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REDEPLOIEMENT DE L’ADMINISTRATION EN COTE D’IVOIRE : Les Forces nouvelles piégées

Publié le jeudi 5 mars 2009 à 01h23min

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Ce devait être l’acte emblématique de ce deuxième anniversaire de l’Accord politique de Ouagadougou sur la crise ivoirienne. Après plusieurs reports, le 4 mars avait été retenu pour la passation officielle de charges entre les commandants de zones, (ces autorités administratives et militaires des Forces nouvelles dans les régions sous leur influence) et le corps préfectoral nommé par l’Etat central. Mais de transfert de pouvoirs, il n’en fut rien.

Pourquoi ce nouveau flop, alors que les Forces nouvelles avaient donné l’assurance que cette fois-ci elles tiendraient parole ? Il faut croire que plus qu’ne simple formalité administrative, cette opération a un caractère hautement politique. Elle touche au coeur même du système militaro-administratif déployé par les FN dans les zones sous leur contrôle.

Démanteler les com’zones, comme on les appelle affectueusement, c’est, pour les FN, perdre une grande partie de leur pouvoir. Pourtant, il faut bien y arriver, conformément aux engagements pris par le camp des éx-rebelles et celui du président Laurent Gbagbo, dans le quatrième accord complémentaire à l’APO (Accord politique de Ouagadougou) signé récemment. Les FN se sont-elles fait piéger en accédant à cette clause fondamentale qui signe la fin d’une époque pour elles ?

En tout, les reports successifs de la passation de charges sont un indice clair des désaccords dans l’application de cette mesure. Déjà en proie à la fronde de certains com’zones peu pressés de perdre les privilèges et les honneurs que confèrent leur statut, le Premier ministre Guillaume Soro doit faire en sorte de ne pas davantage mécontenter ses hommes. D’où cette formule hybride qu’il a imaginée, consistant à faire cohabiter les com’zones et les préfets dans une phase transitoire dont on ignore du reste combien de temps elle prendra.

Car les FN veulent toujours, à défaut de contrôler entièrement les questions administratives, continuer à avoir la haute main sur celles militaires , sécuritaires et peut-être économico-financières. Bien qu’ayant accepté aussi l’unicité des caisses de l’Etat, on voit bien que les FN contrôlent toujours les postes budgétaires juteux. En définitive donc, les FN semblent acculées. Elles ont donné leur feu vert pour transférer leurs prérogatives administratives, mais constatent sur le terrain que la mise en oeuvre pose problème. Ce d’autant que les partisans du président Gbagbo, en bien meilleure position, ne manqueront pas de monter les enchères, comme le fait de refuser toute forme de bicéphalisme dans la gestion des régions.

En outre, ils savent qu’en acceptant le redéploiement de l’administration dans de telles conditions, ils légitiment les com’zones , la présence militaire des FN, et donc souscrivent à la possibilité d’organiser des élections même sans le désarmement des ex-rebelles ? Les faucons de l’entourage du président Gbagbo n’envisageront jamais une telle issue. En tout état de cause, cette affaire de passation de charges, qu’elle ait lieu dans les délais requis ou pas, profite plus au camp présidentiel. La pression est plutôt sur les FN, tandis que le pouvoir d’Abidjan attend, tranquillement. Sans élections (avec un territoire entièrement sous son contrôle bien évidemment), il est assuré d’être toujours aux affaires.

Cette lutte à fleurets mouchetés entre les FN et le pouvoir du FPI (Front populaire ivoirien) pour le contrôle de certaines régions du pays pose le problème du manque de confiance entre les protagonistes de l’Accord politique de Ouaga. C’est pourquoi deux ans après sa signature, son bilan reste mitigé. Pire, il n’a pas encore pu dégager l’horizon pour l’élection présidentielle censée marquer le terminus de ce long voyage chaotique du train Ivoire.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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