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Afrique : Le retour béni des vieux démons

Publié le dimanche 28 décembre 2008 à 23h05min

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Après la Mauritanie, voilà la Guinée-Conakry. Les militaires ressortent des casernes comme aux bons vieux temps, pour s’emparer des palais présidentiels et du pouvoir d’Etat.

Coup de force, coup d’Etat, putsch. Derrière tous ces mots se cache le même alibi. Les civils ou les bidasses qui ont revêtu leurs habits soi-disant pour s’investir dans l’arène politique au bien-être des populations, ont échoué. Et il appartient à l’armée de reprendre les rênes du pouvoir pour éviter d’autres dérives. Que ce soit Ely Ould Mohamed Vall puis Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et maintenant, Moussa Dadis Camara, c’est toujours le même prétexte. La communauté internationale a beau voler de condamnation en condamnation, les démocrates ont beau exprimer leur désarroi, Mohamed Ould Abdel Aziz et…Aboubacar Samparé ont bel et bien perdu leur fauteuil.

Le retour des militaires aux affaires traduit d’une part, la persistance de la mal gouvernance et d’autre part, le non-respect des termes du contrat conclu entre les gouvernants et les gouvernés à travers la loi dite fondamentale, la constitution. Le coup d’Etat en Mauritanie a reçu la bénédiction d’une partie de la classe politique nationale, avec ce côté paradoxal que l’Assemblée nationale n’ait pas été dissoute.

Le putsch en Guinée-Conakry bénéficie d’ores et déjà, du soutien de certains leaders politiques et d’une frange importante de la population. Le ralliement du gouvernement et de l’Assemblée nationale sonne comme le fait accompli et l’onction suprême. Le Comité national pour la démocratie et le développement s’est installé. N’en déplaise à une communauté internationale férue de mots, parfois de contradictions plutôt que d’actes concrets de sauvetage de l’Etat de droit. Innocemment, naïvement, inconsciemment ou insouciemment, des Guinéens, las de 24 ans d’un pouvoir avilissant de Lassana Conté, se sont mis à croire au miracle avec leur nouveau maître, Moussa Dadis Camara.

Pourtant bien de ses déclarations ressemblent à celles des premières heures de son prédécesseur. Le scepticisme devant de telles assertions, a gagné du terrain car de nombreux militaires venus rétablir l’ordre, tracer les voies du progrès, ont trahi leur parole. Où était-il quand son pays sombrait dans le gouffre de la corruption et de la mauvaise répartition des richesses ou d’un pouvoir sans fin ?

Où était-il quand des centaines de ses compatriotes désemparés par la vie chère ont osé manifester et sont tombés sous les balles assassines de l’armée ? Le malaise de ce pays ouest- africain est si profond pour que de simples promesses d’un capitaine, ex-chef de la section carburant à l’intendance militaire, viennent convaincre de si tôt, de sa volonté et de sa capacité à renverser la tendance. Seul le président Abdoulaye Wade du Sénégal, que Moussa Dadis Camara a affectueusement appelé "Papa", semble officiellement croire à cette profession de bonnes intentions. Il n’est pas exclu que certains de ses pairs manifestent leur soutien au nouvel homme fort guinéen par d’autres créneaux.

Ce qui est arrivé en Guinée-Conakry pourrait sonner le réveil des vieux démons. Ce coup de force signifie qu’en réalité, très peu d’Africains croient à la constitution et aux institutions républicaines de leur pays. Aucun dirigeant ni son régime ne peuvent à priori se targuer d’être à l’abri. A quoi sert un Etat de droit si ce choix de gouvernance ne peut garantir la transparence, l’équité et l’égalité entre les citoyens d’un même pays ? Tant que gouvernants et gouvernés ne joueront pas franc jeu dans la conduite et la gestion de la chose publique, des entraves à la démocratie apparaîtront. Le respect du mandat ou la vacance du pouvoir ainsi que le recours aux organes juridiques ou juridiciaires pour combler un vide constitutionnel seront des vœux pieux.

A moins que la communauté internationale, toujours attentiste, instaure une force d’imposition ou de rétablissement de la démocratie, il appartient maintenant à chaque président de République de prendre des mesures pour préserver son pouvoir ou garantir sa succession.
Le président bissau-guinéen, Nino Vierra en sait quelque chose. S’il avait accepté la proposition de sortir de son pays au moment de la mutinerie, il serait aujourd’hui un ancien président de nouveau. Il faut arriver à admettre et à inscrire dans l’esprit de tous que la démocratie a des règles. Aucun alibi n’est aussi plausible pour y déroger.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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