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8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

Publié le jeudi 12 mars 2009 à 00h20min

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A l’instar de nombreux pays à travers le monde, le Burkina a commémoré la journée internationale de la femme le 8 mars 2009. Dori, la capitale de la région du Sahel, a été cette année l’épicentre de la manifestation nationale, puisque Chantal Compaoré, l’épouse du président Blaise Compaoré, et ses sœurs s’y sont transportées le temps d’un week-end pour célébrer la femme.

Cette journée, on se rappelle, a été instituée en 1977 par la résolution 32/142 des Nations unies grâce à la détermination de véritables amazones parmi lesquelles la journaliste Clara Zetkin et Rosa Luxembourg. Elle est célébrée en mémoire des ouvrières new-yorkaises du textile, violemment réprimées lors d’une manifestation le 8 mars 1857 pour de meilleures conditions de travail et pour la reconnaissance de leur citoyenneté.

Aujourd’hui, le Burkina Faso est l’un des rares pays où le 8-Mars, qui symbolise donc la résistance féminine à l’injustice et à toutes les formes de discriminations, est une fête légale, chômée et payée sur toute l’étendue de son territoire. Tel est un heureux héritage de la révolution d’août 83 avec aujourd’hui un ministère de la Promotion de la femme, qui a succédé à celui de la Condition féminine de l’époque et auquel il ne faut pas toucher.

Preuve, s’il en est, de l’importance que les autorités burkinabè accordent depuis de longues années au bien-être de l’autre moitié du ciel qui, il est vrai, ploie sous de nombreux fardeaux. En effet, outre les durs travaux domestiques qui « amortissent » une femme en un temps record, pendant que les hommes s’abîment souvent dans l’alcool et à d’autres vices, nos mères, nos épouses et nos sœurs, surtout en campagne, sont soumises aux épuisantes corvées d’eau, aux éreintants travaux champêtres et à bien d’autres situations déplorables comme l’excision, le mariage forcé, etc.

Qu’une journée dans l’année soit consacrée aux filles d’Eve, c’est donc tout ce qu’il y a de plus normal. Mais si ailleurs on se contente de commémorer, au Burkina où la moindre occasion est devenue prétexte à ripaille, on fête à grands frais. Il n’y a qu’à voir la tournure prise par la Journée internationale de la femme ces dernières années pour s’en convaincre. C’est devenu de la nouba.

En lieu et place des réflexions et des actes concrets auxquels elle devait donner droit, on assiste partout à des djanjoba gargantuesques organisés par les grandes dames des villes aux boubous empesés. C’était le cas récemment à Dori, sous la houlette de Chantal Compaoré, entourée de « moussoba » badigeonnées de toutes sortes de mixtures cosmétiques.

Combien de millions de nos francs ce djanjoba national a-t-il englouti ? Allez savoir ! Rien que le carburant qu’il a fallu pour que les grosses cylindrées puissent vrombir vers le Sahel burkinabè à cette occasion-là peut coûter la peau des fesses.

Toujours est-il que cette somme, fût-elle modique pour certain(e)s, aurait pu servir à améliorer les conditions de vie féminine dans de nombreuses contrées du Burkina Faso. Et comme si cela ne suffisait pas, il a fallu que les femmes se crêpent le chignon à l’occasion de cette 152e édition du 8-Mars à Bobo-Dioulasso, la capitale économique burkinabè, sur fond de rivalités politiciennes.

Il importe donc, dans l’intérêt même des femmes, de réorienter cette commémoration, qui se dévoie, en lui insufflant un supplément de vertu. N’est-ce pas préférable que cette journée soit une occasion de poser des actions tangibles en faveur de nos mères, sœurs et épouses, au lieu des spectacles affligeants auxquels l’on assiste ?

Ces millions dilapidés pour des réjouissances populaires, à l’échelle nationale, régionale, provinciale, communale, en passant par les arrondissements, n’auraient-ils pas pu servir à construire des infrastructures sanitaires, scolaires ainsi qu’à faire des forages ou à aménager des terres avec des puits busés pour des activités maraîchères au profit des femmes et de leurs enfants ?

