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JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

Publié le vendredi 6 mars 2009 à 01h32min

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Elle est l’une des rares femmes présidentes d’un parti politique au Burkina. En octobre dernier, Jeanne Traoré née Coulibaly, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a succédé à Laurent Kilachou Bado à la tête du Parti pour la renaissance nationale (PAREN). Reçue le vendredi 27 février 2009 par la Rédaction des Editions "Le Pays" pour une interview, la nouvelle présidente du PAREN a avoué être arrivée en politique suite à un concours de circonstances. Fidèle parmi les fidèles du professeur-député Laurent Bado, concepteur du tiercérisme, Mme Traoré expose, dans les lignes qui suivent, la vision de son parti sur certaines questions telles la situation des partis politiques, la présidentielle de 2010, la vie chère, etc. Très modeste, elle ne se sent pas prête pour briguer la magistrature suprême, bien qu’étant présidente de parti. Mais, pour elle, le système de gouvernance actuel de notre pays doit changer.

"Le Pays" : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Jeanne Traoré : Je m’appelle Traoré Jeanne née Coulibaly. Il semble que les femmes en Afrique se gênent de donner leur date de naissance, mais ce n’est pas mon cas. Alors, je suis née en 1960 dans un petit village de la province des Banwa. J’ai fait la première partie de mon école primaire à Bagassi, et la seconde à Nouna où j’ai obtenu le CEP et l’entrée en 6e. J’ai fait le premier cycle du secondaire au collège Notre Dame de Tounouma (ndlr : Bobo Dioulasso) qui s’est achevé par le BEPC et l’entrée en seconde. J’ai été par la suite au collège Kologh Naaba, à Ouaga où j’ai fait le second cycle. Après le BAC A4, je suis allée faire mes études supérieures au Bénin. Ces études ont été couronnées par une maîtrise en lettres modernes. Et dès que je suis rentrée au pays, j’ai fait mon SNP (ndlr : Service national populaire). Par la suite, j’ai passé un concours de la Fonction publique pour le recrutement de professeurs des lycées et collèges. Et c’est ainsi que j’ai entamé ma carrière professionnelle d’enseignant du secondaire à Ouahigouya. En 1998, j’ai passé le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure qui formait les conseillers pédagogiques et les inspecteurs du secondaire. J’y ai passé deux années. Et depuis 1999, je travaillais à la Direction générale des inspections et de la formation des personnels de l’éducation (DGIFPE) en tant qu’inspectrice de français. Depuis octobre dernier, je travaille au Centre international pour l’éducation des filles et des femmes en Afrique (CIEFFA). Je suis présidente du Parti pour la renaissance nationale depuis notre dernier congrès qui remonte à octobre 2008.

Comment êtes-vous entrée en politique ?

Comme je le dis souvent, c’est par un concours de circonstances. Parce que n’ai pas décidé d’un coup d’aller dans un parti politique. Au contraire, je me disais chaque fois que la politique, c’est trop difficile. Déjà, pour les hommes, ce n’est pas facile ; elle est encore plus difficile pour les femmes. En tout cas, la politique ne m’attirait pas du tout. Mais étant enseignante, j’étais en contact permanent avec une certaine jeunesse burkinabé. Et comme je donnais des cours de français, il nous arrivait, en culture générale, de débattre de beaucoup de sujets. Nous étions souvent amenés à discuter sur la corruption, la gestion de la chose publique, etc. C’est ainsi que j’ai senti que cette jeunesse avec laquelle j’avais un contact à travers ma profession, avait des idées très inquiétantes pour l’avenir parce que la majorité était arrivée même à me dire par exemple que l’honnêteté ne paie pas de nos jours, qu’elle est inutile. Bref, ils donnaient des exemples autour de nous. Là, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, car ce n’est pas normal qu’une jeunesse en soit arrivée à être désespérée sur le plan moral et sur le plan même de la société. Pour faire quelque chose, je me suis dis qu’il fallait que je trouve un terrain en dehors du cadre de l’enseignement qui n’est pas un terrain de débat politique.

