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TROUBLES A MADAGASCAR : Les ambitions d’un maire atypique

Publié le lundi 2 février 2009 à 02h11min

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En dépit de la condamnation anticipée de l’Union africaine (UA), la vacance du pouvoir semble une évidence à Madagascar. Le chef de l’Etat, Marc Ravalomanana, a visiblement du mal à s’imposer devant Andry Rajoelina, le jeune maire de Tananarive qui s’est autoproclamé leader de la Grande île durant le week-end. Mais le très jeune leader contestataire, propulsé depuis peu à la tête de la mairie, a-t-il seulement eu le temps de faire ses preuves dans la gouvernance politique ?

Le voilà qui ambitionne de piloter le navire malgache vers des rivages quasi inconnus, suivant à quelques exceptions près, la même voie que celui qu’il combat aujourd’hui. Cela ne présage rien de bon, d’autant que le fil du dialogue est comme définitivement rompu entre les deux hommes. Le week-end dernier en effet, les contradictions se sont exacerbées entre ce maire atypique de la capitale et le chef de l’Etat élu, mais apparemment timoré. En attendant que le brouillard se dissipe totalement, l’on ne peut que supputer quant aux décisions de l’Union africaine (l’UA) qui a renouvelé sa condamnation de toute prise du pouvoir par des voies non constitutionnelles.

Aujourd’hui, elle ne peut que constater les dégâts. A contrario, la France, qui a d’énormes intérêts dans la région, ne verrait pas d’un mauvais œil la chute d’un homme jugé pro-américain par Paris. On le sait, l’Elysée accordait plutôt ses faveurs au camp adverse, celui de l’ex-président Didier Ratsiraka, battu malgré tout à la dernière présidentielle par le chef de l’Etat actuel. Aucun ambassadeur français ne réside encore dans le pays. Superstitieux ou pas, le président Ravalomanana aurait rejeté la nomination d’un diplomate ayant officié par le passé dans des pays marqués par des…troubles. Depuis, plus rien. Aujourd’hui, il y a donc comme un air de revanche puisque parmi les opposants en vue, figurent des proches de l’ancien patron de la Grande île.

S’agissant en particulier du jeune maire qui ambitionne de prendre les rênes du pays, il semble peu se soucier des critiques émanant de l’extérieur. Encore moins des cadavres qui s’amoncellent chaque jour sur la route menant au palais de la république. Le vide laissé par les acteurs politiques, dont l’opposition, semble bien lui profiter. La société civile elle-même a du mal à se faire entendre. Rajoelina prétend que le président n’est pas un démocrate.

Mais lui-même ne propose pas d’alternative crédible. Riche, ambitieux, sans grande expérience, il semble plus attiré par les honneurs. En tout cas, il est loin de se soucier des morts qui s’amoncellent tous les jours dans les hôpitaux et à la morgue de la capitale malgache. Ce maire atypique a jusque-là su tirer profit du mécontentement général. Toutefois, il ne parvient toujours pas à exploiter judicieusement le processus démocratique pour parvenir à ses fins. Il se trouve pourtant à la tête d’une insurrection qui pourrait lui coûter cher.

D’autant que le chef de l’Etat et ses partisans ne s’avouent toujours pas vaincus même si le président malgache n’a pas encore fermé définitivement les portes du dialogue. Le président Ravalomanana voudrait-il ainsi faire preuve de magnanimité ou serait-il simplement négligent ? L’on comprend difficilement qu’il n’use point des prérogatives que lui laisse la Constitution. Chef suprême des forces armées et de la magistrature, on se demande bien pourquoi il n’emprunte pas les voies constitutionnelles de recours qui sont les siennes. Nombre de ses pairs du continent n’auraient pas hésité à réprimer dès les premières heures de la contestation. Naïveté, peur ou incapacité de mobiliser l’armée ? Le chef de l’Etat malgache bénéficie-t-il réellement de l’appui de la grande muette ?

Celle-ci parviendra-t-elle à préserver sa cohésion tout au long de la crise ? Le comportement du jeune maire atypique de Tananarive est peu envisageable ailleurs sur le continent où de simples grévistes sont gazés sans autre forme de procès. Si le président Ravalomanana n’a pas osé le faire jusque-là, c’est peut-être pour ne pas courir le risque de rejoindre le peloton des dictateurs du continent. A moins d’attendre de pouvoir compter sur les décisions de l’UA pour sévir en toute responsabilité. L’UA a anticipé en condamnant toute prise de pouvoir par des voies non constitutionnelles.

