C’est un bout de chemin vers peut-être une réconciliation qui tarde à venir et dont l’épidémie de choléra est une des conséquences. Si cette grave maladie peut constituer un des derniers avatars qui pourrait rapprocher les ennemis occidentaux et zimbabwéens, on pourrait dire qu’à quelque chose, malheur est bon. Il y a en tout cas de part et d’autre, une volonté de taire les querelles, et de mener le combat qui vaille, celui de la résolution urgente du problème du choléra. En décrétant l’état d’urgence nationale et en appelant à la solidarité internationale, Mugabe a fait un sacrifice non négligeable, quand on connaît l’intransigeance traditionnelle de l’homme.

Certains même, face à son refus de se laisser dicter sa conduite par l’Occident, n’ont pas hésité à le traiter de fou. Mais son appel à l’aide, aussi tardive soit-elle, montre qu’il n’est pas aussi débile qu’on veut le laisser croire. Le fier Mugabe a donc pour une fois rangé son amour-propre. Ses ennemis irréductibles ont aussi fait un pas en accédant à sa requête. Ils ont là l’occasion de donner une leçon de générosité s’ils mettaient l’humanitaire au-dessus des considérations politiques. Mais rien ne permet de dire que le mur de glace est en train de se briser, malgré les apparences.

Car les annonces d’aide sont assorties d’exigences, les mêmes brandies depuis que Mugabe a engagé sa réforme agraire, à savoir la démocratisation du pays. Mais on sait que la volonté ultime de l’Europe et des Etats-Unis, c’est le départ de Mugabe et l’accession au pouvoir de Morgan Tsvangirai. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice vient du reste de confirmer ce rêve occidental en réclamant la démission de Mugabe. Voilà pourquoi l’Occident continue d’appliquer un embargo économique et financier contre le Zimbabwe, malgré les nombreuses demandes de sa levée. Le président Abdoulaye Wade du Sénégal a ainsi estimé en 2007 que les sanctions contre le Zimbabwe et son bannissement sont injustes. Mais rien n’y fait. Au contraire, l’Occident a récemment procédé au durcissement de cet embargo.

L’aide humanitaire que les pays riches ont promis d’apporter d’urgence au Zimbabwe est certes louable, mais elle ne constitue qu’un palliatif éphémère. Les maux du pays n’en seront pas pour autant guéris tant que la normalisation ne se réalisera pas dans les relations entre l’Occident et le Zimbabwe. Si le pays continue d’être maintenu sous l’étau des sanctions, il ne faut pas être surpris qu’après le choléra, une autre calamité survienne. Déjà, il semble que le spectre de la famine se profile à l’horizon . La descente aux enfers de ce pays jadis prospère n’est donc pas finie. Mais on peut se demander ce que font les pays africains pour secourir un des leurs.

En dehors du soutien politique qui d’ailleurs s’effrite, le Zimbabwe ne bénéficie pas de la solidarité africaine face au drame qu’il vit. La plupart des dirigeants africains semblent attendre le coup de sifflet de l’Occident, avant d’oser poser tout acte en faveur du pays. Ainsi, il ne faudrait pas s’étonner qu’après les déclarations d’intention de l’Occident, on entende des pays africains proposer enfin leur aide au Zimbabwe. En tout état de cause, il faut souhaiter que cette épreuve soit la dernière pour le Zimbabwe, parce que chacun aura compris que le peuple ne peut être sacrifié sur l’autel d’intérêts et de calculs politiques. Au nom du droit de chaque peuple à vivre dignement, tous les efforts doivent enfin tendre vers la réalisation du bonheur des Zimbabwéens.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays