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LIMOGEAGE DES GENERAUX EN GUINEE : La junte joue gros

Publié le mardi 30 décembre 2008 à 02h39min

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Le président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), le capitaine Moussa Dadis Camara vient de prendre une mesure d’envergure : la mise à la retraite de tous les officiers de l’armée guinéenne ayant atteint la limite d’âge et d’ancienneté. Sont touchés par la présente mesure des généraux appartenant à l’armée de terre, à la marine, à l’armée de l’air, à la gendarmerie et qui occupaient de hautes fonctions avant le putsch survenu au lendemain du décès de Lansana Conté, le 22 décembre dernier. Une mise à la retraite qui vient confirmer, si besoin était, la fracture générationnelle qui caractérisait le fonctionnement de l’armée guinéenne ces dernières années. Reste maintenant à savoir quelle capacité possède la junte nouvellement installée pour gouverner efficacement en l’absence de ces "vieux".

Nul doute que cette mise à l’écart rencontre l’assentiment des troupes de soldats qui avaient fini par se résigner en voyant que leurs aînés "bouffaient" sans eux. Mais jusqu’où ira la jeune garde désormais au pouvoir ? Il convient, en toute raison, de savoir faire la différence entre le légitime désir de justice et la vengeresse chasse aux sorcières. D’autres mesures tendant à la moralisation de l’administration ont été également annoncées. Des audits ont été ordonnés et une révision des contrats miniers en Guinée a été décidée.

Tout cela rencontre sans doute la bénédiction des populations guinéennes qui applaudissent, soulagées et qui espèrent trouver là autant de signes évidents d’une réelle manifestation de la bonne foi de ces nouveaux et jeunes putschistes qui tiennent désormais entre leurs mains le destin de leur pays. Mais la bonne foi seule ne suffira pas. Il lui faudra, à cette junte, beaucoup plus, pour convaincre et répondre pleinement aux aspirations de tout un peuple qui en a assez d’agoniser depuis un demi-siècle. Sans compter que la communauté internationale elle aussi, l’attend. Putschistes, ils ne partent pas avec la bienveillance des uns et des autres, et ils doivent le savoir. Les deux années qu’ils ont promis de passer à la tête de l’Etat suffiront-elles pour réaliser le vaste programme qu’ils proposent ?

Ne céderont-ils pas à la tentation du provisoire qui dure ? Il lui faudra résister aux sirènes de la corruption, des propositions et contre-propositions occultes, au jeu de charme des partis politiques, des ethnies ou des régions particulières. Pour peu qu’elle accepte de s’y prêter, elle courra l’immense danger de s’embourber. Bref, ce ne sera pas une sinécure. Mais la priorité pour la junte, c’est de se mettre au travail pour ne pas s’éterniser. Elle doit établir une feuille de route pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Ses mesures visant à réformer la gouvernance militaire et économique sont si populaires qu’on se demande si elles ne veulent pas avaliser un futur long règne des militaires.

La junte ne dispersera-t-elle pas son énergie et ne perdra-t-elle pas de vue sa mission première en s’engageant dans des réformes profondes ? Ce travail semble incomber plutôt au prochain pouvoir qui sera démocratiquement élu à l’issue de la transition. Des trappes sont donc ouvertes et bien béantes : s’ils y tombent parce qu’ils n’y auront pas pris garde, le CNDD et ses membres se rendront par le fait-même, prisonniers, à l’instar de tant d’autres devanciers, de leur fougue. Et les foules guinéennes qui, aujourd’hui, les acclament sauront bien demander leurs têtes, comme en ce moment elles réclament celles de ceux qu’ils ont renversés.

Jean Claude KONGO

Le Pays

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