LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Intégration : La marche à reculons des hommes politiques africains

Publié le vendredi 6 mars 2009 à 01h30min

PARTAGER :                          

“C’est un voyage qui a été confortable sur tous les plans’’. Si l’on en croit notre confrère L’Observateur paalga, ces propos sont de Bédouma Alain Yoda, le ministre burkinabè des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Ce sentiment de fierté a été exprimé à la fin du séjour de la délégation qu’il a conduite au Niger pour évoquer le contentieux frontalier entre ce pays et le Burkina.

Son collègue Pegdwendé Clément Sawadogo de l’Administration territoriale renchérit, dans le quotidien d’Etat, qu’il est ‘’l’homme le plus heureux de la conclusion de ce compromis’’. Certainement que c’était la même ambiance à Niamey. On croit rêver quand des responsables politiques de deux Etats classés parmi les plus pauvres d’Afrique applaudissent à tout rompre, simplement parce qu’ils viennent de balkaniser une fois de plus le continent noir.

Si la vision des autorités nigériennes et burkinabè est la même que celle des autres Etats du continent, il faut craindre que les politiques sont en train de faire le deuil de l’unité africaine. Car, à l’heure où la mondialisation impose son rouleau compresseur et contraint les pays à unir leurs forces, il n’y a pas de quoi se pavaner pour un acte résolument aux antipodes des aspirations des peuples à aller vers l’intégration totale. La décision finale des Nigériens et des Burkinabè de saisir la Cour internationale de Justice de la Haye jure avec tous les beaux discours politiques utilisés pour vanter l’intégration.

Car, il faut se convaincre que la finalité des processus d’intégration est la disparition des frontières ente les Etats. Et l’espace communautaire auquel appartiennent Niamey et Ouagadougou prône une approche d’intégration totale et entière entre tous les pays membres. Dans cette perspective, le Comité interparlementaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, qui se veut l’embryon du parlement de toute l’Union, envisage de désigner ses députés par le suffrage universel direct, comme pour montrer la réalité de cette union. Comment peut-on comprendre qu’au même moment les hommes politiques s’illustrent dans un immobilisme, s’accrochant aux données coloniales ?

Les dirigeants du Burkina et du Niger ont gâché une belle opportunité de démonter leur attachement à l’Union, de gérer de façon intégrée cet espace contentieux. Au lieu de cela, ils se sont entendus pour que la Cour internationale de la Justice, et en réalité les anciens colonisateurs, les amènent à s’entendre. Quel anachronisme ! Les solutions ne manquent pas pour que ces deux pays administrent la zone qu’ils convoitent tous sans le moindre accroc. Car, c’est un faux-fuyant que de penser que cette double gestion serait difficile, voire impossible, à réaliser. Par exemple, Niamey et Ouagadougou peuvent compter sur les instruments d’intégration sous-régionale comme la Commission de l’Uemoa pour une prise en charge des infrastructures sociales et de développement.

Dans cette bagarre de frontières, l’autre surprise est venue de l’Allemagne qui, pourtant, connaît les bienfaits de l’intégration. La République fédérale d’Allemagne, qui tire les bienfaits de son appartenance à l’Union européenne, s’est proposée d’injecter 200 millions de nos francs pour l’achèvement du bornage entre les deux Etats pour mieux marquer la différence entre le Mali et le Burkina. Et pourtant, les habitants des zones concernées apprécieraient mieux que ces sommes déversées dans ce combat d’arrière-garde soient judicieusement utilisées pour améliorer leur qualité de vie. Il n’y a plus de doute, les populations ont une longueur d’avance sur les politiques sur les questions d’intégration.

Adam Igor

Le Journal du Jeudi

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 6 mars 2009 à 14:24 En réponse à : Intégration : La marche à reculons des hommes politiques africains

    Je comprends parfaitement votre émoi. Nous souhaitons tous l’aboutissement du processus d’intégration.

    Mais dites-moi, avez-vous vu des peuples qui vont à l’intégration sans connaître exactement leurs frontières ? Ce serait faire preuve de myopisme !

    L’Union européenne que vous évoquez n’est-elle pas sur la voie de l’Union avec des pays aux frontières claires et précises ?

    Comment pouvez-vous continuer à rêver alors que de par et d’autre nous avons des terrains sur lesquels on ne peut pas investir durablement, des populations pour lesquelles on ne peut faire certaines réalisations ?

    Laissons cet idéalisme pour affronter la réalité crue des conflits qu’engendrent ce manque de clarté dans le tracé de nos frontières, et nous pourrons travailler au développement de nos populations, fussent-ils à nos frontières.

  • Le 6 mars 2009 à 19:54, par Paris Rawa En réponse à : Intégration : La marche à reculons des hommes politiques africains

    Oui Monsieur, vous avez raison, l’Afrique ne peut que perdre trop de temps pour s’intégrer et se développer, parce qu’elle est gouvernée par des roitelets sans aucune vraie ambition et surtout prompts à convertir les espoirs et les utopies de leurs peuples en cauchemars. Oui on aurait préféré que nos politiciens soient capables de porter très haut le rêve de nos populations afin de faire de leurs aspirations communes de paix et de développement une réalité palpable. Mais la vérité c’est que notre premier ennemi dans la question des frontières postcoloniales c’est le caprice de nos politiciens qui, pour conquérir une motte de terre ingrate imbibée de quelques gouttes de pétrole, sont prêts à tout : déclarer la guerre au pays voisin, ruiner le trésor public dans l’achat d’arme, envoyer les troupes à la boucherie, massacrer à l’aveuglette de pauvres paysans sous prétexte de défendre une souveraineté nationale qui ne vaut que ceux qui sont au pouvoir... Du coup, par peur de ces caprices qu’ils ont en communs avec leurs propres collègues de leurs pays voisins (et leurs bêtises sont vraiment à craindre), ils ne peuvent pas se faire confiance et nous condamnent avec eux, à parachever (contre nos propres intérêts) la balkanisation de l’Afrique entamée par l’entreprise coloniale.

    Oui Monsieur, vous n’avez pas tort de rêver puisqu’il faut une utopie pour réaliser les grandes ambitions, mais il vous est interdit de rêver parce que les gouvernants africains sont très dangereux pour leur peuple. Vous verrez même des concitoyens vous reprocher la témérité d’avoir osé un rêve pareil, tellement il est synonyme d’irresponsabilité de vouloir compter sur le bon sens de nos dirigeants ! Oui, avec eux, nous sommes tous condamnés à cette marche à reculons vers l’intégration : il nous faut d’abord consacrer la division pour endiguer leurs éventuelles bouffées folies ; et ensuite seulement, nous pourrons voir comment être, faire et vivre ensemble sans barricade frontalière.

    Nous sommes tous victimes de l’absence de vision, de vraies ambitions (utopies) politiques de nos dirigeants : il nous est donc gravement interdit de rêver pour avancer. Remercions le ciel de pouvoir déjà avancer à reculons. Sacrée Afrique ! Es-tu vraiment une terre de sagesse ?

    • Le 29 mars 2009 à 01:00, par Sophie En réponse à : Intégration : La marche à reculons des hommes politiques africains

      Ce Monsieur a parfaitement raison. Les ambitions des hommes politiques africains ne dépassent pas la lourdeur de leurs poches, la quantité des comptes bancaires ouverts sur le dos de nos souffrances. Comment peut-on imaginer que des gens pareils puissent s’approprier les besoins, les aspirations de nos peuples, en faire un rêve, y croire dur comme fer et se battre pour que ceux-ci se réalisent ?

      Quand Martin Luther King disait : "I have a dream", il y croyait... et ce "dream", ce rêve était la somme des aspirations du peuple noir, en son temps. Mais le drame est qu’à la tête de nos états africains, nous avons des gens qui n’ont pas de convictions et des idéaux fondés sur la défenses des intérêts de leurs peuples ; nous avons des hommes et des femmes qui s’interdisent même de rêver, car le rêve a cela de magique, qu’il constitue une force qui transforme l’individu de l’intérieur. Nous avons des gens qui ont peur du rêve, car cela dérange et entraîne le changement.

      Et qui dit changement dit remise en question de beaucoup de chose, des renoncements à des faveurs illicitement acquises, des sacrifices et des efforts à consentir, etc. et pour ça, ils ne sont pas du tout prêts. Mais toute chose a une fin heureusement, car nous ne sommes de moins en moins d’accord pour supporter toutes ces dérives et ces arrogances affichées. Et de plus en plus de gens prennent conscience et les réactions ne sauraient tarder.

      Et l’on pourra apprécier le poids du rêve et de l’utopie, comme ils le prétendent...

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?