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Etalon de Yennenga : Qui succédera à Newton Aduaka ?

Publié le mardi 3 mars 2009 à 18h45min

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Après le sacre de Bamako d’Abderrahmane Sissako en 2005, Ezra de Newton Aduaka en 2007, lequel des 19 longs métrages en compétition en cette 21è édition du FESPACO, remportera l’Etalon d’or de Yennenga ? La réponse, on l’aura au soir de la proclamation des résultats. En attendant, retour sur le triomphe d’Ezra.

A travers Ezra, le réalisateur nigérian Newton Aduaka braque sa caméra sur une douloureuse réalité : l’utilisation des enfants soldats comme chair à canon dans les guerres et autres conflits armés. Ce film évoque aussi la question du trafic de diamants en Afrique de l’Ouest. Le long métrage a été tourné en 2006 au Rwanda. Il met en scène l’histoire d’un enfant-soldat sur fonds de guerre-civile en Sierra-Leone au début des années 90.

Ezra est un adolescent qui tente péniblement de retrouver une vie normale après avoir été enlevé à l’âge de 7 ans par des rebelles sierra-léonais qui l’utilisent comme soldat au cours de la guerre civile particulièrement cruelle qui a fait, de 1991 à 2001, quelque 200.000 morts. Le jeune Ezra, devant un tribunal de « Vérité et réconciliation » est appelé à raconter les années noires, son kidnapping par les rebelles et les exactions qu’il a commises. Sa sœur, victime d’exactions témoigne également.

Le film, par de fréquents « flash-backs », met en scène l’embrigadement d’enfants souvent drogués avant de commettre leurs atrocités. La caméra est au cœur de la guerre, avec une vérité restituée grâce aux nombreux témoignages recueillis par l’auteur du film. C’est un film poignant au ton bien tranchant. Ezra n’est pas indissociable de la vie même de Newton Aduaka. Celui-ci se définit d’ailleurs comme « un enfant de la guerre ». « Je suis né au Biafra (en 1966 Ndlr), un pays qui n’a existé que trois ans sur la carte du monde, et dont l’histoire a par conséquent été oubliée. Pendant ces trois années, plus d’un million de Biafrais sont morts dans une guerre très brutale, que j’ai vécue lorsque j’étais enfant. Je savais que cela faisait partie de mon histoire, de ce que je suis devenu. Mais je ne pensais pas que c’était encore si concret en moi, et je m’en suis rendu compte en revenant de mes premiers repérages en Sierra Leone, où j’avais rencontré des enfants qui étaient passés par l’enfer, des enfants qui avaient mené une guerre dont ils ne savaient rien, hormis les mensonges qu’on leur avait racontés ». Ainsi s’exprime Newton Aduaka.

Après la guerre, sa famille va s’installer à Lagos en 1970. A 19 ans, Newton Aduaka va partir à Londres poursuivre ses études supérieures et s’inscrire à l’école de cinéma « London International Film School ». Il en sortira diplômé en 1990. Tout le film de Newton Aduaka jongle avec la question de la mémoire et c’est surtout de sa construction que provient la tension. Le situant dans le conflit sierra-léonais, Newton invente une commission "Vérité et réconciliation" qui tente d’obtenir d’Ezra le récit et la reconnaissance de ses crimes.

Le jeune garçon de 10 ans qui allait à l’école s’est trouvé pris dans un engrenage d’endoctrinement et de drogue qui fera de lui un combattant sans états d’âme, capable de tout et même de tuer ses parents et de faire sauter leur maison. Le jeune Ezra est devenu amnésique. Est-il sincère ? A t’il vraiment tué ses parents ? Ment-il pour ne pas être condamné ou bien son traumatisme est-il tel, qu’il a développé un processus de protection par l’oubli ? La beauté du film tient dans le choix de ne pas juger, mais de faire ressurgir les souvenirs soient-ils tragiques pour pouvoir pardonner.

Un tribunal de réconciliation nationale sous l’égide de l’ONU a été formé. Le juge, la psy et la sœur de l’accusé, seule survivante du génocide du village, sont là non pas pour accuser, mais pour rétablir la vérité. La guérison de tous doit passer par là. Newton Aduaka avec beaucoup de sensibilité parvient à nous émouvoir et à nous interroger sur nos propres sentiments.

Le 03 mars 2007, L’Etalon d’or, assorti d’un chèque de 10 millions de francs CFA (15.245 euros), lui a été remis par le président du Faso, Blaise Compaoré. Le jury s’est penché sur Ezra pour " son actualité et la pertinence de son propos". Le film a également été primé par l’Unicef et l’ONG « Plan ». "J’espère que ce film va donner de l’espoir. J’essaye d’être utile, ce n’est pas juste de l’art pour l’art ». Ce dont j’essaie de parler concerne tout le monde » a déclaré, ému, le cinéaste nigérian en recevant le prix, devant près de 20.000 personnes réunies au stade du 4-Août.

Cette année, 19 cinéastes rêvent du même sacre. Parmi eux, figurent les deux réalisateurs burkinabè Boubacar Diallo et Missa Hébié, avec leurs films respectifs « Cœur de lion » et « Le fauteuil ». Qui des 19 prétendants chevauchera l’Etalon ? Faites vos jeux !

Arsène Flavien BATIONO (bationoflavien@yahoo.fr)
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 3 mars 2009 à 22:18, par HEY En réponse à : Etalon de Yennenga : Qui succédera à Newton Aduaka ?

    Je l’ai vu ce film, il meritait vraiment le tropheee en tout point. Le genre de film qui devrait se vendre au dela des frontieres africaines. A quand les films africains dans les grandes places de distribution dans le monde. Pourquoi apres le FESPACO, il est quasiment impossible de voir les films en competition que ce soit au cinema ou en DVD.
    Comment les producteurs de ces films peuvent rentabiliser leurs productions si elles disparaissent des salles et du marche juste apres le FESPACO.

    • Le 4 mars 2009 à 20:59, par Boobak En réponse à : Etalon de Yennenga : Qui succédera à Newton Aduaka ?

      la commission du FESPACO devrait préparer l’après FESPACO afin que tout ne soit pas si calme et muet dès la fermeture de l’un des plus grands sinon le plus grand festival du cinéma Africain.
      Pourquoi ne pas augmenter conséquemment aussi le montant du prix de l’Etalon d’Or. 10 millions fcfa, si bien que ca reflète quand même le niveau de vie du pays, ca parait peu pour des films qui apportent beaucoup pour le développement de l’Afrique. On pourrait opter également de présenter une fois sur deux éditions, le FESPACO dans d’autres contrées en Afrique pour accroitre la notoriété du dit festival, tout en gardant la traditionnelle rue marchande et permettre aux cinéphiles de voir les nouveaux films en concurrence pour chaque édition. Les étudiants et stagiaires Burkinabè en Tunisie organiseront par exemple la 2è édition de leur mini FESAPCO à Tunis. Un succès probable vu l’engouement, l’attraction et le coup de maître de la 1ere édition. Le chemin est encore long, mais le FESPACO pourrait bien rivaliser avec les CESARS ou les OSCARS

      Bien à vous !

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