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Malaise dans le travail social : Une réflexion de Francis Y. J. Ouédraogo

Publié le jeudi 8 janvier 2009 à 02h08min

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Francis Y. J. Ouédraogo est un administrateur des affaires sociales, option politique sociale. Dans sa réflexion ci-après, il s’interroge sur la nature de l’homme en rapport avec le travail social. Sommes-nous à la veille d’une mutation ? Allons-nous assister au retour de la barbarie ? Ce sont entre autres des questionnements de M. Ouédraogo. Lisez plutôt.

Il faut bien être conscient que le travail social s’exerce dans un moment difficile de notre société, un moment de crise qui touche au-delà des contingences socio-économiques, l’ensemble de notre civilisation et atteint même les fondements de notre socioculture. Sommes-nous à la veille d’une mutation ? Allons-nous assister au retour de la barbarie ? La démocratie est-elle assez solide pour faire face aux pressions régressives et aux forces de mort ? "le sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : Le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et d’auto destruction... les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise de la nature qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier". Ces affirmations terribles, mais prophétiques, Sigmund Freud les écrivait dès 1929 dans son ouvrage de réflexion sur le social "Malaise dans le civilisation".

Homo homini lupus, affirmait l’adage latin : l’homme est un loup pour l’homme. Rien de nouveau sous le soleil. Malgré les avancées de la science et de la technologie, les questionnements des sciences dites "humaines" sur la vie en société, les découvertes de la psychanalyse et de la psychologie clinique, la situation se dégrade.

Une enquête du journal "Le Monde" affirme que sur vingt-cinq millions de personnes actives, près de la moitié, soit douze millions, sont sans emploi, les jeunes de moins de 25 ans sont les plus touchés. Les sociétés occidentales ont poussé jusqu’au bout, jusqu’à son point de rupture la logique capitaliste, qui vise à concentrer pouvoir et richesse dans les mains de quelques-uns. Combien détiennent les richesses de notre pays en rapport avec la population ? Si la volonté de pouvoir est inextinguible, si l’appétit de domination est "indéracinable" l’invention de la démocratie il y a 2 500 et son apparition dans notre continent dans les années 90, avait permis de limiter les forces de destruction présentes chez tout être humain. L’avènement de l’ action sociale, d’abord sous l’impulsion de mouvements religieux ou laïcs relayés ensuite par la puissance publique avait établi un peu de justice sociale, garantissant aux plus pauvres, aux plus démunis, le droit à un minimum vital.

Les Droits de l’homme énoncés en 1789, balisaient le chemin et traçaient une ère nouvelle vers une plus grande équité, une meilleure répartition des richesses, qui favorisent le développement de chacun quelle que soit son origine sociale.

Cette idéologie du sans limite, qui prétend faire advenir des lendemains qui chantent et ferait naître l’harmonie universelle, a la peau dure. C’est une négation pure et simple, ou plutôt une dénégation, car personne n’est dupe de la vraie nature de l’homme. Freud, dans ce grand texte de 1929, avait raison de rappeler que "...l’homme n’est point débonnaire au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ces données instinctives une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possible, mais un objet de tentation. L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer".

Sans nier la gravité de ces questions, ce n’est pas dans un éclatement des réponses que le travail social pourra être opérant. Combien les services sociaux s’engagent dans une course effrénée aux subventions qu’il faut renouveler en permanence ? Dans une course aux subsides, ils en passent par des montagnes de projets en phase avec la "mode". Il vaut mieux ouvrir un bus d’échanges de seringues, qu’un... c’est ainsi, les grandes causes sont orchestrées par les médias. L’éclatement et la concurrence entre les problèmes qui se posent aux services sociaux chargés de les prendre en charge conduisent à des impasses.

Bref, seule une prise en compte globale des personnes au-delà de leur étiquetage social, a des chances de conduire à de la participation à la dynamique sociale. Dans ce type d’approche, à l’articulation du sujet et du social, ces travailleurs sociaux ont accumulé un immense savoir-faire qu’il convient de valoriser, d’en avoir un autre regard. Lutter concrètement contre l’exclusion sociale passe d’abord par ce que nous définissons ici l’approche clinique des personnes. Il n’appartient pas aux travailleurs sociaux, comme veulent les y inciter certains de "faire la révolution" mais de viser des changements concrets chez les sujets qui, à long terme peuvent bien évidement, participer aux changements sociaux.

Ensuite aux travailleurs sociaux qui sont comme tout un chacun des citoyens, de s’engager dans des voies militantes et d’œuvrer à des changements sociaux et politiques. Mais cela est une autre affaire et appartient à la conscience politique et à l’engagement de chacun.
Il est grand temps de renvoyer à chacun ses responsabilités.
Quand verrons-nous le soleil de la justice poindre à l’horizon ? Chacun est interpellé.

Y. J. Francis OUEDRAOGO, Administrateur des affaires sociales,
option politiques sociales

Sidwaya

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