LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

AFFAIRE BIBIR OUAHIGOUYA : A quand la fin du feuilleton ?

Publié le mercredi 3 décembre 2008 à 10h12min

PARTAGER :                          

Décidemment, ce qu’il est désormais convenu d’appeler affaire Bibir à Ouahigouya, n’est pas prêt de connaître un dénouement. Après maints rebondissements et épisodes, pendant que l’on croyait cette affaire close depuis un certains temps, notamment avec cette conférence de presse de septembre dernier, au cours de laquelle il a été annoncé la reprise des activités de la structure après une suspension depuis juillet 2008, suite à une décision de justice, voilà que l’affaire connaît un autre rebondissement ces derniers jours.

Tout serait parti du licenciement courant septembre 2008 de certains agents par le directeur Victor Ruibal. Certains n’ont pas hésité à crier à une chasse aux sorcières que ce dernier aurait entreprise pour régler ses compte avec ceux qui auraient "joué" contre son camp dans les périodes chaudes. Deux camps sont en présence. Celui de l’actuel patron de l’entreprise et celui des ex-travailleurs dont certains crient à l’injustice, au détournement de fonds, de projets, voire même d’association. L’affaire fait grand bruit en ce moment et nous avons donné la parole aux deux parties. Si du coté des ex-travailleurs, l’on est très prolixe, cela n’est pas le cas chez le patron de la maison.

Wahabo Ouédraogo, ex-travailleur de Bibir Ouahigouya

"Nous n’avons aucun problème avec l’Association Bibir en tant que telle, mais plutôt avec l’Association Savoir Agir (ASA). Nous sommes Bibir jusqu’à demain. Voilà l’affaire : Bibir est une organisation Espagnole dont le siège est à Barcelone. Elle a un détachement au Burkina Faso, qui se charge de la mise en œuvre de ces projets au profit des enfants. C’est dans ce cadre que Bibir Espagne a désigné le nommé José Emmanuel Chema Rodriguez pour piloter les projets au Burkina. Il est arrivé ici courant Mai 2004. Etant donné qu’il était employé de Bibir Espagne, il travaillait sans problème, et tout se passait bien jusqu’à l’année 2005 où il y’a eu l’idée de création de l’Association ASA. A l’époque, on nous avait fait savoir que celle –ci était une structure locale créée explicitement pour bénéficier des financements destinés aux associations locales. Malheureusement le président, Pabyam Victor est mort accidentellement. Donc, Chema s’est plus ou moins approprié les papiers, puisqu’il ne faisait pas partie de l’Association au départ. Seule sa femme, en était la vice-présidente.

Dès que le président est décédé, ils ont mis en place un nouveau bureau dont personne n’a participé à la mise en place. Donc, c’est un bureau fictif qui a été crée, avec M. Chema comme trésorier, sa femme la vice-présidente et un certain Célestin Traoré comme président. Ainsi, toutes les personnes qui étaient dans le premier bureau ont été exclues à leur insu. C’est ainsi qu’un jour, on est venu nous informer que nous tous, travailleurs de Bibir, allions être reversés à ASA, sauf 2 personnes, à savoir M. Chema et Célestin Traoré. On nous a donc reversés et on nous a fait comprendre que nos avantages et nos salaires n’enregistreraient pas de changement. Nous avons donc fonctionné sur cette base jusqu’en novembre 2007, où nous avons tenu une rencontre pour faire le bilan de l’année. C’est à cette rencontre qu’on nous informera que les objectifs assignés à ASA n’ont pas été atteints et qu’à partir de cette date, ASA est dissout et le personnel de nouveau reversé à Bibir. Un P.V de cette rencontre a été établi et signé par l’inspecteur du travail, le directeur de Bibir et trésorier de ASA, M. Chema et le délégué du personnel.

A notre grande surprise, ce P.V n’a jamais été exécuté. Puisque en fin Janvier 2008, nous avons constaté que nos bulletins de salaire sont restés toujours avec l’effigie de ASA, pourtant la décision devrait prendre effet à compter de Janvier 2008. Lorsque, personnellement, j’ai approché le patron pour comprendre, il m’a répondu que cela n’est pas mon problème et que l’essentiel est qu’on me paye mon salaire jusqu’à la fin de mon contrat. C’est dans cette situation que nous avons reçu, courant Mai 2008, la visite d’un Espagnol, du nom de Roberto Aragon Rodriguez qui se présente avec une décision de Bibir Espagne qui le nomme comme le représentant légal de Bibir en remplacement de M. Chema qui est reparti depuis fin Mars 2008 et qui, entre temps, a fait venir, dès la mi-Mars, M. Victor Ruibal. Ce dernier n’avait jamais répondu au nom de représentant légal de Bibir mais en tant que celui de ASA. En plus, Roberto Aragon a présenté ses documents légaux qu’il a reçus du MATD pour exercer comme représentant légal de Bibir.

Selon les explications de M. Aragon, avec les documents à l’appui, il se trouve que sous M. Chema, les financements destinés à Bibir Burkina étaient systématiquement virés dans le compte de ASA. C’est ainsi que 2 camps sont nés. Face à la confusion chacun des travailleurs devrait choisir entre le camp de Victor Ruibal, qui n’avait aucun papier qui le légitimait ici et celui de Roberto Aragon qui avait tous ses documents. Ayant compris que M. Chema a caché la vérité aux autorités, nous avons aidé M. Aragon à s’installer en tant que représentant légal de Bibir. Par la suite, étant en Espagne, M. Chema a manigancé les choses avec les bailleurs qui finançaient Bibir Espagne pour l’accuser de malversations financières de sorte à mettre la structure sous administration judiciaire, afin de relever ses responsables de leurs fonctions, tout comme les différents représentants dans le monde. Ce qui a été fait et c’est ainsi que M. Aragon a été relevé de ses fonctions ici au Burkina.

Après, nous avons été surpris que Victor Ruibal, qui est travailleur de la Fondation Intervida, bailleur de Bibir Espagne, soit affecté ici sans que les responsables de Bibir ne soit au courant. A son arrivée, il indique qu’il est là pour poursuivre les projets de ASA et de Bibir. Les licenciements qu’il vient d’effectuer ne sont qu’un règlement de compte qui vise ceux des travailleurs qui ont soutenu M. Aragon en son temps. Il a licencié le comptable, son adjoint le chargé de Volet production, 2 chauffeurs et une dame. Les arguments avancés le démontrent bien car ils ne tiennent pas la route. Par exemple, la dame et le chauffeur ont été licenciés pour abandon de poste. La période concernée correspond à la mise sous scellé des locaux et des véhicules suite à une décision de justice. Comment veut –on qu’un chauffeur travaille sans son outil de travail qui est sous scellé ? Comment veut-on que la pauvre dame travaille dans un lieu qui est fermé ? Ensuite, on avance d’autres arguments fallacieux du genre, "ils ne s’entendent pas avec leurs supérieurs hiérarchiques, etc.".

Quant au deuxième chauffeur et au chargé de production, il leur est reproché leur soutien à Aragon. Le comptable et son adjoint sont accusés d’avoir divulgué des documents comptables à des personnes étrangères et d’avoir témoigné contre eux à la gendarmerie. Tout cela ne procède que d’une volonté de vengeance qui s’apparente à une chasse aux sorcières. C’est un licenciement abusif et le comptable et son adjoint ont déposé une plainte au palais de justice de Koudougou, contre M. Ruibal et sa femme pour licenciement abusif. Par ailleurs, les ex-travailleurs ont déposé une dénonciation auprès du procureur ici à Ouahigouya. C’est une dénonciation sur l’illégalité sur toute la ligne. Figurez –vous que pour légitimer Victor Ruibal, ils se sont basés sur une fausse convention que M. Chema a signée en tant que représentant de Bibir avec le président de ASA dont il est aussi le trésorier, à l’insu des responsables de Bibir Espagne. C’est donc sur cette fausse convention que les administrateurs judiciaires se sont basés pour légitimer Victor Ruibal. Comment peut –on se baser sur du faux pour faire du vrai ?

