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Union Africaine : Les travaux du 12è Sommet hantés par l’Autorité de l’Union

Publié le jeudi 5 février 2009 à 10h18min

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Alain Yoda

Le 12è Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine a pris fin le mercredi 4 février 2009 à Addis Abéba. Placée sous le thème du développement des infrastructures en Afrique, cette rencontre a été largement dominée par le sujet de la session spéciale qui a porté sur le Gouvernement de l’Union. A l’issue des travaux, le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale, SEM B. Alain Yoda, qui y a représenté le Président du Faso, s’exprime.

Vous venez de participer au 12è Sommet de l’Union Africaine, quelles sont vos impressions à l’issue des travaux ?

Alain Yoda : L’impression générale est que l’Afrique est arrivée à un moment où il est nécessaire pour tous les continents de s’organiser et il est nécessaire pour l’Afrique de s’organiser pour faire face à la mondialisation et pour peser dans le monde, participer à l’évolution du monde, comme la réforme du Conseil de Sécurité des Nations unies ; et pour constituer un bloc important pouvant agir pour le développement de l’Afrique.

Un mot sur les grandes conclusions ?

Il y avait plusieurs réunions à la fois. Il y avait une réunion de la CENSAD, des Communautés Economiques Régionales (pour faire le point), des réunions préparatoires au Sommet du Comité des Représentants Permanents (COREP), qui se réunit pour préparer l’ensemble des dossiers, la réunion du Conseil Exécutif (ministres en charge des Affaires Etrangères), le 10è Sommet Forum des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Mécanisme d’évaluation par les Pairs (MAEP), le 12è Sommet ordinaire de l’Union Africaine, et bien sûr, la session spéciale des chefs d’Etat sur le Gouvernement de l’Union.

Les grandes conclusions dans le domaine politique, c’est la réaffirmation de la nécessité de maturation pour l’Afrique, pour pouvoir s’adapter au monde, mais également l’examen des problèmes que connait l’Afrique. Vous savez qu’il y a beaucoup de foyers de tension sur le continent africain. Donc, il y eu l’analyse de tous ces foyers pour voir les mesures qu’il convient de prendre pour les éteindre.

C’est également l’examen des questions préparatoires à l’existence même de l’Union ; à savoir le problème des infrastructures, de la santé, de paix et de sécurité, de transport… Tous les problèmes qui sont liés à la vie d’une nation ; puisqu’on veut tendre vers l’Union, et évidemment le gouvernement de l’Union.

La session spéciale organisée le 1er février 2009 par les Chefs d’Etat, a abouti à la création de l’Autorité de l’Union. Qu’est ce que c’est ?

Ils ont décidé de renforcer les compétences de ce que nous avons comme Commission, de l’élargir à certains autres domaines pour lesquels il n’y avait pas encore de représentant particulier, comme les Affaires Etrangères, la Défense, le Commerce…

Egalement, cette autorité va être animée par des Secrétaires, et il a été confié au Conseil Exécutif (aidé en cela par la Commission) de réfléchir au nombre de portefeuilles de secrétaires qu’il faudra pour animer la structure de l’autorité. Il y aura évidemment un Président, un vice président et un certain nombre de secrétaires.
Je dois dire que c’est un pas en avant dans le cadre de la préparation de ce qui va advenir lorsqu’on sera arrivé au terme de la construction de cette Union qui va être la mise en place d’un gouvernement de l’Union, ou si vous voulez, un gouvernement des Etats-Unis d’Afrique. Mais c’est l’objectif vraiment à terme !

Cette décision va-t-elle dans le sens de la vision du Burkina sur le sujet ?

Oui ! Le Burkina Faso a toujours eu une vision progressive. C’est dire qu’il y a des préalables à la mise en place d’un gouvernement continental. Vous ne pouvez pas mettre un Gouvernement continental en place, (parce qu’un gouvernement est fait pour gouverner naturellement), et pour gouverner, il faut avoir les leviers de ce gouvernement, il faut pouvoir communiquer facilement, se déplacer facilement, il faut avoir une vision commune par exemple dans le domaine de la santé, de la défense… Dans des domaines stratégiques. Alors, si vous prenez aujourd’hui le Lesotho et le Burkina Faso par exemple, ils ne commercent pratiquement pas ensemble, leurs populations ne se connaissent pas. Vous ne pouvez donc pas créer un gouvernement qui reflète vraiment les désirs de ces deux pays. La volonté de vivre ensemble est une volonté politique et sociologique forte ; et si les populations ne se connaissent pas, il est difficile que cela puisse arriver.

C’est pourquoi le Président du Faso a toujours eu la vision qu’il faut absolument qu’on passe par différentes étapes, et que l’on aille de l’avant de façon progressive. De ce point de vue, lors des débats, une très grande majorité s’est dégagée pour qu’il y ait cette progressivité dans la démarche.