C’est pourquoi je suis d’abord allée dans le syndicalisme. Là, c’était plus compliqué parce qu’il y avait une sorte de décalage entre les idées syndicalistes et mon public, c’est-à-dire la jeunesse. Le syndicaliste, c’est d’abord celui qui travaille. Alors que les idées politiques sont plutôt ouvertes à tous. L’autre circonstance est que dans les établissements d’enseignement, le professeur Laurent Bado (ndlr : fondateur du PAREN) donnait des conférences sur le « tiercérisme », sur ses idées, bien avant que lui-même ne se lance dans la politique. J’ai eu la chance de participer à ces conférences une ou deux fois et par la suite, j’ai échangé avec mes élèves qui m’ont dit, parlant de Bado : « Voilà quelqu’un qui dit des choses vraies que l’on veut entendre, des choses qui peuvent véritablement nous amener à croire que notre situation peut changer… ». C’était aussi ma propre conviction.

Et lorsque j’ai travaillé 2 ou 3 fois à l’IPM, j’ai rencontré un ami, le professeur Issa Nébié. C’est d’ailleurs lui que le professeur Bado a contacté quand il voulait créer son parti. Il m’a dit ; « Je te connais, tu as beaucoup d’idées qui cadrent bien avec celles du professeur Laurent Bado. Alors, pourquoi ne pas venir nous assister et trouver en même temps le créneau pour exprimer tes propres convictions ? ». J’étais tout à fait d’accord. D’abord parce que l’homme lui-même ne ressemble pas aux autres hommes politiques « faux-types » ; c’est ma propre conviction. J’ai trouvé en lui quelqu’un qui dit la vérité, qui croit en ce qu’il fait. Lui ne voulait pas venir à la politique, mais il a estimé que la situation était suffisamment grave et qu’il fallait aider ce peuple à évoluer, à changer. C’est ainsi que je suis arrivée à la politique.

Et pourquoi avoir choisi le PAREN parmi tant d’autres partis ?

Comme je l’ai dit, c’est d’abord l’homme, le professeur Bado en qui j’avais confiance et qui présentait une nouvelle façon de faire la politique, différente de celle des autres. Il y a aussi l’idéologie du PAREN, le projet de société qu’il propose. Il y a enfin le fait que beaucoup de partis se sont créés sans véritablement de programme. On réunit ses frères et on décide de créer un parti. Alors que Laurent Bado a créé son parti parce que déjà il avait un certain nombre d’idées qu’il communiquait d’ailleurs à travers ses conférences. J’ai estimé donc qu’avec le PAREN, j’avais l’occasion moi-même de m’épanouir parce que les idées qu’on y défendait cadraient très bien avec ma propre vision de ce que doit être la société africaine dans laquelle nous vivons.

Arrivez-vous à concilier les nouvelles charges de présidente du parti avec les autres charges dont celles du travail et du foyer ?

C’est un défi pour moi et je tiens à le relever. Il faut bien que j’arrive à concilier ces charges avec celles du service, du foyer et toutes les autres interpellations de la société. J’avoue que ce n’est pas facile, mais comme je l’ai dit, c’est un défi que je tiens à relever. J’avoue que depuis que je vis l’expérience, ce n’est pas facile.

Et qu’est-ce qui fait que ce n’est pas facile ?

C’est vrai que je suis encore toute nouvelle à la tête du parti et que je n’ai pas encore vécu l’expérience des élections en tant que présidente de parti, mais à ce qu’on dit, les gens deviennent plus féroces au moment des compétitions électorales. Ce qui me fait penser que ça va être beaucoup plus compliqué que ce que je vis présentement. Mais je crois que je devrais mieux m’organiser parce que j’ai une charge au service qui n’est pas du tout facile. Je m’occupe de coordinations techniques et administratives. Sur le terrain politique, ce n’est pas facile non plus parce qu’il y a beaucoup à faire. C’est sûrement avec le temps que je pourrai dire que le terrain politique pour la femme, c’est dur, c’est moins dur, ou c’est complètement affolant. Sinon au sein de mon parti, je n’ai pas de problèmes particuliers en tant que femme. Alors qu’ailleurs, ça m’aurait paru beaucoup plus compliqué. Je ne vais pas citer de parti en particulier.

Est-t-il facile de succéder à quelqu’un comme Laurent Bado ?

Non. Ce n’est pas du tout facile. Vous savez que le professeur Laurent Bado est une grande personnalité. D’ailleurs, dire qu’on remplace quelqu’un, ça relève de l’impossible. Laurent Bado est un intellectuel d’un certain rang. Je ne l’égale pas, il a plus d’expérience que moi. Mais d’un autre point de vue, je peux dire que c’est facile parce que j’ai appris à connaître l’homme (ndlr : Laurent Bado). Je sais sur quel terrain il faut aller avec beaucoup de précaution ; je sais qu’il est très exigeant et je partage d’ailleurs cette position. Sans véritablement être Laurent Bado, j’essaie de suivre le chemin qu’il a tracé en retenant ce qu’il y a de meilleur pour le PAREN.

