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DISSIDENCE DANS LA REBELLION CONGOLAISE : Une équation aux multiples inconnues

Publié le jeudi 8 janvier 2009 à 23h55min

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Si l’information se confirme, la situation dans la région des Grands Lacs risque de connaître une nouvelle donne d’importance. Le chef rebelle Laurent Nkunda aurait été écarté de la direction du mouvement par ses propres combattants. D’anciens alliés du général lui auraient ravi le pouvoir. Un groupe d’officiers du CNDP a affirmé avoir démis de ses fonctions Laurent Nkunda pour "mauvaise gouvernance" et mauvais "leadership".

Le communiqué porte la signature du chef d’Etat-major du CNDP, Bosco Ntaganda et du porte-parole de ce groupe d’officiers, Désiré Kamanzi. Peu après, un proche collaborateur de Nkunda affirmait que ce dernier était "toujours le chairman" mais n’indique rien de plus. Une situation pour le moins peu claire. Mais une chose est sûre, il y a du rififi du côté de la rébellion de Laurent Nkunda. Pareille nouvelle n’est pas à négliger.

Au contraire, elle mérite qu’on s’y penche, tant elle est d’importance pour la paix en RDC et au-delà, pour toute la région. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la tentative de mise à l’écart du "chef" Nkunda. L’homme, et c’est un secret de polichinelle, a un parrain puissant, qui se révèle être à la fois son protecteur et son mentor : Paul Kagamé, qui l’a formé et éduqué à tous points de vue. Or le président rwandais est lui-même de parrainage américain. Un nouveau regard de Washington sur ce qui se passe dans la région peut conduire à une nouvelle attitude de Kagamé et se traduire par un lâchage du filleul Nkunda par son parrain.

La méthode est purement américaine, et L’Oncle Sam l’a expérimentée à maintes occasions de par le passé. Une autre hypothèse est celle de la manifestation d’un véritable ras-le-bol exprimé par des lieutenants excédés tant par le tempérament excessif d’un chef impitoyable que par la longueur d’une guerre qui ne les honore pas et finit par les révolter.

Ils auront alors décidé de changer de chef et peut-être de cap. Une autre possibilité serait qu’il s’agirait d’un subterfuge savamment ourdi par Laurent Nkunda lui-même qui, pour échapper aux foudres de la CPI, fomente un pseudo-"décagnotage" de sa propre personne à la tête de son propre mouvement. Mais l’hypothèse la plus plausible est peut-être celle du travail de sape qu’aurait organisé le régime de Kabila, qui aurait infiltré le mouvement de Nkunda, l’aurait soudoyé pour le saborder dans le but de l’affaiblir pour mieux l’abattre. Quelle que soit l’hypothèse retenue, une dissidence au sein du CNDP porte à n’en point douter un sérieux coup à l’image de sérénité affichée jusque-là par Laurent Nkunda.

Les jours à venir situeront davantage sur les uns et les autres car les actes futurs des nouveaux dissidents feront sans doute découvrir un peu plus leur identité, leurs ambitions et éventuellement leurs alliés ou commanditaires. Mais là aussi, plusieurs hypothèses seraient à envisager. A supposer que cette dissidence résulte d’une habile manoeuvre de Nkunda dans le but de se faire oublier par la CPI, nul doute que le mouvement continuera sur son ancienne lancée, avec ses anciennes méthodes et ses traditionnelles exigences. De nouvelles difficultés en perspective pour le président Joseph Kabila. Mais à supposer que ce soit Kagamé qui, pressé par Washington, lâche son filleul Nkunda.

La rébellion pourrait alors tendre vers une progressive modération. Un bon point peut-être pour le règlement à plus ou moins long terme du conflit avec Kinshasa. La plus mauvaise des hypothèses serait que la mésentente à l’intérieur du CND donne naissance à deux tendances, toutes deux ayant la même visée -abattre le régime de Kabila- mais ne s’accordant pas quant à la voie à suivre. Un tel scénario compliquerait sérieusement la tâche du président congolais qui ne saurait plus avec qui engager (ou poursuivre) les pourparlers. Si déjà Kinshasa peine à résister aux assauts d’un CNDP unique, qu’en serait-il si d’aventure ce mouvement devait se scinder en deux ?

On l’aura compris, cette division au sein du mouvement rebelle apporte avec elle une nouvelle donne qui peut conduire à un règlement prochain d’un des plus vieux conflits sur le continent, mais qui, malheureusement aussi, peut susciter une aggravation de la situation actuelle déjà difficile. Et on se demande quelle sera l’attitude du principal intéressé lui-même. Nkunda ne s’est pas encore prononcé sur ce qui lui arrive, mais nul doute que ce rebelle endurci ne se laissera pas conduire à l’abattoir avec la docilité d’un agneau de sacrifice. De ce qu’il dira et fera peut dépendre, en bien ou en mal l’avenir du conflit dans la région, et de cela il en est certainement bien conscient. Tout le mystère réside dans ce qu’il mijote dans sa tête pour lui-même, pour le CNDP et pour la région des Grands Lacs.

Voilà donc une donne qui constitue une nouvelle équation pour Kabila et son gouvernement, la République démocratique du Congo et l’ensemble des pays de cette zone du continent. Elle comporte des paramètres à ce jour inconnus. Et selon qu’ils basculent dans un sens ou dans l’autre, Kinshasa et nombre de ses voisins pourraient s’en frotter les mains ou au contraire, craindre des lendemains incertains. A moins que les dieux décident de faire enfin poindre une lueur de paix, lassés eux aussi de tant et tant d’années d’une guerre aussi dévastatrice qu’inutile qui aura cependant infligé soufrances et tourments plus que de raison. La RDC ne souhaite pas meilleur cadeau pour 2009.

"Le Pays"

Le Pays

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