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Messages de nouvel an des Présidents Compaoré et Gbagbo : Convergences d’idées d’une locomotive sous régionale

Publié le dimanche 4 janvier 2009 à 23h42min

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Il y a de cela six mois, le Président Gbagbo foulait le sol burkinabè, sa deuxième patrie. L’attelage Burkina – Côte d’Ivoire a été présenté comme la locomotive de l’intégration Ouest Africaine. Cet exercice consiste en une lecture croisée des discours de nouvel an des deux présidents du seul espace que font la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, forte interdépendance historique, culturelle et géographique oblige. Le propos aborde trois axes prioritaires : la paix, les questions sociales et les affaires régionales et internationales.

La paix est présente dans les deux messages. Le Président Gbagbo confirme ce qu’il a dit aux parlementaires burkinabè en juillet 2008, à savoir la fin de la guerre dans son pays, en soutenant que les Ivoiriens ne sont plus loin d’une sortie définitive de la crise. Il invite ses compatriotes à aller à la paix et aux élections. Il montre sa fidélité à l’Accord politique de Ouagadougou, issu du dialogue direct inter-ivoirien. Cet accord qui « marche » a permis de faire taire les bruits de la guerre, d’unir la Côte d’Ivoire en un seul territoire et de régler les problèmes spécifiques à travers ses accords complémentaires.

Le Président Gbagbo invite les Ivoiriens à ne pas céder à la fatalité en évitant que la guerre qui a déjà perturbé leur vie ne brise pas leurs rêves. Loin d’être une limite, la guerre devrait souder les Ivoiriens dans la dynamique de construction d’une nation confiante qui se projette dans l’avenir. « Tous ensemble nous contribuons à faire aboutir le processus de paix », conclut l’historien de la lagune Ebrié. De la paix, le Président Compaoré voit son pays comme un acteur majeur dans l’accompagnement des processus dans les pays frères et amis. Il affirme que son pays est entreprenant dans le règlement de divers conflits internationaux.

La recherche du consensus social

Ce passage, sans le mentionner, fait penser à ses médiations réussies au Togo et en Côte d’Ivoire.

A cela s’ajoute la participation des troupes burkinabè aux opérations de maintien de la paix. Le Darfour en 2009 sera un terrain de consolidation de son expertise à travers le déploiement des bataillons « Laafi » et « Benkadi ». « En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, le Burkina Faso réitère sa volonté partagée de bâtir avec les autres nations, une communauté internationale de paix, de justice et de coopération mutuellement avantageuse entre les peuples ».
Sur les questions sociales, la fin de l’année a offert l’occasion au Président Gbagbo de dresser l’état de la Nation ivoirienne. Il a mis l’accent sur l’accès au transport, aux produits de première nécessité et au logement. La question du chômage des jeunes a été également abordée.

Toutes ses préoccupations ont fait l’objet d’un état des lieux chiffré et de propositions de solutions conséquentes. A titre d’exemple, le Président Gbagbo soutient : « Je rappelle que depuis mon arrivée à la Présidence de la République, la Fonction publique a recruté 61500 personnes au titre de leur premier emploi. Non compris la police nationale pour laquelle 9033 jeunes ont été recrutés pour la même période ». En lisant ce discours, il se dégage un acte de responsabilité et de compte rendu. Le pays a également connu les remous sociaux les plus importants de son histoire au cours de l’année 2008. Dans son ensemble, le message présente une Côte d’Ivoire en difficultés à cause de la guerre et de la conjoncture internationale, mais une Côte d’Ivoire digne et optimiste qui dispose non seulement d’une vision mais aussi des objectifs clairs et des moyens.

Le Président Compaoré met l’accent sur les efforts de son pays dans la lutte contre la corruption et pour le « développement harmonieux, accéléré et équitable ». A la tête d’une nation stable, le Président du Faso invite à promouvoir l’équité et le mieux-être partagé afin de garantir une saine utilisation des richesses nationales. Il salue les négociations entre le patronat, le gouvernement et les organisations syndicales qui ont abouti à des aménagements conventionnels et salariaux appréciables. Le Burkina Faso est un pays qui avance comme le confirme la présentation avec succès de son rapport au Forum des Chefs d’Etat et de gouvernement du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs tenu à Cotonou, le 25 octobre 2007.