N’avez-vous pas été élue à la tête du parti pour faire effet de mode, surtout qu’il est de plus en plus question du genre en politique ?

Non. Au parti, ce ne fut pas le cas. Au PAREN, la femme a un rôle important à jouer. A propos du rôle et de la place de la femme dans la société africaine, le professeur Laurent Bado a toujours relevé que la femme a toujours occupé une place de choix dans nos sociétés traditionnelles où elle est très respectée. Et contrairement à ce que beaucoup de gens croient, tout n’est pas mauvais par rapport au rôle et au respect qu’on accordait à la femme. C’est cette idée qui prévaut au sein de notre parti. Mais malheureusement, l’opinion publique pense que c’est pour faire mode que l’on a mis une femme à la tête du PAREN. Le défi donc pour moi, c’est de montrer à l’opinion publique que lorsqu’on met une femme à la tête d’un parti, c’est n’est pas pour faire effet de mode, mais plutôt parce qu’elle a sa contribution à apporter en tant que femme.

Seriez-vous tentée par la prochaine présidentielle ?

Pas du tout. Là aussi, ma réponse est claire et nette. Je ne suis pas tentée parce que j’estime qu’il faut prendre le temps de connaître suffisamment, par la pratique, le terrain politique burkinabè qui n’est pas du tout simple à déchiffrer en 2 ou 3 mois. Même en une année, ce n’est pas évident. Il faut du temps pour déchiffrer ce terrain et faire un travail de fond au niveau du parti. Et comme le professeur lui-même aime à le dire, et là aussi je partage son idée, il est vrai que l’objectif d’un parti politique qui se crée, c’est l’alternance. Mais l’objectif premier, ce n’est pas tout à fait ça. Ce qui est impératif au niveau du parti, c’est qu’il faut se préparer. C’est la meilleure façon d’aller aux élections sans y faire piètre figure.

Est-ce à dire que le parti s’est trompé, en 2005, en présentant le professeur Laurent Bado à la présidentielle ?

Pas du tout ! Je vous ai dit que le professeur Laurent Bado a beaucoup d’expérience. Je parlais plutôt de mon cas, je ne suis pas tout à fait prête pour la présidentielle. Mais Laurent Bado, c’est autre chose. C’est un fin politicien, si vous voulez ! Vous avez pu voir comment il mobilise le monde lors des meetings et des conférences !

Faut-il alors s’attendre à un retour du professeur ?

Retour ?!!! Quant vous parlez de retour, c’est comme s’il était parti ! C’est vrai qu’il n’est plus le président du parti, mais il demeure le père fondateur du parti. D’ailleurs, au niveau des textes du parti nous lui avons trouvé une place qui lui convient et nous avons travaillé à ce qu’il puisse toujours apporter sa contribution au niveau du parti. Un retour du professeur à la tête du parti, peut-être pas ! Mais il demeure d’une importance capitale pour les prochaines échéances électorales. Mais je ne vais pas devancer les choses. Ce sont des questions qui se discutent. Il serait prétentieux de ma part, en tant que présidente du parti, de dire que ça va se passer comme ça.

Le professeur lui-même n’aura-t-il pas un pincement au cœur que vous ne vous présentiez pas à la présidentielle ?

Ce n’est pas parce que moi je ne me présente pas aux élections que le PAREN n’ira pas aux élections ! Il n’y a pas de pincement au cœur à redouter. Je ne sais pas si pour vous, mathématiquement, c’est le président du parti qui se présente forcément aux élections présidentielles pour le compte du parti. En tout cas, moi, je ne vois pas la logique de cette façon.

Est-ce à dire que si les militants vous choisissaient comme candidate du parti pour la présidentielle, vous refuseriez ?

Je vous ai dit que personnellement je ne suis pas prête. Si le choix m’était donné, moi je préférerais attendre de bien connaître le terrain sur lequel je vais aller pour lutter. J’aimerais aussi d’abord acquérir plus d’expérience. Mais si les militants venaient à décider que c’est moi qui devrais aller compétir pour la prochaine échéance électorale, j’irais ! Ça c’est clair !

Comment avez-vous vécu cette affaire de millions que le professeur aurait reçus du chef de l’Etat ?