C’est cela que nous dénonçons. Et nous espérons que l’enquête sera reouverte un jour ou l’autre. Tout le problème se résume au fait que ASA a été crée pour s’ingérer dans les affaires de Bibir. C’est une question de détournement de fonds, de biens et de projets. ASA n’est pas une structure légale en ce sens qu’ils disent avoir tenu une Assemblée générale constitutive pour la mise en place du nouveau bureau dont M. Ruibal est le trésorier et sa femme la présidente. Aucun membre de l’association n’a été informé du lieu ni de la date de la tenue de cette réunion. Et pire, cette fameuse rencontre, si elle avait eu lieu, cela serait avant l’arrivée ici au Burkina de Victor Ruibal. Il est arrivé en mi-mars pendant que les fameux documents montrent que la réunion a eu lieu en début Mars. Comment comprendre cela ? Je me demande quelle autorité a pu accepter délivrer ce récépissé. Grave encore, c’est que dans ce fameux bureau, il y a des gens qui ne savent pas que leurs noms y figurent. Je connais une dame qui a formulé une plainte parce qu’elle y a vu un jour son nom sans qu’elle n’en soit informée. Même les membres fondateurs se préparent pour déposer une plainte contre ce détournement de leur structure. C’est dire qu’il est temps et grand temps que les autorités du Faso ouvrent l’œil sur les soi-disant associations humanitaires, parce que partant de ce que nous voyons, les gens ne sont pas venus pour nous aider mais pour s’aider. C’est vraiment déplorable qu’on laisse des délinquants aux cols blancs venir agir de la sorte ici".

Victor Ruibal, actuel directeur de Bibir Ouahigouya

Le contact avec Victor Ruibal, celui –là même qui préside aux destinées de Bibir à Ouahigouya présentement, pour entendre sa version des faits n’a pas été chose facile. Après de longues négociations au téléphone, il a dans un premier temps, fixé un rendez–vous lointain, évoquant un calendrier chargé. Sur notre insistance, il a fini par nous accorder un rendez-vous le mercredi 26 novembre 2008 dans la matinée. Lorsque nous nous sommes présenté à ses bureaux sis secteur 10 de Ouahigouya, il nous signifiera qu’il veut bien nous parler mais à la condition que notre dictaphone reste éteint. Seule faveur qu’il nous consent, la possibilité de prendre des notes. De façon résumée, et si nos notes ne nous trahissent pas, il ressort de son propos que le licenciement des intéressés s’est fait dans les règles de l’art. "Certains se sont plaints à l’inspection du travail et lorsqu’on les a convoqués pour une confrontation avec nous, ils ne se sont jamais présentés. C’est le cas du chauffeur Moussa Maïga en fin octobre…", a-t-il dit. Quant à l’autre chauffeur, Salif Ouédraogo, M. Ruibal soutient que son cas a été réglé à l’inspection du travail et a même perçu ses indemnités de licenciement. Concernant le comptable, Victor Ruibal maintient que ce dernier a bel et bien divulgué les documents et l’interressé lui-même l’aurait reconnu devant l’inspection du travail et même à travers un écrit signé de lui dont il nous a présenté une copie. S’agissant de l’allégation selon laquelle, il s’agit d’une chasse aux sorcières, M. Ruibal est catégorique "…..Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, bien au contraire Bibir est là pour aider tout le monde sans distinctions", affirme-t-il en évoquant comme preuves les diverses réalisations de la structure (complexes scolaires, dons de kits scolaires, etc.) qui sont destinés à tout le monde. Selon lui, il ne faut plus parler de crise à Bibir car « la crise est derrière nous. C’est fini maintenant, tous les travailleurs sont résolument tournés vers l’avenir et c’est cela l’essentiel pour nous aujourd’hui. Les activités suivent leur cours normal, …" a–t-il ajouté.

Propos recueillis par Ladji BAMA

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : L’ONG IRC lance deux nouveaux projets