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Guinée : Coup d’Etat à un cadavre

Publié le mercredi 24 décembre 2008 à 02h10min

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On ne sait pas vraiment s’il faut en rire ou en pleurer : la mort de Lansana Conté venait d’être officiellement annoncée depuis seulement six petites heures, un deuil national de 40 jours venait d’être décrété et les drapeaux mis en berne quand, aux première lueurs du jour, un capitaine de l’armée guinéenne, du nom de Moussa Dadis Camara, annonça dans une déclaration télévisée la dissolution du gouvernement, de l’Assemblée nationale et des autres institutions républicaines, la suspension de la Constitution, etc. Un Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) venait de voir le jour et un conseil consultatif, qui regrouperait des militaires et des civils, devrait être formé dans les jours à venir.

Mais où est-ce qu’il était donc, ce « valeureux » officier subalterne, qui prétend sauver aujourd’hui la nation, en péril, alors que, depuis des années, la Guinée allait à vau-l’eau à mesure que son chef était perclus et reclus dans son patelin ?

On ne sait pas vraiment s’il faut en rire ou en pleurer : la mort de Lansana Conté venait d’être officiellement annoncée depuis seulement six petites heures, un deuil national de 40 jours venait d’être décrété et les drapeaux mis en berne quand, aux première lueurs du jour, un capitaine de l’armée guinéenne, du nom de Moussa Dadis Camara, annonça dans une déclaration télévisée la dissolution du gouvernement, de l’Assemblée nationale et des autres institutions républicaines, la suspension de la Constitution, etc. Un Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) venait de voir le jour et un conseil consultatif, qui regrouperait des militaires et des civils, devrait être formé dans les jours à venir.

Mais où est-ce qu’il était donc, ce « valeureux » officier subalterne, qui prétend sauver aujourd’hui la nation, en péril, alors que, depuis des années, la Guinée allait à vau-l’eau à mesure que son chef était perclus et reclus dans son patelin ?

A peu de choses près, c’est le même scénario qui avait, en 1984, mis l’alors colonel Conté au devant de la scène. Après la mort du héros devenu dictateur. Mais Sékou Touré, celui qui était à l’époque le chef d’état-major général des armées, avait au moins eu la décence de patienter une bonne semaine, le temps qu’on enterre le despote, pour s’emparer au huitième jour d’un pouvoir détenu par le Premier ministre Louis Lansana Béavogui, qui assurait l’intérim.

24 ans plus tard, les militaires qui viennent, pour ainsi dire, de faire un coup d’Etat à un cadavre n’ont même pas eu la délicatesse d’attendre. On en rirait presque si ce n’était pas aussi tragique.

Tout le monde en était encore donc à conjecturer, sitôt la nouvelle connue, sur les lendemains à la fois lourds de dangers et d’espérances, sur comment la succession se passerait, les voilà fixés.

En fait, excepté l’extrême rapidité de l’exécution, cette intrusion de la grande muette sur un échiquier politique qu’elle n’a jamais quitté depuis un quart de siècle est une demi-surprise.

Théoriquement, tout était, on le sait, réglé : en cas de vacance du pouvoir, le président de l’Assemblée nationale assurerait l’intérim et organiserait une présidentielle dans un délai n’excédant pas 60 jours. Ça, c’était sur le papier. Mais dans nos démocraties bannanières, où les premiers magistrats sont souvent les premiers à violer la constitution, peut-on s’étonner de ce qu’elle ne soit pas sacrée et que les autres aussi puissent la fouler aux pieds impunément ?

Il suffisait d’ailleurs de voir les trois personnalités principales de l’interrègne annoncer ensemble le décès, comme si elles se marquaient à la culotte, pour se rendre compte que la solution constitutionnelle, quoique la plus souhaitable, n’était pas la plus évidente : côte à côte en effet, Aboubacar Somparé, président de l’Assemblée nationale, et, à ce titre, dauphin constitutionnel ; Ahmed Tidiane Souaré, Premier ministre, qui tient l’Exécutif ; et le troisième larron, le général Diarra Camara, chef d’état-major général des armées ; chacun, croyant in petto son heure venue, tenait à marquer sa présence et son territoire, de sorte que c’était peut-être à qui ferait le premier le croche-pied aux autres.