Je l’ai mal vécue. Je suis d’accord avec l’analyse selon laquelle il y a eu quelque part de la naïveté dans cette affaire. Mais, connaissant l’homme, je peux dire que les choses se sont passées véritablement comme il les a lui-même expliquées. Il n’y a pas autre chose. Je vois mal comment on peut penser qu’il a été corrompu. C’est le jeu politique, on l’a piégé, il est tombé dans le piège. J’estime que ce que les gens appellent naïveté, est plutôt une qualité que tout le monde n’a pas. Faire confiance à quelqu’un, être honnête, ce sont des qualités que l’on recherche. Mais malheureusement ce sont ces personnes que d’autres requins recherchent pour tromper, pour utiliser, etc. C’est dommage.

Quels sont vous objectifs à la tête du parti ?

C’est d’abord poursuivre la réorganisation et l’implantation du parti. Je tiens à redonner au parti l’aura qu’il avait dès sa création et qu’il a progressivement perdue au fil des différentes élections pour plusieurs raisons.

C’est vrai que vous êtes chef de parti politique, mais ça nous intéresse de connaître votre position sur les candidatures indépendantes…

Sur cette question, je crois qu’il y a deux aspects qu’il faut prendre en compte. J’estime que l’on ne peut pas aimer ou promouvoir la démocratie et, en même temps, mettre trop de garde-fous à l’expression de cette démocratie. Ensuite, il y a des textes, il y a des lois. J’estime donc qu’il y a des questions pour lesquelles il faut se fier à la loi. Maintenant, pour cette question précise, mon avis personnel est qu’il faut permettre les candidatures indépendantes. Il ne faut pas être aussi hypocrite. Je comprends ceux qui ne sont pas tellement d’accord, car les candidatures indépendantes sont une sorte de concurrence déloyale pour les partis politiques.

Peut-il y avoir de démocratie s’il n’y a pas de débat d’idées au sein des partis ?

D’office, je dirai non. Mais vous savez, le terrain politique burkinabè et africain en général est très complexe. Fondamentalement, il faut permettre la liberté d’expression. En tout cas, au PAREN, nous nous battons pour cela. On doit permettre à tout le monde de se servir de la clef qui permet d’exprimer la liberté d’expression, y compris ceux qui n’ont pas forcément des choses positives à apporter. Des garde-fous sont à y mettre. Mais comment mettre ces garde-fous ? C’est là qu’il faut légiférer, et la contribution des médias est capitale à côté de celle des hommes politiques.

Quelle est votre position par rapport au projet de loi relatif au vote des Burkinabè de l’étranger, au statut de l’opposition, au financement des partis politiques, etc. ?

Je crois que le vote des Burkinabè de l’étranger participe de ce que l’on a appelé le vote pluriel. Et c’est une bonne chose. Maintenant, il n’y a pas souvent de mesures d’accompagnement. Comment va-t-on gérer ce vote ? Qui va gérer ce vote ? Comment est-ce que la CENI (ndlr : Commission électorale nationale indépendante) va s’organiser pour que ce vote soit fiable. Et ces questions ne sont pas encore tranchées. C’est cela qui biaise souvent le débat dans notre pays : on vous présente une chose, que vous ne pouvez pas contester si vous êtes démocrate. Mais dans la pratique, vous ne la connaissez pas, n’étant pas sur le terrain. Et ce n’est que lorsque vous serez sur le terrain que vous vous rendrez compte qu’il y a des exploitations qui sont faites au niveau de ce que vous considériez comme un fondement démocratique. Et c’est en ce moment qu’il faut dénoncer et corriger. Il faut donc que l’opposition et la société civile soit vigilantes, pour que ce ne soit pas un terrain pour autre chose.

Pour les votes des Burkinabè de l’étranger, le PAREN aura-t-il les moyens d’installer des sections à l’étranger et d’y battre la campagne ?

C’est de cela que je parlais en terme de mesures d’accompagnement. C’est un cadeau qui n’est peut-être pas empoisonné mais qui peut tout de même cacher des choses désagréables par la suite. On sait que tous les partis ne peuvent pas toucher les Burkinabè de l’étranger. Il n’y a que quelques partis qui ont les moyens qui pourront les toucher et qui, certainement, vont exploiter cet aspect pour consolider leur base ou pour conforter leur électorat. Au niveau du PAREN, j’avoue en tout cas que nous n’avons pas les moyens d’aller battre campagne à l’étranger, ni même d’aller surveiller des bureaux de vote hors du territoire national. C’est de bonne guerre : on chante la démocratie partout, mais véritablement, tout le monde ne veut pas de la démocratie.