Evidemment, nous avons quelques pays, très peu, qui étaient pour le Gouvernement de l’Union ici et maintenant. Mais le constat que je fais est que ces pays qui ont une vision particulière de la vie, sont des pays à l’intérieur desquels il y a quelques difficultés. Ce qui est paradoxale ; puisque pour pouvoir entrer dans une entité beaucoup plus global, il faut que vous ayez la sécurité, l’unité à l’intérieur. Et le Président du Faso a toujours estimé que les premières choses que nous devons faire, c’est de renforcer nos communautés régionales, qu’elles soient des entités fortes sur les plans économiques et politique. Ainsi, si elles coordonnent les activités de pays qui se connaissent bien, l’unité est beaucoup plus facile à faire. Ensuite, le renforcement des communautés régionales entre elles, permet d’être plus opérationnel ; puisqu’elles sont beaucoup moins nombreuses que les pays. En effet, il est plus difficile de réunir 53 pays que de réunir 5 régions. Ce sont là les principales raisons de notre vision et c’est cette vision qui s’est imposée.

La décision a-t-elle été facile à prendre ?

Non ! Non ! Ça n’a pas été du tout facile à prendre, parce qu’il y avait beaucoup d’intérêts ; mais la lucidité a manqué à certains pays parce que vous ne pouvez pas créer les Etats -Unis d’Afrique à partir de rien.
On prend souvent le cas des Etats-Unis d’Amérique, mais les USA, c’est après des guerres violentes qui ont coûté la vie à des millions de personnes que l’unité s’est imposée.

Si vous prenez l’Europe, il n’y avait pas de région du monde où il y avait autant de guerres ! Et ensuite, depuis qu’on parle de l’Union Européenne, on a commencé par le charbon, on est passé à l’acier, ensuite, on a essayé d’avoir une politique économique commune… Ils sont donc allés de façon progressive, par cercle concentrique si vous voulez, en commençant par les problèmes les plus communs aux populations, pour venir aux problèmes politiques ou aux questions de défense.

Mais pour le cas africain, certains Etats veulent brûler des étapes ; ce qui n’est pas possible. L’idée générale qui est sortie est que si nous voulons des Etats-Unis forts, durables, des Etats-Unis qui pèsent dans le monde, il faut justement que nos soyons très unis, vraiment consolidés. Que les choses ne se passent pas sans réflexion, sans base solide. Parce que, si vous n’avez pas de fondements solides de ces Etats-Unis, ça sera toujours des Etats-Unis sur papier, et nous serons toujours la risée des autres parties du monde.

Le Conseil Exécutif a réfléchi sur l’organisation de l’Autorité ; que peut-on retenir de vos échanges ?

Les Chefs d’Etat ont pris la décision politique de transformer la Commission de l’Union Africaine en Autorité de l’Union. Hors, si vous prenez l’Acte constitutif de l’Union, vous avez un certain nombre de règles et de procédures qui y sont prévues ; et les organes de l’Union ont été nommément cités dans l’article 5, et si vous voulez changer un organe, vous êtes obligés de passer par l’article 32 qui indique la procédure de modification de l’Acte Constitutif.

J’étais très étonné que certains pays, ou certains hommes d’Etat, qui me semblaient avoir de l’expérience, ne comprennent même pas cette nécessité. Ils pensent qu’on peut décider comme ça, de changer les organes, de créer des organes, et voilà, c’est fini, on commence à appliquer. C’est ce point là qui était vraiment difficile à faire comprendre aux uns et aux autres. On leur a montré que quelque soit le bout par lequel on prend le problème, il faut nécessairement passer à une modification de l’Acte Constitutif. Et cette modification doit suivre la procédure normale ; et il faut que l’on connaisse toutes les implications des organes qu’on crée !

Vous passez d’une commission de 10 membres à une commission de 14 ou 16 membres, il faut voir les implications à la fois spatiales, financières, humaines, et toutes les procédures permettant de mettre tout ceci en place. Donc, c’est quelque chose qui ne peut pas se faire du jour au lendemain.

C’est pourquoi le Conseil Exécutif a suggéré à la Conférence qu’une réunion extraordinaire soit convoquée pour examiner avec la Commission actuelle toutes les implications à la fois politiques, financières, juridiques et organisationnelles, afin de dégager au prochain Sommet de l’Union en juillet, toutes les démarches à suivre.

Evidemment, ceux qui voulaient le gouvernement continental ici et maintenant n’ont pas pensé à ces choses-là. Ils pensaient qu’il suffisait de décider. Mais, nous avons des parlements, des Cours constitutionnelles, des populations. Et, quand vous parlez de défense, des Affaires Etrangères, il s’agit de céder une partie de la souveraineté de chaque pays ; et vous ne pouvez pas céder cette souveraineté au mépris des organes institutionnels qui existent dans votre pays, et c’est ça qui constitue la difficulté.

Yolande Kalwoulé
DCPM/ MAECR

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