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Insécurité foncière en milieu rural : Une inégalité criarde d’occupation des terres dans le Ziro

Publié le mardi 17 mars 2009 à 00h12min

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Le « deal » des terres cultivables et des forêts est un phénomène particulièrement récurrent dans la province du Ziro. Cette situation alarmante aux implications conflictuelles, mérite une attention particulière. Zoom sur l’ampleur de ce phénomène.

La province du Ziro occupe la plus grande superficie de la région du Centre Ouest avec 34%. Dotée d’un potentiel important en terres cultivable et forêts, elle a un climat de type soudanien avec une pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 600mm et 1000mm. L’agriculture est la principale activité des populations dont près de 95% en dépendent. Ces potentialités naturelles font l’objet de convoitise des populations du Nord du Burkina (Yatenga, Sanmatenga, Passoré etc).
La grande sécheresse de 1984 qui a frappé tout le Burkina, a accentué la migration des populations du Nord vers le Sud (Ziro). Les migrants composés de mossis et peulhs dépassent de 4 fois actuellement les autochtones que sont les « nunis » qui donnaient gratuitement les terres cultivables à leurs compatriotes venus du Nord.

L’important du flux migratoire a usé la générosité de ces indigènes ; le profit est mis en avant et les terres sont désormais vendues. L’arrivée massive des agro businessmen ou nouveaux acteurs à gros moyens financiers, dans les années 1999 a accentué le phénomène de vente des terres. C’est même devenu un commerce.
Le conseiller municipal Nama Dominique, du village de Nébrou situé à une dizaine de kilomètres du chef lieu de la commune de Sapouy, nous dit ceci : « nous ne pouvons pas continuer à donner gratuitement nos terres à des gens ; présentement nous les louons ou nous les vendons » ; les « gourous » de Ouagadougou payent en gros (100 hectares 200 hectares ou 400 hectares), nous a-t-il fait savoir.

Selon le chef coutumier de Nebrou Nama boubou, chaque famille nuni a ses portions de terres que lui ont léguées les ancêtres. Elle peut décider en toute indépendance de les vendre ou pas. Pour le moment, j’arrive à minimiser les problèmes issus de ce commerce de terre, a martelé le chef.
A la question de savoir pourquoi ils vendent leurs terres, le conseiller Nama souligne : « nous n’avons pas le choix ; les gourous (personnalités et opérateurs économiques de Ouagadougou) se présentent avec de l’argent frais et il est difficile de résister. Aussi nous sommes présentement envahis par les migrants qui nous sollicitent trop ». Le prix de l’hectare varie selon l’emplacement du terrain, a-t-il ajouté. Aux abords de la voie bitumée, l’hectare varie entre 75 000fcfa et 150 000fcfa. Le prix des terrains enclavés en saison hivernale varie entre 35 000fcfa et 50 000fcfa.

L’expropriation des terres de certains migrants

Les migrants qui ont eu la chance d’avoir gratuitement des terres, il y a quelques années, sont sommés de se mettre à jour (payer les terres acquises) au risque de déguerpir les lieux. Les terres achetées par certains nouveaux acteurs englobent les champs de certains migrants. Un producteur nommé Sawadogo Noufou du village de Nébrou a affirmé avoir résisté plusieurs fois à cette expropriation de ses champs ; « j’ai toujours plaidé auprès du chef coutumier et il m’a toujours compris ; mais combien de temps cela durera- t-il ? » se demande-t-il. Un autre migrant Ouédraogo Saïdou d’emboucher la même trompette en soulignant qu’ils ont tous peur d’être expropriés des terres qu’on leur avait données gratuitement.
Les propriétaires terriens nous acculent chaque jour, de nous mettre en règle en payant les terres qu’ils nous avaient données gratuitement, il y a quelques années ; les tractations continuent, nous a-t-il confié.

« Tous les jours que Dieu fait, j’ai en face un problème terrien », a déclaré le président du tribunal départemental de Sapouy, le préfet Siaka Ouattara. Soit on a exproprié un migrant ou un peulh a été chassé, et j’essaye de résoudre ces problèmes à l’amiable. « Avec ma petite expérience, j’arrive à trouver des solutions, sauf un seul cas ou j’ai été obligé de transférer la requête du plaignant au procureur de Faso auprès du tribunal de Léo » a soutenu le préfet.
Le phénomène d’expropriation et de vente des terres, dira M. Ouattara, est une réalité choquante dans ma circonscription. Il affirme avoir présentement une requête de 22 personnes qui sont en instance d’être chassées sur leurs terres, car vendues à une personnalité de ce pays. Aussi dans le village de Nébrou, ajoute-t-il, des propriétaires terriens ont vendu à un opérateur économique près de 100 hectares où sont installé plus d’une centaine de ménages. Ces derniers ont été sommés de quitter les lieux et cela pose problème. Terminant ses propos, le préfet Siaka Ouattara dira que la terre constitue un « deal » des chefs coutumiers aidés des démarcheurs qu’ils ont installés.

Le conseil municipal de Sapouy met en garde les dealers

Déplorant la forte pression sur le foncier et l’égoïsme des nouveaux acteurs, le 1er adjoint au maire de Sapouy, Nama Sidiki pense que les germes d’un éventuel conflit planent en l’air. Malgré la délibération du conseil municipal de Sapouy limitant au maximum à 20 hectares la superficie à octroyer à un nouvel acteur ; les autochtones continuent de vendre anarchiquement les bonnes terres. Parlant des agro businessmen M. Nama dira que certains exploitent effectivement les terres achetées en réalisant des travaux agricoles. D’autres par contre, ont tout juste délimité en bornant leurs superficies et veillent jalousement sur leurs terres. Le pâturage, la fauche du fourrage naturel et la cueillette des produits ligneux sont interdits dans ces zones gardées ; or les populations tirent leurs sources de revenus de ces forêts.

Des défrichements incontrôlés

A l’orée de la saison pluvieuse, il est de plus en plus fréquent de voir de vastes superficies de terrains où les arbres sont systématiquement coupés sans aucun respect des normes techniques de coupe, ni du nombre d’arbres et d’arbustes à conserver à l’hectare. Ainsi toutes les souches qui devraient à court et à long termes permettre une régénération naturelle des arbres coupés, sont incinérées. Aussi l’extension rapide des surfaces cultivées, la dégradation du couvert végétal et l’insuffisance de pistes à bétail conduisent certaines peulhs à migrer vers le Nord du Ghana.

En somme, le climat qui prévaut actuellement entre petits et gros exploitants, entre indigènes et éleveurs et certains jeunes révoltés contre la ventre des terres laisse présager des lendemains sombres dans la province du Ziro. Les yeux sont tournés vers la nouvelle loi de sécurisation foncière en milieu rural en cours d’adoption. Cette loi sera d’autant plus respectée si et seulement si, elle contraint les agro businessmen à une limitation raisonnable de leurs superficies, permettant ainsi aux autres un accès équitable à la ressource terre.

Yassine Siénou

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 2 décembre 2009 à 16:56, par ISIS En réponse à : Insécurité foncière en milieu rural : Une inégalité criarde d’occupation des terres dans le Ziro

    Un malfaisant notoire, BAYOR Mohamed prétendu Médecin (plus présent au Palais de justice que dans les cabinets médicaux) joue exactement la même carte pour dépouiller des pauvres gens de Lomé, avec la complicité de huissiers ignobles déshonorant leur profession.
    La corruption étant une institution qui perdure....
    Un Etat qui se respecte devrait mettre un terme à cette pandémie cannibalisante.
    Avec ce laisser faire.... A qui profite ce crime !

    ISIS

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