Quel est le point de vue du PAREN sur les derniers rapports de la Cour des comptes qui ont fait beaucoup jaser ?

C’est vrai, on ne nous pas entendu sur cette question mais nous déplorons certaines manières de procéder. Mais rappelez-vous que lorsque le professeur Bado était pour la première fois à l’Assemblée, il a proposé certaines lois, dont le délit d’apparence. Il s’est battu pour ça. De même, il a demandé, et certains partis lui ont emboîté le pas, que certaines personnalités publiques fassent la liste de leurs biens. Mais qu’a-t-on fait de ces propositions ? Si l’on voulait véritablement lutter contre la corruption, ce sont des propositions que l’on devrait prendre en compte. C’est pourquoi on se demande si les rapports de la Cour des comptes ne sont pas le médecin après la mort.

Le PAREN a-t-il démissionné face à cette question ?

Non, pas du tout ! On ne désarme pas ! Bien au contraire ! Je crois que c’est là qu’il faut interpeller chaque Burkinabè. Car les Burkinabè dans leur majorité ont désarmé face à la question. Nous sommes du terrain politique et à ce titre, c’est un peu notre rôle, je suis d’accord, mais également j’interpelle chaque Burkinabè face à cette corruption. Que fait chaque Burkinabè pour arrêter la corruption ? C’est là une question fondamentale.

L’argent rentre-t-il au PAREN ?

(Rires). J’aime bien le travail que vous faites, parce que généralement, vous savez beaucoup de choses. Vous savez très bien que ce qui est vraiment difficile dans les partis de l’opposition, c’est le problème d’argent. Au PAREN, on n’a pas à cacher que l’argent ne rentre pas toujours. Celui qui ne veut pas fournir d’énormes sacrifices de ce côté, il lui sera difficile de rester au PAREN parce que nous, nous vivons essentiellement des cotisations de nos militants. Déjà qu’avant la vie chère, ce n’est pas facile, maintenant avec la vie chère, c’est encore plus compliqué. On a beau être militant convaincu, indéfectible, la réalité est là : il n’y a pas les moyens. C’est la triste réalité et c’est pourquoi il faut que les choses changent fondamentalement.

Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement contre la vie chère ont été efficaces ? En d’autres termes l’étau s’est-il desserré autour des populations ?

Non seulement l’étau ne s’est pas desserré, mais j’ai l’impression qu’on va serrer plus ! Vous voyez comment les choses évoluent dans le monde. Ceux qui pensaient que Barack Obama viendrait avec une clef magique pour changer les choses sont en train de se rendre compte que lui-même peine à régler les problèmes dans son propre pays. La France, notre chère France, se cherche. Les pays asiatiques qu’on a appelés les Dragons sont également en train de se chercher. Ici, on estime que deux ou trois mesures peuvent suffire à refaire les choses ! Quand je vois chaque fois les partenaires techniques et financiers lors des séminaires, c’est bien mais pendant combien de temps va-t-on continuer à vivre de cette façon ? Est-ce glorieux de se faire assister ? Dès qu’il y a quelques cas de méningite, il faut alerter le monde entier pour demander de l’aide. Peut-on appeler cela intégrité, avenir d’une nation ? Je ne crois pas.

La saison a été bonne cette année, mais le prix des céréales est à la hausse…

Nous sommes en train de chercher à comprendre ce paradoxe. Nous enquêtons dans les villages pour comprendre ce qui se passe. Parce que nous pensons que c’est quand même contradictoire qu’il ait bien plu, que les paysans eux-mêmes reconnaissent avoir bien récolté et que, bizarrement, dès octobre, les denrées alimentaires produites au Burkina soient chères et rares. Qu’est-ce qui se passe ? Qui fait quoi ? Qui joue à quoi ? Ce sont autant de questions qui méritent des réponses. On est en train de faire des enquêtes sur la question.

Par quoi passe la renaissance que vous prônez au PAREN ? Le départ de Blaise Compaoré, comme le disent certains opposants, est-il la condition de cette renaissance ?

