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48e ANNIVERSAIRE DE L’INDEPENDANCE:Les risques d’une décentralisation de la malgouvernance

Publié le lundi 8 décembre 2008 à 23h31min

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Le Burkina commémorera le 48e anniversaire de son indépendance à Fada N’Gourma, en pays gourmanché, à environ 200 km à l’est de Ouagadougou. En décidant de décentraliser désormais la manifestation, en la portant hors de la capitale, les autorités réhabilitent ainsi la Fête nationale.

Mais, des dispositions doivent être prises pour éviter tout transfert de la malgouvernance dans les régions. Les Burkinabè se lassaient d’une commémoration qui avait depuis belle lurette cessé d’en être une. Après les premières années fastes, marquées par les défilés monstres et les cérémonies grandioses, l’on s’était habitué à des manifestations beaucoup plus sobres : prise d’armes, décorations, et réception. Certaines années, la fièvre patriotique avait entraîné l’organisation de défilés militaires. Toutefois, il faut remonter à très loin dans le temps pour retrouver des cérémonies du genre de ce que s’apprêtent à vivre les populations de la région du Gourma.

Cette décentralisation a certes des avantages en ce qu’elle donne une impulsion nouvelle au développement local. C’est une innovation majeure qui permet de valoriser la situation des fonctionnaires locaux, de redynamiser le travail des opérateurs économiques du milieu, tout en faisant découvrir les potentialités régionales. En effet, la ville de Fada qui abrite les festivités de cette année, fait peau neuve : infrastructures nouvelles dont des routes, travaux d’assainissement, logements, entre autres. Les investissements qui sont estimés à près de six milliards de francs CFA vont assurément revitaliser l’économie locale. En même temps, l’opération rapprochera davantage les populations de cette partie éloignée du pays des autres régions du Burkina. C’est un fait que la région de l’Est est mal connue de nombreux citoyens. Située aux frontières du Niger et du Burkina, elle regorge d’énormes potentialités fauniques que découvrent pourtant chaque année un grand nombre de touristes étrangers.

L’occasion est donc donnée aux Burkinabè d’ailleurs et aux partenaires, de profiter pour nouer des relations d’amitié, de solidarité et d’affaires avec nos frères et soeurs gourmanché. A défaut de pouvoir se rendre sur place, chacun pourra se rabattre sur les médias qui redoublent d’ardeur afin de mettre à la disposition de toutes et tous les informations nécessaires. Mais, si la décentralisation des festivités est une bonne décision, celle-ci n’en véhicule pas moins quelques risques. Par exemple, l’ampleur de la bureaucratie qui handicape la circulation des dossiers et le paiement des factures. On sait aussi que l’octroi des marchés et l’exécution des tâches sont habituellement gangrenés par la politique politicienne, le népotisme, le clientélisme, et la corruption. Ce sont autant de facteurs de nuisance régulièrement dénoncés tant par la société civile, la presse que le chef du gouvernement lui-même. Il faut donc à tout prix éviter de transférer dans les régions les maux qui grippent l’administration centrale, donnent des frissons à l’opérateur économique, et des migraines au citoyen-contribuable.

Des mesures doivent être prises pour assurer la gestion correcte des fonds publics durant l’organisation de ces festivités dans les régions. Parce qu’il s’agit de nos régions et qu’elles ont trop longtemps été délaissées, il faut encore plus de rigueur et de contrôle. Il ne s’agit pas d’avoir un pied à Ouagadougou mais le cœur dans la région, en prenant soin d’impliquer les gens de la localité, en leur laissant la parole et la prise de décision. La capitale doit savoir partager son expertise avec les régions et ne pas trop peser sur le choix de ceux qui font appel à son expérience. Mais la plus grande responsabilité incombe justement aux preneurs de décision au niveau local. Ils doivent faire la preuve qu’ils sont à la hauteur de la confiance de la nation, qu’ils ont une grande capacité d’organisation, une dose d’inventivité qui séduit. Au risque de voir l’honneur personnel terni et la réputation de toute une région compromise, les responsables du développement local doivent démontrer qu’ils sont bien les personnes de la situation, et donc capables de relever les défis qui sont les leurs. L’expérience de Fada, si elle réussit, fera certainement tache d’huile.

Elle inspirera à coup sûr les organisateurs des festivités de 2009 à Ouahigouya et ceux de Bobo 2010. A ce propos, on gagnerait à éviter que les calendriers des commémorations dans les régions ne se confinent à des impératifs de politique politicienne. Il faut éviter d’ériger un système de gouvernance vicié et songer plutôt à adopter des principes intangibles à respecter. Ainsi, l’on devra veiller à circonscrire les dépenses, éviter la grande ripaille et les investissements de prestige. Tout en tenant compte des spécificités régionales, les investissements doivent être productifs, s’inscrire dans la durée et surtout coller aux besoins réellement exprimés par les citoyens. En tirant leçon de la première expérience de cette commémoration hors de Ouagadougou, les concepteurs des programmes feront certainement un pas dans la bonne direction, car la décentralisation réussie constitue un vrai facteur de développement. La tâche est donc immense et l’enjeu très important pour les Fadalais et le peuple du Gourma qui sont en quelque sorte les cobayes d’un nouveau défi.

"Le Pays"

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