Sans doute ! Mais comme l’organisation de ces jamborees fait l’affaire de nombreuses personnes, y compris les hommes, on préfère s’enfoncer, l’âme en paix, dans ces 8-Mars vidés de leur substantifique moelle. Cela dit, il faut rendre justice à ces dames et messieurs qui, individuellement ou collectivement dans le cadre des ONG et associations, parfois dans l’anonymat, œuvrent quotidiennement sur le terrain, à sortir nos mères, sœurs et épouses des villes et campagnes de la pauvreté, loin des discours soporifiques qui nous sont servis, telles des ritournelles à longueur de 8-Mars.

On le sait, l’affaire a pris une ampleur politique au point que personne, pas même le président du Faso, Blaise Compaoré, n’oserait remettre en cause ces shows budgétivores. Cependant, si l’objectif de cette journée n’est autre que de mener des réflexions dans le sens de l’amélioration des conditions des femmes, les autorités burkinabè devraient, par amour pour l’autre moitié du ciel, avoir l’audace de réorienter la célébration du 8-Mars dans notre pays. Ce n’est pas être phallocrate ou misogyne que de le dire.

Hamidou Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 12 mars 2009 à 10:07 En réponse à : 8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

    Très bien dit. C’est une autre sorte de detournement que nos autorités pratiquent au dos de la comémoration de ces journées.

  • Le 12 mars 2009 à 12:05, par Issé En réponse à : 8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

    Moi, je ne trouve pas d’inconvénient à faire un djandjoba le 8 mars ou bien manger ce jour là. Si cela peu rendre un temps soit peu heureuse une femme et qu’elle oublie un peu ses soucis quotidiens, ça pourra lui prolonger la vie ne serait-ce que d’une minute. Après, c’est normal que la première dame et sa suite fassent le déplacement dans les autres localités, c’est un acte de considération pour ces femmes qui se sentent honorées ce jour. La réflexion est l’œuvre des responsables, c’est leur travail de réfléchir et trouver des voies et moyens pour venir en aide à celles qui n’ont pas eu cette chance et qui résident en campagne. C’est ça aussi la solidarité féminine.
    Par contre les déplacements peuvent être évités par les délégations venant des autres régions, je pense que c’est ce qui amène à effectuer de grosses dépenses de restauration et d’hébergement.
    Je vous invite prochainement à regarder la parade au Cameroun ou le djandjoba au Mali tout près, vous verrez que les femmes burkinabé ne font rien. De toute façon le djandjoba n’est rien que du sport pour ces femmes, donc il n’y a rien de mal en cela.
    Allez, portez-vous bien !!!!!

    • Le 12 mars 2009 à 18:29 En réponse à : 8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

      Je suggèrerai par exemple à Mme le Ministre que les fonds alloués chaque année servent essentiellement à investir en faveur de projets significatifs pour la Femme, jugés autant nécessaires que prioritaires dans la région retenue pour la célébration annuelle. Ainsi au bout d’un certain cycle d’année toutes les femmes de toutes nos régions en seront bénéficiaires. Bonjour les avancées visibles et palpables qui peuvent être comptabilisées......

  • Le 12 mars 2009 à 16:52, par bobomousso En réponse à : 8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

    Bonjour,

    Ce qui est dommage est que nous meme "femmes" pour qui cette journee a ete instituee n’avons pas de respect pour la cause en fait. C’est ce jour que nous choisissons pour nous battre entre nous, quelle honte. Ce sont les meme hommes qui nous melangent et nous affaiblissent mes soeurs.
    Prenons la resolution d’etre unies pour la prochaine fois sinon il y aura suspension a quelque part et je donnerai raison aux autorites.

  • Le 18 mars 2009 à 11:40 En réponse à : 8-Mars : C’est devenu la nouba, plus une commémoration

    je dirai que ya trop de tapage pour la journée du 08 mars. ce vrai qu’il faut celebrer cette journée mais ne profitons pas de ca pour faire certaines dépenses injustifiées. d’autre part le page du 08 mars vendu à 5000 ou 6 500 f combien de femme au Burkina peut s’acheter ce pagne. si l’on veut voir il n’est permis qu’aux femmes riches de porter le pagne destiné à la journée du 08 mars. moi je pense qu’il serait mieux de fixer un prix raisonnable pour que toutes les femmes du Burkina puissent s’en procurer.pour eviter le complexe des autres femmes qui n’ont pas les moyens de s’en procurer.

    je vous remercie

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