendent encore de lui des gages, des efforts sérieux quant à la résolution définitive de la crise du Darfour.

Il ne sert à rien d’expulser des ONG et des humanitaires ciblés, encore moins de multiplier les zones d’insécurité. Premier chef d’Etat en exercice à être interpellé par la CPI, El Béchir n’ignore point le poids de l’histoire et la responsabilité qui en découlent. Comme tous les gouvernants africains, il aurait tort de se croire au-dessus de la loi. Fût-elle internationale ! Il en est de même pour certains dirigeants de pays développés. On ne saurait ainsi exclure des chefs d’Etat occidentaux dont l’ex-président américain George W. Bush. L’opinion internationale et les militants des droits humains voudraient bien un jour les voir interpellés pour leur gestion controversée des relations internationales. A coup sûr, cela renforcerait les assises de la justice internationale.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 1er avril 2009 à 11:06 En réponse à : EL BECHIR ET LA CPI : Le jeu du chat et de la souris

    Ce sujet relatif au mandat d’arrêt de la CPI contre le président soudanais El Béchir, suscite bien des inquiétudes au sein de l’opinion internationale. Il semble que le bas blesse quelle que part. Au début, l’accusation avait été adressée nom pas au président lui-même mais à certains de ces ministres ou personnalités impliquées dans la question du Darfour. Mais le refus catégorique du président El Béchir de livrer ses concitoyens à la CPI que le Soudan ne reconnaît pas à l’instar les Etats-Unis, lui vaut maintenant d’être accusé personnellement.
    Le journaliste dans sa livraison a même cité ce cas des Etats-Unis d’Amérique qui ne veulent pas avoir à faire à la CPI et c’est la raison pour laquelle ils ne la reconnaissent point.
    D’ailleurs en se posant la question sur le cas de l’ancien Georges Bush, le journaliste touche à une question importante. Avec tout ce qu’il a fait dans le monde, prisons secrètes à travers une partie de l’Europe au nom du terrorisme, guerre à tord pour le même motif en Somalie, en Afghanistan, résultat ? Occupation de ce pays, invasion de l’Irak conséquences ? Plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants tués pour rien. Quelle est la vraie mission de la CPI. Ce court est – elle faite pour juger certains à l’exception d’autres ?
    Les Nations Unies n’étaient –elles pas opposées à l’invasion de l’Irak ? On devrait, par conséquent, déplorer les conséquences de la guerre en Irak et faire le procès de Georges Bush, en dépit de la non reconnaissance de la CPI par les Etats-Unis, tout comme la CPI le fait actuellement à l’encontre du président soudanais accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
    Le monde entier a été ému et terriblement choqué par ce qui s’est passé à Gaza en Palestine cette année. Si l’emploi du phosphore blanc contre des civils désarmés et brulés vifs, le massacre des hommes, femmes et enfants réfugiés dans des abris, de ceux qui ont levé le drapeau blanc et la destruction des infrastructures avec le bombardement des bâtiments publics ne constituent pas pour la CPI des preuves suffisantes de crimes de guerre de génocide et de crimes contre l’humanité, alors qu’en est-il de la crédibilité de la CPI ?

    • Le 1er avril 2009 à 16:14, par Desioo En réponse à : EL BECHIR ET LA CPI : Le jeu du chat et de la souris

      Tout à fait de votre avis cher internaute. Pour sa crédibilité, mais aussi tout simplement pour accomplir éfficacement la mission qui lui est assignée, la CPI ne doit pas laisser le président Bush impuni !!! Il n’y a pas qu’en Afrique que des crimes internationaux sont commis, la cas de Bush est trop flagrant pour que la CPI ne s’y intéresse pas ! De plus, l’absence de reconnaissance, ont le sait n’est, pas un obstacle à d’éventuelles poursuites. Seul le droit de veto du conseil de sécurité de l’ONU en est un, mais ça c’est une tout autre question que la CPI ne se pose pas encore !

  • Le 2 avril 2009 à 11:09 En réponse à : EL BECHIR ET LA CPI : Le jeu du chat et de la souris

    La CPI n’est pas crédible du tout ! Je dirai meme que cette organisation vire au ridicule. Sinon comment pourrez vous fermer les yeux sur Georges Bush (qui n’est meme plus au pouvoir) dont le pays n’a pas signé pour la CPI et poursuivre El Bechir (qui est encore au pouvoir) dont le pays egalement n’a pas signé pour la CPI ! Alors que les deux hommes auraient tous commis des crimes contre l’humanité. Chere CPI, soignes d’abord ton image, car pour le moment on a l’impression que tu poursuis uniquement les criminels d’Afrique et des pays moins developpés. En tout cas, tu es tout sauf une justice équitable. Tu fermes les yeux sur Gaza ? Tu fermes les yeux sur l’Iraq ? Ce n’est surement pas parceque les gens qu’on a tués labas sont moins importants que ceux du Soudan, c’est parceque les criminels de labas sont plus importants que ceux du Soudan. Mais en quoi tu es une CPI alors ? Tu es une grosse deception !

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