Autant dire que le jeune capitaine, qui était jusque-là le chef de la section carburant à l’Intendance militaire, vient de les mettre tous d’accord, à supposer qu’il ait agi de son propre chef, car il a tout aussi bien pu avoir été envoyé en éclaireur par les étoilés, qui ne devraient donc pas tarder, dans ce cas, à sortir du bois.

En vérité, dans un climat d’incertitudes où, dans tous les cas, il aurait été impossible d’organiser un scrutin propre d’ici deux mois, sauf à proroger la transition par des mécanismes légaux, dont disposent généralement les lois fondamentales, la solution militaire n’aurait pas forcément été la plus mauvaise si on connaissait les véritables intentions de la soldatesque.

S’il s’agissait de refonder la démocratie dans une période maximum de neuf mois, par exemple en associant toutes les forces vives de la nation et en ne se présentant pas aux élections, dont elle serait l’arbitre impartial, ce serait à la limite une action salutaire, une œuvre de salubrité publique, dans la mesure où elle aurait au moins l’avantage d’éviter le chaos.

Mais, sur un continent où il y a moins d’ATT et d’Ould Vall que de Guéi et de Bozizé, autrement dit de militaires qui légalisent par les urnes, quand ils le peuvent, ce qu’ils ont conquis par les armes, on peut raisonnablement douter de la culture démocratique des putschistes de Conakry.

Après tout, le défunt lui-même, qui avait affiché une volonté d’ouverture après les années de braise de Sékou et de son camp Boiro, de sinistre mémoire, ne s’est-il pas, à son tour, muré peu à peu dans un autisme suicidaire au fur et à mesure que les mutineries se multipliaient et que son diabète aiguë et sa leucémie s’aggravaient ?

Résultat, celui a régné en vrai chef de village buté et en soldat obtus laisse un Etat délité, que se disputent donc les charognards politiques, un pays exsangue mais pourtant potentiellement riche, un champs de ruines, dont les matières sont, fort heureusement, encore intactes.

On savait que la succession de celui qui n’a jamais pu se convertir à la démocratie serait difficile, de ce point de vue on n’est pas déçu, car hier, c’est une véritable confusion où une vache ne saurait retrouver son veau qui régnait à Conakry : l’aile civile du régime tentait en effet de faire pièce au coup de force sans qu’on ne sache trop si elle y parviendrait, le chef du gouvernement disait rester en place, que son équipe n’était pas dissoute et que la transition se poursuivrait selon les règles constitutionnelles tout en indiquant que des discussions étaient engagées entre loyalistes et putschistes.

Après s’être réveillée dans la stupeur, la Guinée s’est donc endormie hier avec une situation mouvante, susceptible d’évoluer à tout moment dans un sens ou dans un autre, de sorte que l’éditorial que vous parcourez peut se trouver décalé par endroits au regard de la situation en temps réel.

Pauvre de Guinée ! 26 épouvatables ans de Sékou Touré, 24 autres éreintantes à se taper Lansana Conté. Et maintenant que le bouchon a sauté, aujourd’hui que l’horizon est dégagé, alors que la chape de plomb est enfin levée, et qu’on pensait que les Guinéens allaient un peu souffler et mettre leur patrie sur les rails de la démocratie et du développement, voilà que le ciel s’obsurcit de nouveau. Quand donc prendra fin le calvaire ?

Mais si on en est arrivé là, c’est en grande partie du fait du défunt grabataire de Wawa, qui semblait vouloir que le pays sombre en même temps que lui. Et il y est parvenu, à force de le mener à la banqueroute ; à force de martyriser une opposition obligée de s’asseoir à l’ombre des syndicats pour survivre ; à force d’exacerber les querelles intestines de son propre camp, en jouant les uns contre les autres pour les neutraliser tous et demeurer seul maître du jeu. Jusqu’au dernier souffle. La pudeur africaine commande certes de ne pas médire des morts et de ne pas tirer sur un corbillard, mais peut-on décemment verser une larme sur la tombe d’un dirigeant pareil, qui n’est, hélas, pas un cas isolé dans cette Afrique de malheur ?

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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