La renaissance est d’abord morale. Il faut absolument que le Burkinabè ait une nouvelle façon de voir le monde. Il faut qu’il entretienne de nouveaux types de relations avec l’économie. Beaucoup de Burkinabè en sont toujours à croire que le monde n’a pas tellement évolué par rapport au temps où on venait de sortir des indépendances. Ensuite, le changement doit intervenir au niveau de l’organisation de toute la société. Actuellement est-on moderne ? Est-on traditionnel ? A-t-on décidé d’aller absolument vers l’évolution ? On n’en sait rien. Il faut que les choses changent ! Et pour cela, ce n’est même pas le départ de Blaise Comparé qu’il faut, c’est tout le système construit qui s’avère dangereux. Pour moi, ce n’est pas une question d’individu, c’est le système qui est mauvais, il faut le changer. Et si en changeant le système, il faut balayer des gens, il me semble que c’est logique !

Un mot sur le FESPACO qui fait l’actualité ?

Voilà un joyau que le Burkina a eu la chance d’avoir entre ses mains et qu’il devait fortifier pour qu’il soit un véritable instrument d’ouverture, mais également de changement de mentalité du Noir. Parce qu’avec le cinéma, on a une autre façon d’informer, de sensibiliser et d’agir sur le mental de l’homme. Le FESPACO devrait être l’opportunité pour le Burkina d’être le pays où le cinéma devient un instrument de conquête de l’identité noire. Mais malheureusement, vu les difficultés qu’on connaît, on en arrive à la fermeture des salles de cinéma. Que va devenir finalement le FESPACO ? Va-t-on laisser l’Occident continuer à diffuser les images malsaines de l’Afrique ? Je crois que non ! Je souhaite qu’on fasse du FESPACO une arme de culture, de développement.

Croyez-vous aux élections en Côte d’Ivoire ?

En toute chose, il faut la foi. Lorsque l’on n’ a pas foi en quelque chose, on peut déjà estimer que l’on a échoué. Alors, j’ai foi aux élections en Côte d’Ivoire. Même s’il y a des signaux rouges qui indiquent que ce ne sera pas facile.

Votre mari est-il du PAREN ?

(Rires). Non… il n’est pas du PAREN. Si être du PAREN, c’est avoir une carte de membre, c’est participer aux réunions etc., mon mari n’est pas du PAREN. Mais il est tout de même PAREN d’un autre point de vue, parce que nous sommes en Afrique, vous savez très bien que madame ne peut pas être militante d’un parti à un certain niveau de responsabilité pendant que monsieur est complètement hors. Ce n’est pas possible ! Donc forcément, il est PAREN d’une certaine façon. Il nous soutient beaucoup.

Que représente pour vous le 8-Mars, journée internationale de la femme ?

La journée internationale de la femme, pour moi, c’est déjà un symbole ; le symbole de toutes les luttes menées par toutes les femmes à travers le monde. C’est aussi l’occasion d’accorder à la femme la latitude de contribuer efficacement au développement. Il y a des femmes qui ont perdu la vie dans la conquête de ce que nous sommes en train de célébrer aujourd’hui. Il y a des familles qui se sont sacrifiées. Il y a même des hommes qui se sont battus pour faire reconnaître ce que nous célébrons le 8-Mars. C’est donc tout un symbole. Mais je dois dire que c’est la façon de transformer ces symboles en des manifestations parfois folkloriques qui font perdre la première valeur de cette célébration, de ce symbole. C’est donc l’occasion d’interpeller chaque femme afin qu’elle ne voit pas en la journée internationale de la femme l’occasion de porter un pagne, d’aller défiler. Il ne faudrait pas non plus que pendant 2 à 3 jours on ne parle que du 8-Mars à la télé, dans les journaux et que les jours à venir, on recommence à tabasser les femmes dans les familles, à leur interdire d’aller participer aux réunions politiques et syndicales, etc. A ce niveau, j’interpelle les hommes : vous avez des compagnes, des mères, des sœurs, aidez-les à s’épanouir auprès de vous.

Et la Saint-Valentin ?

Je suis absolument contre l’imitation servile. Saint- Valentin, ça représente quoi pour nous Burkinabè ? Je ne sais pas ! Il y a déjà dans nos sociétés des fêtes traditionnelles soit par ethnie, soit par religion au cours desquelles ont permet à la femme de s’exprimer, de se faire reconnaître par ses beaux-parents, son mari, etc. Pour chaque couple, il y a des dates anniversaires qui peuvent être fêtées. Mais il y a des gens qui ne savent pas qui était Saint Valentin, ce qu’il a fait, etc. Ceux-là se tuent pour chercher des fleurs et autres cadeaux. Je trouve cela ridicule !