Connexions régionales et défis internationaux

Au plan régional, de grands projets devront permettre une connexion des économies. La Côte d’Ivoire est prête à produire les biens essentiels à la vie des Ivoiriens et des populations de la sous- région. Pour ce faire, le Président Gbagbo invite à la réorganisation de la distribution pour un meilleur approvisionnement. La réalisation des voies internationales Boundiali-Tingrela-Mali, Bouna-Doropo-Burkina et Danané-Guinée et la réhabilitation des aéroports de l’intérieur du pays et de l’aérogare du frêt d’Abidjan joueront un rôle déterminant. Pays enclavé, le Burkina Faso fait du développement des voies de communication terrestres et aériennes une priorité. C’est la condition, selon le Président, pour « faciliter les échanges humains et commerciaux, et d’améliorer la compétitivité de l’économie nationale ».

Au plan international, les crises, énergétique, alimentaire et financière, se sont invitées dans les discours des deux chefs d’Etat. Le Président Gbagbo considère la crise alimentaire comme une alerte et la crise financière, comme la révélation de la fragilité du système financier international. Le monde, tel qu’il est, vit une période de profonds bouleversements. Dans cet espace en pleine mutation, les Ivoiriens et les Africains doivent cesser d’être de simples spectateurs pour devenir des acteurs à part entière afin de faire face aux nouveaux enjeux de la démocratie, de la paix et de l’économie. Dans cette situation, les Ivoiriens doivent travailler au repositionnement de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale.

Quant au Burkina Faso, l’année 2008, marquée par des crises multiples qui ont ébranlé les fondamentaux de l’économie mondiale a vu la fragilisation des économies pauvres. Une gouvernance vertueuse, a été l’outil du pays qui a permis d’optimiser ses capacités d’innovation face à ces crises. « La bonne gouvernance qui s’affirme progressivement comme une culture de l’Etat républicain, stimule la pleine productivité de l’homme et génère de plus en plus des résultats tangibles au Burkina Faso », conclut le Président burkinabè. Par une action internationale dynamique, le Burkina Faso construit patiemment une image d’Etat digne et respecté.

L’exercice a été difficile car comment extraire des similitudes dans des idées adressées dans deux contextes différents, à deux publics différents et par deux personnalités au style différent ? Car si le message du Président Gbagbo peut être qualifié de technique et chiffré, celui du Président Compaoré a une portée beaucoup plus politique et globalisant. Si le premier a fait un bilan et dessiné des perspectives, le second a mis l’accent sur des concepts clés de la gouvernance locale, nationale et internationale. Si le premier s’adresse à ses compatriotes, le second dialogue avec ses concitoyennes et ses concitoyens.

Pour la Côte d’Ivoire, contrairement au Burkina Faso, l’année 2009 est encore et toujours une année potentiellement électorale et il est du devoir du Président Gbagbo de montrer que malgré la guerre, il a des résultats et le peuple ivoirien aura tord de ne pas lui faire confiance. Il s’agit plus d’un message de nouvel an. C’est aussi un discours de campagne. Le Président Compaoré peut lui réserver les surprises pour la fin 2009 et laisser son Premier ministre jouer son rôle constitutionnel de présentation du programme de gouvernement et de l’état de la Nation. Il faut également relever la difficulté liée à la position de l’auteur, Burkinabè, observateur du monde depuis Ouagadougou à 1000 kilomètres d’Abidjan.

Ces discours doivent avant tout inspirer leurs peuples pour une meilleure intégration sous régionale. Cela est possible car 2008 a été aussi l’année des miracles avec l’élection de Barack Obama, une révolution historique.

Dr Poussi SAWADOGO, Doyen du CRYSPAD, Enseignant à l’U.L.B. (Email : zunnogo@yahoo.fr) et Ibrahiman SAKANDE ( Email : ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya

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