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"Teza" de Haïlé Gerima, étalon d’or : Le cinéaste de la désillusion était au dessus du lot

Publié le lundi 9 mars 2009 à 10h53min

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Le FESPACO 2009 a livré son verdict. Le palmarès de la 21 ème édition est connu depuis ce samedi 07 Mars 2009. L’éthiopien Haïlé Gérima avec son film TEZA monte sur la plus haute marche du podium succédant ainsi au nigérian Newton Aduaka. Ce film aura fait l’unanimité au sein du jury mais aussi du public.

Il était attendu sur le podium de la 21ème édition du FESPACO. Il y a quelques jours déjà que son nom était sur toutes les lèvres. Il y est à l’arrivée. Le film Teza du réalisateur éthiopien Haïlé Gérima remporte le premier étalon d’or de Yennéga pour l’Afrique équatoriale. Ce film émouvant retrace le passé amer de l’histoire de l’Ethiopie. Pendant plus de deux heures, il plonge les téléspectateurs dans les ignominies de la dictature des années 1970-1980 et de la révolution qui lui a succédée.

Anberber, après des études scientifiques en occident, décide de revenir aider son pays sur encouragement de son ami Tesfaye (qui signifie espoir). Mais la réalité est un cauchemar. Les révolutionnaires qui viennent de prendre le pouvoir sont pires que la dictature précédente. Là commence l’histoire d’un homme meurtri par son incapacité à réaliser son rêve, celui de la reconstruction d’une Ethiopie moderne. Il est taxé d’antirévolutionnaire. Son ami est abattu à coup de bâtons. Sa blessure est grande et la suite de l’histoire émouvante.

Dès les premières images, bruits, éclairs, chants ombreux, sentiment de peur, apocalypse accueillent les cinéphiles. En même temps se dessine en filigrane le traumatisme de cet être qui côtoie la mort au quotidien. Incapable de faire quoi que ce soit pour son pays, même pas arrêter le carnage humain en cours. Ses connaissances scientifiques se révèlent inutiles. Il sera obligé de s’exiler en Allemagne.

Là encore, la situation n’est guère reluisante. La communauté noire est en proie à un racisme exacerbé. Il y laissera d’ailleurs une jambe, amputée lors d’une agression. Seulement parce qu’il est d’une autre race. Mutilé physiquement, Anberber l’est aussi moralement lorsqu’il rentre pour la deuxième fois dans son pays. C’est donc dans toute sa vie qu’il boite. Il s’en veut de n’avoir pas pu sauver les siens. Son exile horrible et douloureux en Allemagne lui enseigne aussi qu’on ne peut faire des enfants et les abandonner aux mains du racisme. Il va alors se marier à Azuna, une éthiopienne victime de la féodalité et qui préférait la mort à la vie. Cette union lui permettra de renouer avec l’histoire de son pays. Ainsi, il renaît à lui-même. L’enfant qui est né de cette nouvelle vie sera nommé Tesfaye, l’espoir.

Pas que l’étalon d’or de Yennenga

A travers cette histoire, Haïlé Gérima, lui-même exilé aux Etats-Unis d’Amérique, étale au grand jour la féodalité toujours vivante en Ethiopie, le régime d’Haïlé Sélassié et la révolution lugubre qu’a connue ce pays. Pour la beauté, l’expressivité des images et la qualité du sujet, c’est tout naturellement que ce film est sacré meilleur film africain. Grâce à son talent et sa sensibilité, le réalisateur a su allier le fonds et la forme dans ce chef d’œuvre.

Ce film n’a pas seulement remporté l’étalon d’or de Yennéga. Il a aussi reçu les prix spéciaux de la fédération africaine des critiques du cinéma et le prix Zain. C’est aussi Teza qui remporte le prix Rurart Poitou Charentes du FESPACO dont le jury est constitué de jeunes lycéens.

Avant le FESPACO, Teza a été primé au festival de Venise et Tanit d’or aux 22èmes journées cinématographiques de Cartage. Ce sacre ne doit pourtant pas étonner. Le tournage du film aura duré six ans, six ans d’enfer selon Haïlé Gerima qui a eu des problèmes avec son ingénieur de son. Il a aussi peiné à trouver soixante mille euros pour la production. Mais il a une démarche originale pour ses montages. Il ne jette presque rien mais monte l’ensemble. Il lui accorde une attention particulière. « Je regarde mon filme plus que je ne le monte » affirme-t-il lors d’une interview avec Hassouna Mansouri de « Africiné ».

Le cinéaste professeur

Celui qui se définit lui-même comme un cinéaste indépendant du tiers-monde n’est pas que réalisateur. Emigrés aux Etats-Unis d’Amérique depuis 1968, Gerima a fait des études d’art dramatique puis a fait un master en Beaux-arts à l’université de Californie. Il est actuellement professeur à la Howard University deWashington et membre de Los Angeles School of Black Film Makers.

Gerima a déjà réalisé plusieurs films sur l’esclavage (Sankofa, Bush Mama, Mirt Sost Shi Amit/Harvest 3000 years) et sur le colonialisme (Adwa et an african victory). Ce qui fait de lui un cinéaste de la désillusion. C’est donc dire que c’est un réalisateur expérimenté et pétri de talent qui s’adjuge l’étalon de Yennéga. Ce qui est sûr, le professeur a surclassé ses concurrents. Comme l’a reconnu le président du jury, Gaston Kaboré, ce film était nettement au dessus du lot.
Moussa DIALLO
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 10 mars 2009 à 18:53, par Daniel Hibon En réponse à : "Teza" de Haïlé Gerima, étalon d’or : Le cinéaste de la désillusion était au dessus du lot

    merci pour cet excellent article, bien construit et qui fait ressentir toute l’émotion contenue dans le film.
    Vous donnez envie de le voir.
    J’espère qu’il sera visible dans les salles européennes sans tarder.

  • Le 11 mars 2009 à 23:06, par Françoise K. En réponse à : "Teza" de Haïlé Gerima, étalon d’or : Le cinéaste de la désillusion était au dessus du lot

    j’ai vu Teza après le palmarès. Un véritable chef d’oeuvre,qui vient du tréfond du réalisateur. Ce qui frappe, c’est cette puissance alliance du thème à un lyrisme et une poésie qui vous donne la chair de poule et fait oubllier qu’on est au cinéma. Depuis que j’ai vu ce film, les scènes, certains acteurs ne quittent plus mon esprit. Je pourrai voir encore et revoir Teza, et comme du Zazz, je crois que je verrai toujours quelque chose de nouveau. Quelle belle création !

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