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Politique : Ces opposants versatiles

Publié le mercredi 7 juillet 2004 à 07h06min

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Le père M’ba Abessole, exténué, vient de déposer, toute honte
bue , les armes de son combat politique aux pieds de Omar
Bongo Odimba, celui-là même dont il a décrié pendant
longtemps le mode de gestion de l’Etat gabonais. Evincer Omar
Bongo de la présidence gabonaise a été, pendant longtemps,
l’aiguillon de sa lutte politique. Mais le héros semble fatigué , et
il n’y a rien de plus lamentable qu’un héros fatigué.

Prompt à
toutes les compromissions pour la rémission de ses péchés
passés, la dénégation de ce qui faisait le fondement de toute
une vie dédiée à l’intérêt commun, en constitue le stade
suprême. Comble de l’aplatissement, le nouveau combat de
M’ba Abessole est celui de décrocher le poste de directeur de
campagne du président Bongo. Le chef (ex-chef ?) du
Rassemblement national des bûcherons (RNB) a lâché les
siens. Les bûcherons ont été laissés en rade d’une ambition
dont les véritables contours sont difficiles à cerner ; les
bûcherons n’ont plus de bois à couper. Leur chef a fait feu de
leur bois. Pauvres bûcherons Qu’est votre leader devenu ? Dieu
des bois, relève-toi, Abessole est devenu fou (nous plagions là
le refrain d’une chanson de Michel Sardou).

Comme une malédiction familiale qui happe cycliquement les
meilleurs éléments d’une fratrie, M’ba Abessole, à l’image de
bien d’autres opposants africains avant lui, a succombé aux
charmes du pouvoir. Comme un veau affamé, il a happé la pie
de la vache. Brusquement, Abessole se retrouve sur la même
longueur d’onde idéologique que l’homme fort du Gabon. A
moins d’avoir renié sa propre idéologie, si idéologie il y en avait.

L’acte de reddition que vient de signer M’ba Abessole, retrouvera
dans les archives de l’histoire ceux que des opposants d’autres
pays africains avaient signés à un moment donné de leur
parcours politique. C’en est à désespérer du niveau de
conviction de certains leaders de l’opposition en Afrique.
Beaucoup d’entre eux tempêtent tant qu’on ne leur tend pas des
propositions alléchantes. Que le pouvoir leur jette un os, et ils
s’y ruent comme une meute d’affamés. Certains rampent de nuit
dans les allées du pouvoir pour "voir dans quelle mesure on
pourrait travailler ensemble". Nous sommes tentés de dire que
ce ne sont ni plus ni moins que des "opposants alimentaires",
dont l’alpha et l’oméga du combat politique sont l’accroissement
du niveau de vie et la recherche de prestige. Passer de l’ombre
à la lumière est leur principal leitmotiv. Le seul problème est
qu’ils seront utilisés et rejetés à la première occasion, après
avoir été compromis définitivement.

Le revirement plus que spectaculaire du leader des bûcherons
gabonais dénote-t-il d’un réalisme politique ? A-t-il la conviction
qu’il ne pourra jamais dégommer le leader du Parti
démocratique gabonais (PDG) ? Est-ce pour des raisons
bassement matérielles ? Quelles que soient les raisons
invoquées pour partager le lit du pouvoir, il y a une constante
dans ce type d’alliance. Tôt ou tard, le divorce sera prononcé.

Celui qui renie ses convictions initiales pour un mariage de
raison est presque invariablement payé en monnaie de singe :
on n’additionne que des unités de même nature.
Les dindons de ce jeu d’intérêts inavoués et inavouables sont
les militants de base qui ont placé leur espoir dans un leader en
qui ils ont cru. En adhérant souvent corps et âme à la cause de
leur favori, nombreux sont ceux qui ont subi toutes sortes de
préjudices, notamment des carrières brisées et même pertes
de vie pour certains. Et au moment des choix fondamentaux, ils
n’ont pas droit au chapitre ; leur opinion est ignorée. C’est donc
légitimement que ceux-ci auront le sentiment d’avoir été
sacrifiés sur l’autel de sombres intérêts.

Un homme politique
burkinabè a récemment posé la question judicieuse de savoir
pourquoi on s’oppose ? Sa conclusion a été que chacun a ses
raisons propres et, à son sens, la principale raison est la
promotion sociale personnelle. En un mot, la fin justifie les
moyens.

Ce va-et-vient stratégique constitue un frein à l’avènement d’une
véritable alternance dans beaucoup de pays africains. Il va sans
dire que l’opposant qui change de camp va vendre à ses
nouveaux maîtres les stratégies qui avaient été adoptées par
ses anciens compagnons en vue de la conquête du pouvoir
d’Etat. A ce rythme, il sera difficile de sortir de l’ornière.

Le Pays

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