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AGRO-BUSINESS AU BURKINA : Ne sacrifiez pas les petits paysans

Publié le vendredi 12 décembre 2008 à 02h39min

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Le développement d’un pays passe par une autosuffisance alimentaire. Pour combattre le sous-développement et ses conséquences, il faut que le peuple soit bien nourri et bien soigné. L’autosuffisance alimentaire ne peut être une réalité que grâce à une modernisation de l’agriculture, vivrière comme de rente. Il faut produire assez pour se nourrir et suffisamment pour exporter et avoir des devises étrangères pour acheter les équipements.

La paysannerie burkinabè- du moins c’est le cas dans sa grande composante- n’a pas aujourd’hui les moyens pour moderniser ses exploitations en s’appropriant les paquets technologiques modernes et en passant à la mécanisation agricole. Elle est réduite à pratiquer une agriculture traditionnelle de subsistance avec des instruments traditionnels. La charrue à traction asine ou bovine est inaccessible pour un grand nombre de paysans. Si les petits paysans se trouvent dans l’impossibilité de moderniser l’agriculture en vue de permettre au Burkina d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, il y existe par contre une nouvelle race de Burkinabè qui possèdent ou peuvent se doter de moyens modernes de mise en valeur et d’exploitation de la terre.

Cette catégorie s’est lancée dans l’agro-business en s’appropriant, dans de nombreux cas, pour une bouchée de pain, de vastes étendues de terres, notamment dans les zones humides. La logique aurait voulu qu’ils investissent au Nord et au Sahel leurs énormes et modernes moyens pour défier la nature en la contraignant à produire. Il n’y a rien d’impossible aujourd’hui. L’État d’Israël devrait être un brillant exemple pour ces nouveaux promoteurs. Au lieu d’imiter ce bel exemple, des hommes et des femmes se sont taillé de vastes domaines dans les zones les plus clémentes du point de vue agricole. Et ceci est porteur de dangers futurs si l’on n’y prend garde. Au lieu de travailler pour amener la paysannerie traditionnelle vers une exploitation moderne de ses terres, les agro-businessmen les incitent à brader leurs terres qui constituent après tout des patrimoines ancestraux. Ministres, hauts fonctionnaires de l’État, grands opérateurs économiques, hauts gradés de l’Armée se lancent dans l’agro-business, sans qu’on sache exactement ce qu’ils cultivent et à qui est destinée leur production.

Ils ont acquis dans les régions propices à l’agriculture, des "haciendas" qu’ils prennent le soin de faire borner par les services compétents qui leur délivrent en conséquence des titres fonciers. Mais, il faut veiller à ne pas sacrifier les petits paysans sur l’autel des appétits de ces gens de la ville qui ont amené dans les campagnes leurs vices qui s’appellent corruption, achat de consciences, etc. Cela ressemble bien à une dépossession pour ne pas dire expropriation des propriétaires coutumiers qui, en dépit de la réforme agraire et foncière, sont toujours incontournables quand il est question de la terre. Ces nouveaux propriétaires fonciers, pour mettre en valeur leurs terres, recrutent une main-d’oeuvre généralement locale, qui se trouve être les paysans auprès desquels ils ont acquis leurs propriétés. Ces serfs d’une autre époque travaillent sans statut précis. Dans certaines zones, les populations ont tout cédé, sans penser à leurs descendants qui ne peuvent devenir que des ouvriers agricoles s’ils veulent vivre dignement.

Il n’est pas exclu que ces descendants cherchent un jour à récupérer ce que leurs parents ont dilapidé, les uns contre espèces sonnantes et trébuchantes, les autres pour rien parfois. Il serait judicieux que les pouvoirs publics perçoivent ces conflits potentiels et trouvent des mesures pour en diminuer l’intensité, déjà que les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont difficiles à solutionner. L’agro-business n’est pas un mal en soi. Il peut, au contraire, être la locomotive de la production agricole au Burkina. Mais il devrait être en harmonie avec l’agriculture familiale, celle de nos pères, qui a su malgré tout nous nourrir jusqu’ aujourd’hui. Les Burkinabè ne devraient donc pas faire les frais d’une politique à courte vue. Ce qui se passe ailleurs, ce qui s’est passé dans un passé pas très lointain, devrait inciter les autorités compétentes à la plus grande vigilance. Le Burkina peut se prémunir contre les conséquences désastreuses qui pourront en découler. Il le peut. A condition qu’il ne se trouve pas des Burkinabè au-dessus des lois.

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