Est-il facile de diriger des hommes dehors et de retourner chez soi et vivre sa vie de couple ?

Je vais peut-être vous surprendre : j’aime ça. Et c’est ce que j’appelle la complémentarité. Il n’y a pas ce jour où je perds de vue que je suis une femme burkinabè, je suis une épouse et en plus, je suis mère. Même si je monte sur n’importe quel toit, une fois chez moi, je reprends mes habits d’épouse, de mère, et tout le reste. Et j’entends y tenir longtemps, parce que j’ai remarqué que c’est ce côté qui a coincé chez beaucoup de nos mères, nos grandes sœurs qui ont dû quitter la politique. Ce n’est pas toujours facile à comprendre par les familles, le voisinage, etc. Mais il faut bien y arriver. Dans le couple, je crois que tout est consensus. Quand vous vous mariez, si le consensus était que madame crie sur monsieur tout le temps, il n’y a pas de problème. Mais si le consensus était qu’il y ait le respect mutuel, je ne vois pas pourquoi les choses peuvent changer même si madame est secrétaire général d’un parti, député ou autre chose. Il faut que le consensus soit respecté. Cela fait partie de la convention entre un époux et son épouse.

Il y a donc des femmes qui ont mal compris l’égalité entre homme et femme… Oui, il y a eu des exemples où on a balancé le monsieur au dehors en disant : « Ecoute : maintenant, tu ne me commandes plus ! On est égaux ! ». Là, c’était, je crois, dans les années 1976, 1978. L’émancipation a été mal comprise. Heureusement, les choses sont rentrées dans l’ordre aujourd’hui.

En tant que femme, quelle leçon tirez-vous de l’expérience d’une femme élue présidente au Libéria ?

Nous sommes quand même un peu loin du Libéria. Je veux dire que nous sommes deux systèmes de colonisation qui ne sont pas identiques. Ça a donné des pays indépendants mais avec des organisations qui ne sont pas tout à fait identiques. Il y a des tares liées à la colonisation ou à la race de ceux qui nous ont colonisés, que nous trimballons. Ainsi, je trouve que le système anglophone est nettement meilleur à celui francophone. J’avoue que je n’ai pas d’expérience particulière sur la présidente élue du Libéria, en dehors du fait que je l’admire et qu’elle semble s’en sortir assez bien avec un pays qui venait de sortir de la guerre. Son exemple est une preuve pour toutes les femmes et pour tout le monde que lorsqu’on met sa confiance en une femme, elle peut toujours faire ses preuves.

Avez-vous des contacts avec d’autres femmes politiques au Burkina ?

Elles ne sont pas nombreuses et je ne peux qu’espérer qu’elles seront de plus en plus nombreuses. Mais je dois avouer que je n’ai pas de contacts formels avec elles. Des contacts informels, certainement. Mais je crois que les femmes en politique doivent essayer de travailler ensemble et de s’échanger les expériences. Et je vais bientôt faire les premiers pas dans ce sens.

Un mot pour terminer ?

Je voudrais juste dire que nous travaillons pour la même chose, vous et nous : assurer la liberté de parole des Burkinabè. C’est ce que vous faites, et nous dans le domaine politique, ce que nous faisons, ce n’est peut-être pas tout à fait cela, mais nous cherchons tout de même à permettre aux Burkinabè de vivre pleinement la démocratie, l’alternance.

Propos retranscrits par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 6 mars 2009 à 10:54, par mire En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    Courage madame.je ne suis pas du PAREN,mais je vous admire pour ce que vous etes.Bcp de reussite a la tete de ce parti.Ma priere vous accompagne !

  • Le 6 mars 2009 à 11:12, par Une lectrice En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    Courage a Mme Traore - A travers son interview, il ressort que c’est une femme intelligente, equilibree, qui entend allier son statut d’epouse, de mere et de militante tout simplement. Les raisons qui justifient ses premiers pas en politique sont tres nobles. Apparemment, elle a a ses cotes un epoux cooperatif et comprehensif ; ce qui est tres louable, car, malheureusement, il n’est pas rare que le plus grand frein aux ambitions politiques ou meme professionnelles des femmes soit le conjoint-lui-meme !