Mais, encore une fois, l’organisation semble prêcher dans le désert. Ses proclamations perdent continuellement de leur crédibilité dans une Afrique où l’on se convainc de plus en plus que l’UA travaille davantage pour protéger les chefs d’Etat. Elle ne milite aucunement en faveur de l’alternance et de la bonne gouvernance. Pire, elle n’a aucune politique véritable de prévention, préférant plutôt attendre de constater et de condamner. Les peuples africains sont las du comportement des acteurs politiques qui ont démissionné devant leurs responsabilités. Gouvernants et opposants politiques semblent se refuser à examiner avec bienveillance la demande sociale qui s’accroît. D’où l’intrusion de la rue qui tend à assurer une relève dont les partis politiques semblent ne point vouloir.

En tout cas, la bagarre en cours actuellement sur la Grande île, montre combien la communication (radio) peut servir de canal menant à la prise du pouvoir. Mais peut-on pour autant ne pas respecter les lois ? Situation atypique qui montre que la politique semble de plus en plus dévoyée en Afrique où l’on fait irruption n’importe comment dans l’arène. N’importe qui, parce que riche ou puissant, se donne des prétentions. Chacun se sent apte à gouverner. Tout simplement parce que le leadership est défaillant. La rue, constamment sollicitée, finit donc par adhérer, faute de mieux. Entre deux maux, ne dit-on pas qu’il vaut mieux choisir le moindre ?

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 4 février 2009 à 04:09, par Ranjoky En réponse à : TROUBLES A MADAGASCAR : Les ambitions d’un maire atypique

    On parle toujours de "loi" ou de "Constitution"... On ne pense jamais ni à la "culture" ni à la "mentalité"...

    Tous ces mots ne traduisent aucune des notions malgaches d’ordre et d’organisation.

    Le mode de pensée malgache est nuancé, voire différent du mode de pensée francais. Littéralement, on ne parle pas la meme langue !

    Les Malgaches considèrent le President de la République comme leur "parent". Imaginez, comment votre enfant ne supporte pas les moindres "injustices" senties !C’est cette "injustice sentie" qui a pousse les Malgaches a "prendre" quelques sacs de riz et bidons d’huile dans les reserves du "president"...

    Notre problème est donc beaucoup plus profond. Il est plutot culturel avant d’etre "legal" ou "constitutionnel". En effet, si le Président Ravalomanana réagit selon la loi, il ne serait plus "parent", donc un "dictateur" (un parmi les colonisateurs, ami des Francais !)

    "Lois", "Constitution", "pouvoir", "autorité", tout cela ne pèse rien par rapport au seul mot "parenté" pour les Malgaches. Ainsi, les militaires Malgaches ne tireraient jamais sur les siens Malagaches meme si le "President" ("chef supreme de l’Armee", d’apres la Constitution)donnerait l’ordre de tirer ! Nous sommes un. Notre Président "Malgache" ne donnerait jamais l’ordre de tirer sur ses compatriotes ! Vous devez bien comprendre cela ! Celui qui appuie sur la gachette le premier signe son arret d’"ex-communication" par rapport a la communauté Malgache. L’ex-Président Didier Ratsiraka en est le prototype.

    Dans mon Ile, aucun Malgache n’a le droit de "verser du sang". Seuls les colons versent du sang ! Ce droit-la ne vient pas de la loi écrite ; il vient de la "loi" naturelle chez les Malgaches. C’est naturel chez un Malgache de ne pas tuer ses semblables. Ca devient naturel car c’est culturel.

    Avant de commenter ce qui se passe a Madagascar, rèférer-vous -journalistes, en particulier - a notre "culture"... Sinon, vous allez couler beaucoup d’encre pour rien.

    Pour terminer, laissez-moi vous mentionner : le mot "nation" n’existe pas dans notre dictionnaire. A la place du mot "nation", qui vient du latin "natus" (né), nous avons le mot "firenena" dont la racine est "reny", c’est-a-dire "mère". Le mot "nation" est donc pour nous Malgache, implique la notion de "tendresse" d’une Maman, mais non l’autorite (d’un Papa). Par consequent, nous traduisons "Président de la République" par "filoham-pirenena", c’est-a-dire "la tete (ou cerveau) de la "firenena"", non "le Chef de l’Etat".
    Vous allez dire "n’est pas la meme chose de dire ’Chef de l’Etat’ et ’President de la Republique’ ?" Psychologiquement, pour les Malgaches ce n’est pas la meme ! Dans notre tete, Ravalomanana est toujours "filoham-pirenena", non pas (d’abord) "Chef de l’Etat" ; les "chefs" ce sont les colons, les Francais. Les "chefs", ce sont les patrons, les richards. En effet, nous traduisons le mot "Etat" par "fanjakana". Le mot "fanjakana", c’est la meme famille des mots "manjaka" (regner), "manjakazaka" (regner avec arrogance) et "mpanjaka" (rois, reines). En bref, Le "Chef de l’Etat" est le "Lehibem-panjakana" (ou "Sefom-panjakana"). Aucune notion de tendresse ! C’es purement autoritaire !

