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Le FESPACO a 40 ans : A quand les résultats pour le cinéma du négro-africain ?

Publié le jeudi 26 février 2009 à 21h49min

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Alors qu’en général, cinéma et industrie vont de paire, en Afrique, le cinéma rime avec artisanat. C’est un monde de débrouillardise et de tâtonnements à tous les paliers du secteur. Les moyens techniques sont défaillants et bien souvent il faut faire appel à des techniciens étrangers pour la finition des différentes œuvres. Les difficultés financières pour leur part ont comme un goût d’évidence.

A quelques jours de l’ouverture de la biennale du cinéma africain, le Burkina Faso, pays organisateur se retrouve avec un film et demi en compétition officielle pour l’Etalon d’or. Si le néo-réalisateur Boubacar Diallo a un film complètement achevé, son confrère Missa Hébié en est encore à la recherche de fonds pour terminer son œuvre. Et pratiquement à chaque édition du FESPACO, il faut recourir à des subterfuges, aides gouvernementales et autres, pour que le Burkina Faso puisse avoir ne serait ce qu’un film en compétition officielle long métrage. Dur challenge donc pour le pays organisateur, mais aussi pour l’ensemble des pays de la sous région ouest africaine.

En effet, les bailleurs de fonds européens qui étaient un peu plus enclins à financer des films calebasses, présentant une Afrique exotique, avec des filles au sein nus dansant au son du tamtam dans un décor de cases et de hautes herbes, sont beaucoup plus réticents à suivre nos réalisateurs dans leur évolution.

La réalité du cinéphile africain n’est ni un village avec un chef omnipotent tentant de faire respecter des rites et coutumes, ni le mariage forcé ou encore la sorcellerie. Le cinéma dans lequel se reconnaît aujourd’hui un africain, est celui qui comprend un décor urbain, la corruption latente, les difficultés d’un monde capitaliste, mais aussi l’espoir la réalité des échanges avec l’occident et forcément une certaine dose de remise en question des influences occidentales. Mais le fait est que pour réaliser les films qui plaisent aux africains, il faut que l’on passe de l’artisanat à l’industrie. Ce n’est sûrement pas en restant dépendant des finances européennes que l’Afrique y arrivera. La question de l’indépendance financière qui est occultée de toute part mérite d’être posée clairement pour que le cinéma du continent sorte du ghetto dans lequel il est maintenu. Et cela passe forcément par un réseau de distribution continentale tout au moins, des réalisations cinématographiques. La preuve est faîte au Burkina Faso qu’un film africain de bonne qualité peut remplir les salles de cinéma et cela pendant plusieurs semaines. La réalisation guinéenne “Il va pleuvoir sur Conakry“, en est un exemple patent.

Mais au delà, de la sous région ouest africaine, combien de films africains sont allés plus loin ? Il n’y en a pas des masses et pourtant depuis près de 50 ans, les africains produisent et même se retrouvent chaque deux ans pour competir et échanger leurs expériences. Il faut donc croire que le FESPACO n’aura pas été un véritable tremplin pour une diffusion mondiale de notre cinéma. En dehors de quelques rares petits festivals exotiques dans certaines banlieues occidentaux et en marge de l’actualité de ces pays, les films africains sont condamnés à rester chez eux. Même sur le continent, l’on a un cinéma à deux vitesses. L’Afrique du Sud qui a été longtemps absente au FESPACO a vite marqué sa présence lors des deux dernières éditions. Le pays de Nelson Mandela rehausse d’un cran la qualité des films en compétition ; des films qui d’ailleurs voyagent plus facilement en dehors du continent que ceux de l’Afrique subsaharienne. L’Afrique du Nord possède également un cinéma plus développé qui bénéficie d’un circuit de distribution beaucoup plus élaboré, notamment en direction des pays arabes de l’Orient, mais aussi de l’Europe.

L’Afrique noir devrait profiter de l’avènement du numérique beaucoup moins cher pour faire connaître son cinéma et le faire voyager dans le monde. Au lieu de cela, l’on assiste à une guerre froide entre les partisans du film argentique classique et les nouveaux réalisateurs qui ont embrassé le numérique. Cette dernière catégorie de réalisateurs tire en tout cas son épingle du jeu avec, pour ne parler que du Burkina Faso, Zida Boubacar dit Sidnaaba et Boubacar Diallo, qui sont très prolixes .dans leurs productions. Ces réalisateurs sont d’ailleurs moins dépendants des fonds étrangers. Ils arrivent à rentabiliser leurs productions et s’autofinancent dans la majorité des cas.

Le cinéma Nigérian qui exploite aussi beaucoup le numérique est un des plus grands pôles de productions de l’Afrique noire. Ce cinéma est en passe de coloniser le reste de la sous région ouest africaine et même au delà. Ce sont donc là quelques modèles de réussites à encourager et à imiter pour les autres pays.

Dans les résultats de ces 40 ans d’existence du FESPACO, il y a bien entendu des lauriers à récolter. Le développement des productions de séries africaines, tant dans la quantité que dans la qualité est fort à saluer. Des réalisations telles “Quand les éléphants se battent“, Ma famille“ ou encore la récente “Super flics“, sont très appréciables. Ne serait ce que parce qu’elles évitent que nous ne soyons nourris que par les télénovelas d’Amérique latine.

En 40 ans d’existence, le FESPACO aura permis de faire converger professionnels amateurs et autres touristes du monde entier vers l’Afrique et le Burkina Faso chaque deux ans. L’espace d’une semaine, l’actualité mondiale réservera une plage à l’Afrique pour parler d’autre chose que de guerre, coup d’Etat, maladies ou autrse infamies peu valorisantes.

C’est peut être là, la plus grande victoire du festival le plus panafricain qui soit. Vive le FESPACO, pour un rayonnement mondial du cinéma négro-africain.

Hermann Nazé
Lefaso.net

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