    Il faut savoir que les femmes sont pleines d’ambitions, de volonte de changement et de revolution, mais leurs reticences a pretendre sans reserve au pouvoir tient en partie a ceux qui l’incarnent - meme celles qui ont pu contre vents et marees se hisser a certains niveaux de responsabilite ne sont pas forcement des modeles qui parlent aux autres femmes !Il me semble qu’elles devraient faire la politique autrement.Voila, c’est dit : Des femmes en politique afin de l’humaniser davantage - la gent feminine represente plus de la moitie de la population - il faut donc qu’elle devienne une MAJORITE VISIBLE, mais en toute feminite (tres important).

  • Le 6 mars 2009 à 14:12, par le fougeni En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    j’ai suivi une émission de madame traoré avec pascal thiombiano de la tnb dans le cadre de actu hebdo et j’ai beaucoup apprécié le calme et la pondération de cette femme, pour moi c’est marque des grands dames, et elle a l’avenir à la tete du parti le paren. courage madame

  • Le 6 mars 2009 à 14:19 En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    l’article n’est pas correcte elle a succédé à Omar Djiguemdé qui a lui même succedé à Laurent BADO.

  • Le 6 mars 2009 à 14:31, par Despérado En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    Félicitation, Mme TRAORE, votre érussite est quasi certaine Car vous avez su relever la fibre culturelle chez les hommes qui entendent voir respecter leur autorité. Ceci est d’ordre culturel et la remise en cause de cet aspect pose et posera toujours des problèmes.

    J’ai apprécié également votre compréhension sur l’aspect "consensus". Consensus, oui mais conforme à l’éthique culturelle.

    Si un mari peut puiser de l’eau pour la douche de son épouse suivant un consensus à deux, ce même consensus peut rencontrer des diffciultés quand le même époux doit aller chercher l’eau au marigot pour la douche de l’épouse.

    Bravo Mme pour votre compréhension.

    • Le 6 mars 2009 à 15:58, par NAKA En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

      Felicitation Mme.
      Vous êtes une brave femme.Bcp de femmes devraient s’inspirer de votre experience.

      • Le 6 mars 2009 à 19:12, par tengbiga En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

        Bravo a cette dame qui a tout d’une personne intelligente ! ayez du courage, la determination vous semblez l’avoir deja et vous reussirez !

      • Le 6 mars 2009 à 20:08, par Le Lucide En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

        J’ai parcouru les propos de Madame la présidente du PAREN avec attention et de mon humble avis il ressort que c’est une battante qui apportera quelque chose à la scène politique du pays si elle est écoutée. Son approche des questions est débarassée de la langue de bois dont fait preuve certains politiciens qui pensent qu’en politique, il faut fermer "les yeux sur une abeille". Si j’ai un conseil à lui donner c’est d’éviter de citer chaque fois le professeur sinon cela fera paraitre une certaine lacune dans ses prises de position personnelles mais de recadrer toutes ses idées au compte du parti. Pour un début c’est pas mal du tout. Surtout ne vous laisser pas intimider encore moins vous divertir par qui que ce soit. Effet de mode ou pas, je trouve qu’elle se defend bien, a une bonne lecture des choses et semble avoir une vision. On ne demande pas plus que ça pour être chef de parti. Elle se forgera son charisme avec le temps. Félicitation Madame Traoré vous faites la fierté du Burkina.

  • Le 7 mars 2009 à 17:25, par Christian TRAORE, FRANCE En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    Bonne attitude de Madame TRAORE et réponses pour le moins très intelligentes, même si par endroit on peut être quelque peu exacerbé de la "sanctification" faite au Pr BADO qui reste dans la limite d’un homme politique normal, avec ses forces et ses carrances que l’on aura pu constater au cours de ses années de direction du parti.

    Cependant, carton rouge au journaliste qui a effectué une interview totalement décousue, allant d’un point A à un point B et revanant par on ne sait quel alchimie au point A, rendant ainsi ininterressant à la lecture cette interview.

    Bon courage à Madame TRAORE, vous avez de l’avenir.

  • Le 10 mars 2009 à 17:14, par wendlaboumb En réponse à : JEANNE TRAORE, PRESIDENTE DU PAREN : "Dur, dur de succéder à Laurent Bado"

    Voilà une lumière dans la pénombre du paysage politique du Faso actuel.
    Courage Madame. Que le Tout Puissant vous aide à concrétiser la vision qui vous a conduit dans le PAREN.

    Et s’il vous arrivait de recevoir des agressions gratuites, considérez les comme des appels au secours de personnes que vous devez aidez tant que vous en aurez les ressources.

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