    Jusqu’a present, Ravalomanana se comporte comme un "Chef d’Etat", non pas comme un "President de la Republique". Il se comporte comme un Roi, non comme un Parent (une Maman) ! Au mot de Andry Rajoelina est "dictateur" et lui le "president".
    Que La Communaute Internationale comprenne : les Malgaches s’organise par la tendresse non par la force ! Si vous dite : "dialoguez vous sinon on va vous appliquer la loi", ca ne marchera pas ! Dite plutot : "Dialoguez vous, nous sommes votre parent vous etes nos enfants !" Ca marcherait, surement.

    Ciao

    • Le 5 février 2009 à 08:47 En réponse à : TROUBLES A MADAGASCAR : Les ambitions d’un maire atypique

      Bonjour,
      Je conçois sa position (Ranjoky) et en un sens je suis tout à fait d’accord. Madagascar prime en premier lieu les valeurs de l’humanité (l’amour, la tendresse, le respect...) du moins au temps de mes grans parents ce sont de vraies valeurs mais face à autant d’envi au pouvoir ce qui je peux le comprendre peut abrutir le plus intelligent des personnes (le pouvoir rend avide). Il faut toute fois toujours se focaliser que la loi est présente pour la paix et non pour l’appliquer selon le bon vouloir d’une personne ou d’un groupe. Je suis pour la démocratie et je crie haut et fort que toute personne qui engendre des morts (que ce soit le Maire ou le Président) doit être puni. Seul Dieu peut ôter la vie, le Challenger au pouvoir soit disant pour rendre la liberté aux peuples, a causé directement ou non 86 morts (et plus même)et ils auraient encore été auprès de leur famille sans ce mouvement qui tend selon ses dires à nous oter du joug de l’oppresseur (qui je le rappele à réparer nos routes,nos infrastructures, permis de virer Ratsiraka et ses sbires...) mais non "dans une révolution, il y a des pertes collatérales" (j’aimerais voir leur position si c’était leur femme, leur enfant, leur mari ? ces dommages !) une toute autre façon de voir.
      Je suis contre le mouvement actuel, je suis pas un abruti mais je suis patriote et je suis persuadée que le sommet de l’union africaine peut changer une image de Madagascar et apporter beaucoup sur les partenariats, les investissments, les échanges et l’ouverture dans le pays. Ceux qui crient et lésés c’est le "petit peuple" toujours et perpétuellement et je pense que de ce coté la seule entité qui doit intervenir est le gouvernement non seulement en aide, en opportunité mais surtout en sécurité d’emploi, de pouvoir d’achat, service public...
      Le peuple est l’âme d’une nation (firenena) mais il faut l’entretenir, toujours la mettre sur le droit chemin,en ce sens, c’est un perpétuel apprentissage.
      Les Malgaches s’aiment mais comme un humain peut ne pas avoir la même opinion.
      Marc Ravalomanana a été élu alors laissez le faire son boulot le temps qui lui a été donné et aprés si vou le voulez voter pour Andry (quoiqu’il est illigible et je le vois mal en Président : pas assez de poigne ni de personnalité et surtout mauvais exemple pour les jeunes : vive la révolution, il n’est ni Ché Guevarra ni Martin Luther King.
      Je suis tout aussi perplexe de la réactivité des émissaires internationaux, on n’est ni en France ni aux Etats Unis, on est à Madagascar !!!!!en ce sens on a la souveraineté sur notre pays (peu importe ce qui se passe si le Président ne demande pas assistance alors basta restez en stand by) c’est pas en sifflotant et bombant le torse que ça va se régler. Il faut juste être pragmatique et voir les intérêts du pays et de son peuple (et cela ne peut se faire que par une éléction) ! Et cela vous étonne qu’autant de jeunes veulent partir car ils ont marre de cette pauvreté et de toutes ces personnes qui tirent vers le bas celui qui monte.
      J’ai pas l’âge de voter mais j’aimerais voter juste pour dire que chacun a droit à la parole mais attention au retour du baton ! chacun assume et vis avec.
      Moi je vote pour le peuple et non pour deux zébus qui veulent procréer la même vâche.
      Je suis agréssive car les gens ne comprennent pas que le pays est riche mais justement notre mentalité qui le rend pauvre et plus pauvre encore aux yeux du Monde (ce n’est pas une fierté d’être Malgache quand les gens pensent que nos femmes se vendent ou nos hommes s’entretuent pour une chaise à Iavoloha (Palais présidentiel).
      Je suis contre le fait également d’enjoliver les valeurs malgaches aux yeux des colons (lol désolée du terme) alors que reconnaître ses erreurs permet de faire table raz et d’avancer à grand pas !
      Il est temps de changer mais pas juste le pays mais la mentalité du peuple.
      Merci

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